Arnaud Denis, metteur en scène
Rencontre avec Arnaud Denis Mars 2014
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Arnaud Denis est né le 31 mai 1983 à Paris. Au cours de sa scolarité à l’Ecole Active Bilingue Jeannine Manuel, il découvre le théâtre et décide d’y consacrer sa vie. Il suit alors les cours de Jean Périmony et de Jean-Laurent Cochet et intègre la classe de Dominique Valadié au Conservatoire d’Art dramatique de Paris, puis le Conservatoire National.
En 2003, il fonde, avec le comédien Jean-Pierre Leroux, une compagnie théâtrale, Les Compagnons de la Chimère, au sein de laquelle seront créés huit spectacles (Les Fourberies de Scapin, La Cantatrice chauve, L’ingénu…) qui lui font acquérir une reconnaissance à la fois de la part des professionnels et du public, aussi bien comme comédien que comme metteur en scène.
Parlez-nous de votre rencontre avec Jean-Pierre Leroux… C’est d’abord une amitié. On s’est rencontrés chez Jean-Laurent Cochet. Il a tout de suite eu l’envie, l’ambition et le désir que nous fassions un travail ensemble. Il a su canaliser mon imagination débordante et me faire passer par les mailles de la réalité. On travaille en confiance depuis huit ans. Cet accompagnement m’a permis de faire des progrès à la fois dans le domaine artistique et administratif. En tant que comédien, il est d’une souplesse et d’un abandon extraordinaires. Il se laisse diriger, modeler… c’est fantastique. En même temps, il assume avec rigueur des responsabilités importantes au sein de la troupe. Pour la petite histoire, voici un complément apporté par Jean-Pierre Leroux : « Nous nous sommes retrouvés sur les distensions passagères que nous avions avec Jean-Laurent Cochet, lui en tant qu’élève, moi en tant qu’administrateur. Arnaud a eu envie de monter La Cantatrice chauve. Il m’a demandé si je voulais y remplacer un des élèves. Je me suis rendu compte combien ce garçon était bourré de talent. Quand il m’a demandé d’administrer sa compagnie… j’ai accepté… à condition de pouvoir continuer à exercer mon métier de comédien. Et sur chaque spectacle monté par la compagnie, il m’a distribué dans des rôles très intéressants. Depuis, nous formons un attelage solide. Oh ce n’est pas facile tous les jours. Arnaud est un peu soupe au lait, nerveux et je suis assez susceptible. Alors, il y a parfois des frictions… mais pour le bien de la compagnie car Arnaud aurait tendance à catapulter les compteurs et moi, je dois mettre le holà ! » Monter un spectacle aujourd’hui, qu’est-ce que cela implique ? Malheureusement, il n’y a pas que le questionnement artistique ! Il est primordial de trouver l’argent pour le faire. Nous venons d’avoir le refus de la subvention de la Ville de Paris. On attend une réponse de l’Adami qui nous a retoqués… Alors, on a frappé aux portes. Heureusement, Artistik Rezo a répondu présent et une collecte sur KissKissBankBank nous a permis de financer le décor. Arnaud, que représente Dom Juan à l’heure actuelle ? Et qui est ce personnage pour vous ? Un mythe qui enfreint les lois, cherche des limites et les transgresse. Cette pièce est un crachat endiamanté. La langue est sublime mais le fond est dangereux. Le personnage est l’opposé de Jésus. C’est un grand seigneur… méchant homme. Bref, c’est le monstre intemporel par excellence. En montant cette pièce, vous déclariez désirer retrouver la nécessité impérieuse de restituer sur scène le merveilleux et le terrible de cette œuvre obscène et sublime. Quelques explications ? On ne peut pas aborder une quelconque œuvre, surtout celle-là, sans en ressentir la nécessité, car tout ce qui se dit sur scène est nécessaire puisque écrit par l’auteur. C’est aussi retrouver la nécessité de la parole, de ce qui se joue. Au théâtre, on ne parle que lorsqu’on ne peut plus se taire. La nécessité aussi de retrouver la pièce dans son état d’origine. Je ne prétends pas la jouer telle que la jouait Molière puisqu’on n’en sait rien. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’est pas question pour moi de la dépoussiérer car elle n’en a pas besoin. Molière en jeans, ça me déprime. Quand on va voir la Joconde, on n’a pas besoin de la rhabiller pour la découvrir ! Ce sera monté donc classiquement avec des maquillages baroques. En revanche, ce que je veux retrouver moi, c’est l’aspect choquant de la pièce, à la fois le terrible et le merveilleux car il y a aussi une part de comique dans l’œuvre attachée au personnage de Sganarelle. Le terrible, c’est l’insolence, presque une profanation par moments. Comment l’avez-vous travaillée ? La pièce, écrite en 15 jours, part dans tous les sens, il n’y a pas de structure contrairement aux autres chefs-d’œuvre de Molière. Cette maladresse géniale dans la construction de l’œuvre est à la fois une difficulté pour le metteur en scène et en même temps une source de grande liberté puisqu’on peut construire la pièce comme un scénario de film. Elle ne respecte pas les trois unités (action, lieu, temps). C’est aussi la seule pièce atmosphérique de Molière car on passe de l’extérieur à l’intérieur. Enfin, elle a tout d’une œuvre shakespearienne. C’est donc tout cela que j’ai essayé de retranscrire. Dans la continuité du grand seigneur méchant homme, j’ai ajouté des passages en musique qui poursuivent l’action de l’œuvre où on voit Don Juan devenir dévot, tartuffe… C’est une musique classique contemporaine, un requiem qui fait un peu messe noire. Le cinquième acte se passe dans une chapelle. Le fait qu’il soit dans une église rend justice à la violence du propos. Ça la rend encore plus gênante. Mais, en substance, je vous invite à découvrir les multiples surprises que je vous ai préparées ! Caroline Fabre |
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