Au Panthéon, intrusion de « La Figure de l’érosion »
Le temps d’un weekend, la chorégraphe Nathalie Pernette installe des figures en pleine mutation, face au marbre et aux sculptures immuables du Panthéon. Les statues figées et sculptées dans la pierre sont-elles vraiment aussi inaltérables qu’on le dit? La danse apparemment sculpturale de quatre troublants personnages agit en accélérateur imaginaire de l’érosion naturelle.
Les monuments historiques ont beau avoir l’air solides, la danse peut révéler leur fragilité. Dans l’imaginaire de Nathalie Pernette, la pierre va se désagréger, le fer peut fondre progressivement, des éléments peuvent se détacher. Le temps agit sur les sculptures les plus solides. Bon an, mal an, il peut compter sur de nombreux complices comme le lichen, le soleil, la pluie, la rouille, les champignons… La transformation permet aux statues de voyager, et les décennies ou les siècles se concentrent dans l’invention chorégraphique, du mouvement le plus imperceptible au basculement le plus brusque.
Aucune violence n’accompagne le lent processus de l’érosion, évoqué dans cette création qui sera dévoilée au public. On pourrait craindre le réveil d’un traumatisme quant à la fragilité de monuments vieux de plusieurs siècles, devenus des repères présents dans l’inconscient de chacun. « La Figure de l’érosion » n’enlève pourtant rien à cette présence. Au contraire, la danse ajoute sa propre poésie à la force mémorielle d’un lieu séculaire, ici sur fond d’une « musique conçue comme une vaste fresque en partie disparue, ou abîmée ».
Pour tous ceux qui assistent à « La figure de l’érosion », ou qui ont assisté aux spectacles chorégraphiques précédents du Panthéon, de nouveaux imaginaires s’ouvrent en grand. C’est vrai aussi pour les chorégraphes. Nathalie Pernette succède ainsi à Yoan bourgeois, Carolyn Carlson et autres. Et elle a pris l’habitude d’investir les lieux de mémoire, justement avec cette trilogie, « Une Pierre presque immobile », commencée en 2015 par « La Figure du gisant », présenté à Cluny, la Basilique de Saint-Denis et autres lieux du patrimoine.
Ces plaisirs du dialogue entre l’art le plus fugitif et insaisissable qui soit, et la vieille pierre qui semble traverser le temps en toute quiétude est le fruit d’une initiative lancée il y a cinq ans : « Monuments en Mouvement », orchestré par le Centre des Monuments Nationaux. La saison actuelle est en pleine effervescence et et s’associe pour “La Figure de l’érosion” au Théâtre de Châtillon. Elle se poursuivra à Paris (autour de la Chapelle Ardente) et ailleurs, puisque le Centre des Monuments Nationaux gère, dans toute la France, une centaine de sites précieux du patrimoine dont une dizaine environ se trouvent chaque année au cœur d’envoûtantes propositions chorégraphiques ou circassiennes.
Thomas Hahn
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