Au Théâtre de la Ville, “Assembly Hall” par Crystal Pite et Jonathon Young
Connue de la scène parisienne pour avoir créer les splendides Canon’s Season et Body and Soul pour le ballet de l’Opéra de Paris, Crystal Pite dirige depuis 2002, parallèlement à sa carrière de chorégraphe internationale, sa propre compagnie Kidd Pivot, basée à Vancouver. Assembly Hall est sa dernière création, en association avec le dramaturge Jonathon Young.
En Amérique du Nord, l’”Assembly Hall” correspond peu ou prou à nos salles des fêtes municipales. Les spectacles de fin d’année et autres réjouissances populaires y sont organisés de même que les réunions d’associations comme celle sur laquelle le rideau se lève. Rassemblant des passionnés d’histoires médiévales, ce groupe organise chaque année un spectacle de reconstitution historique. Dans la première scène, on comprend que les affaires vont mal et que la dissolution – ou non – de l’association est à l’ordre du jour, ce à quoi plusieurs membres s’opposent…
Crystal Pite et Jonathon Young ont choisi d’utiliser, pour nous emporter dans cette histoire, le genre de la danse-théâtre où les répliques, en américain, sont diffusées par une bande-son alors que les artistes miment leur rôle. Ce type de scène alterne avec des séquences purement chorégraphiques. L’Assembly Hall comporte une scène de théâtre dissimulée, au départ derrière des rideaux. Quand ceux-ci se lèvent, à leur tour, les intrigues de l’association laissent la place à des légendes médiévales, banquets et batailles, chevaliers en armure et gentes dames éplorées. Réalité et fiction s’entremêlent, la danse prend le pas sur le théâtre, pour porter le récit qui bascule dans l’absurde puis dans le fantastique. Crystal Pite déploie tout son talent de chorégraphe pour décrire les émotions, l’espoir, l’angoisse, la guerre et son lot de souffrance… Pleine de poésie, sa gestuelle faite d’amples mouvements de rotation des bras, de gestes nerveux, de corps qui ploient et se déploient, donne une dimension onirique. Qui sont les personnages sur scène, les membres de l’association déguisés ou les fantômes du Moyen-âge ? A quelle dimension spatio-temporelle ce chevalier sans nom appartient-il ? Sauvera-t-il l’association ? Le dernier arrivé de l’association détient-il la clé de ce mystère, lui dont favorables et opposés à la dissolution s’arrachent la voix ?
Au démarrage de la pièce, le parti pris théâtral fait craindre le pire : Comment pouvoir apprécier ce qui se passe sur le plateau alors que le regard est attiré par les trois écrans de sous-titres en français ? Imaginer une bande-son en français serait-il le summum du ringard ? Heureusement, ce dispositif laisse de plus en plus la place à la danse, au fur et à mesure que le spectacle avance, nous permettant d’apprécier pleinement le talent des interprètes, l’incroyable inventivité de la scénographie et les multiples méandres de l’histoire.
Stéphanie Nègre
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