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« Art » revient avec bonheur au Théâtre Antoine

Hélène Kuttner 12 février 2018
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©Pascal Victor/ArtComPress

La plus célèbre comédie de Yasmina Reza, créée en 1994, revient au Théâtre Antoine dans la mise en scène originelle de Patrice Kerbrat. Pierre Arditi, Fabrice Luchini et Pierre Vaneck sont remplacés par Charles Berling, Jean-Pierre Darroussin et Alain Fromager, trio de choc, réunis autour de l’objet de leur future dispute, le fameux tableau blanc d’Antrios. Les trois comédiens sont formidables dans une pièce devenue un classique et dont chaque réplique fait mouche !

Trahison

©Pascal Victor/ArtComPress

C’est un peu l’histoire d’une trahison. Serge, Marc et Yvan sont les meilleurs amis du monde, et depuis de longues années leur amitié masculine épouse les aléas de la vie, des femmes et du reste. Mais quand Serge, qui est dermatologue, annonce avec fierté à son ami Marc, ingénieur dans l’aéronautique, qu’il vient d’acquérir un tableau tout blanc pour la coquette somme de 30 000 euros, le sang de Marc ne fait qu’un tour, c’est la rupture. Cette admiration excessive pour un artiste conceptuel contemporain, cet accomplissement soudain d’un désir personnel, ce besoin de reconnaissance fait de Serge un ennemi à abattre pour Marc, qui retourne soudain son amitié comme un gant et dégaine son épée.

Trio d’acteurs en or

Yasmina Reza, qui est aujourd’hui étudiée dans les programmes scolaires, fait jaillir les répliques avec un brio qui n’appartient qu’à elle. Les dits et les non-dits se catapultent comme les auto-tamponneuses d’une fête foraine, les personnages se révélant en toute transparence, en toute innocence au public dans des monologues qui nous les rendent intimes. Naturellement, la colère de Marc, incarné par Charles Berling, possède la démesure d’un Alceste qui clame son dégoût au monde, alors que le Serge d’Alain Fromager ne cesse de prendre de la hauteur, quitte à en devenir odieux de suffisance et de snobisme. Pour autant, jamais les personnages ne sont caricaturaux tant les comédiens les nourrissent de leur humanité et de leur vérité.

Darroussin en clown triste

©Pascal Victor/ArtComPress

La palme du rire en revient à Jean-Pierre Darroussin dans le rôle d’Yvan, conciliateur et fiancé malheureux, hilarant dans un incroyable monologue où il explique pendant 10 minutes la brouille entre deux belles mères qui veulent rivaliser sur un carton d’invitation ! D’une sincérité désarmante, le comédien parvient avec sa présence généreuse à nous faire partager une vraie trajectoire de vie, celle du copain moins brillant en affaires, moins brillant en amour, obligé de supporter ses compères qui la ramènent un peu trop alors qu’il est lui-même incapable de construire sa propre vie. La réussite de la mise en scène de Patrice Kerbrat, portée par ces trois formidables comédiens, est de nous faire entendre, derrière cette comédie autour de l’art contemporain, le drame de trois êtres fragiles qui vont jouer leur amitié, non pas aux cartes, mais sur le choix d’un tableau. Drôle, vive, enlevée, la pièce est une réussite.

Hélène Kuttner

 

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