Anne, le musical: mais Anne, où es-tu, Anne ?
Anne, le musical propose une lecture musicale du journal d’Anne Franck, sorte de comédie musicale érigeant Anne Franck en effigie martyre, terrible paradigme d’une Shoah que l’on s’accorde à définir pour jamais inqualifiable. L’idée signée Jean-Pierre Hadida d’amener ce témoignage phare en chansons n’était pourtant dépourvue ni d’audace, ni d’intérêt. Reste qu’il aurait fallu plus que des interprètes talentueux pour un réel aboutissement de cette création, et qu’on sort en ne pouvant louer que leur indéniable investissement.
Oui, la prestation des chanteurs et comédiens de ce spectacle demeure louable, voire admirable. Leurs voix, intenses, sonnent justes et l’on sent leur implication, en mimes et vibrations, absolument fondue dans les rôles incarnés. Ce n’est donc pas eux que l’on se sent d’accabler de reproches mais plutôt le manque de poésie des textes chantés et une direction d’acteurs qui leur aurait demandé d’aller à ce niveau de réalité qui les fait larmoyant, et par là-même plus agaçants que troublants.
Sur tous ces manquements vient peser un enchaînement lourd de saynètes dont on ne ressent pas toujours l’utilité, sans parler du tout en sandwich dans un pain bas de gamme de rap et de slam qui se pose grossièrement, comme un cheveu sur la soupe qui ne révèle que davantage, et son manque de goût, et son manque d’originalité !
Comment parvenir en effet puisque les textes du livret de Jean-Pierre Hadida souffrent de carences évidentes en poésie, en force, et d’une absence presque totale de la tension qui aurait dû naître dans les mots à entendre ? Faute de mots forts peut-être, Pierre-Yves Duchesnes et Christine Giua ont dirigé leurs acteurs dans un excès d’émotions. Le problème c’est que la mise en scène a pris à charge le manque de pudeur qui ne résidait pas dans les textes d’Hadida. Du coup, si l’émotion jaillit bien sur les planches, à travers le flot de larmes qui s’écoule des acteurs, celle-ci est comme volée aux spectateurs qui se retrouvent privés d’émotions.
De bout en bout, Chloé Harry interprète une Anne Franck pourtant juste, pleine d’une ferveur adolescente en rupture avec la réalité aiguë de la Shoah, et elle s’impose en épargnée d’une mise en scène complaisante, gnangnan même. Cette jeune femme lutte en vain donc, pour que l’œuvre d’Anne Franck survive en dépit d’un spectacle qui passe à côté ! Comment être passé à ce point à côté d’une œuvre en prétendant la restaurer ? Le journal d’Anne Franck est émouvant du décalage qu’il pose entre la Shoah et les préoccupations de celle qui doit apparaître comme une adolescente d’abord, et non comme une juive ou comme une victime. On a l’impression au final, que l’intimité du journal d’Anne Franck a été jugée insuffisante pour rendre la catastrophe, et que c’est pour cela qu’on en a rajouté des tonnes…
En bref, un livret trop souvent mièvre et sans poésie, un jeu outrancier de complaisance et une mise en scène des plus consensuelles qui conviendrait à peine aux parents d’une école juive…
Si la phrase « Anne, où es-tu, Anne ? » revient bien souvent dans le spectacle, l’adaptation scénique du journal d’Anne Franck est tellement manquée que c’est au spectateur d’Anne, le musical qu’il revient de réclamer au sortir : « mais Anne, où es-tu, Anne ? » !
Christine Sanchez
A partir du 19 mars 2009,
Centre d’Art & Culture de l’Espace Rachi
39 rue Broca, 75005 Paris
75005 Paris
Métro Censier Daubenton (ligne 7)
Durée du spectacle : 1h30
Tarifs des places : 26€, TR : 20€
Réservation : www.annelemusical.com,
01.42.17.10.38 / 06.47.07.44.03
et Fnac billeterie, ticket-tac, Billet réduc
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