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“Angela Davis”, une pièce du OFF d’Avignon prochainement en tournée américaine

Fatma Alilate 1 août 2022
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"Angela Davis, une histoire des Etats-Unis" - Astrid Bayiha © Jérémie Lévy

"Angela Davis, une histoire des Etats-Unis" - Astrid Bayiha © Jérémie Lévy

Angela Davis (née en 1944) est une icône de la lutte pour les droits civiques. Accusée de meurtres, complot et prise d’otages en 1970, son incarcération a mobilisé les foules par d’immenses manifestations autour du slogan Free Angela. Les Rolling Stones lui ont dédié le titre Sweet Black Angel et son prénom a été une chanson composée par John Lennon.

La pièce commandée par Paul Desveaux, metteur en scène et directeur de la Compagnie L’héliotrope, à la talentueuse Faustine Noguès – elle n’a pas trente ans et deux de ses pièces étaient à l’affiche du OFF -, a connu un succès immédiat au Théâtre des Halles, une ancienne chapelle avec jardin à Avignon. Angela Davis est interprétée par la comédienne Astrid Bayiha. Elle est questionnée sur son parcours par un journaliste (Paul Desveaux) et revient aux sources de ses combats. La scène se déroule à l’arrière-plan de la chapelle sur un écran de projection Super 8. “Depuis les années 1960, je n’ai jamais eu autant d’espoir”, confie-t-elle.

Angela Davis, avis de recherche du FBI, 1970

Angela Davis, avis de recherche du FBI, 1970

J’avais dépassé le sommet de la colline

Angela Davis est militante, activiste pour l’égalité des droits civiques et aussi féministe, communiste. Elle a été deux fois candidate à la vice-présidence des Etats-Unis. Elle dénonce la nature structurelle du racisme et prône la convergence des combats : “Il n’est pas possible de se battre pour un groupe sans se battre pour tous les groupes.” Mais une question sur la radicalité du Black Panthers Party auquel elle avait adhéré semble la troubler.

Astrid Bayiha arrive au plateau. Des images d’archives vont nous plonger de façon dynamique dans l’Histoire américaine, celle des émeutes des ghettos noirs. Dans un dispositif scénique épuré, la voix d’Astrid Bayiha rappe, groove et revendique cette radicalité, affirmée comme une réponse à l’extrême violence. Née en Alabama, Etat ségrégationniste, la ville natale d’Angela Davis est Birmingham qui était considérée comme la capitale du Ku Klux Klan. Sa maison était située sur la “Dynamite Hill”, tristement célèbre pour le dynamitage des maisons. Elle entend la première explosion à cinq ans. Avec ironie, elle résume la destinée des Noirs : “Un peu de religion, une pincée d’instruction et la mort.” Dans l’église, quatre petites filles sont assassinées par une bombe – une enfant a la tête arrachée. Elle a douze ans à la fin des années 1950, quand elle accompagne sa mère aux Marches pour la liberté. C’est le début d’une conscience politique. Ses parents sont enseignants, elle vient de la classe moyenne américaine. Tous les étés depuis ses cinq ans, elle part à New York où il est autorisé de se placer derrière le chauffeur de bus – sa place préférée -, elle connaît une autre vie qui lui ouvre les yeux. “J’avais dépassé le sommet de la colline”, dit-elle au public. La militante raconte le fonctionnement des Etats ségrégationnistes où les gens sont “séparés mais égaux”. Avant de partir en vacances, les Noirs achetaient le livre de l’automobiliste nègre qui recensait les lieux où ils pouvaient être accueillis et il valait mieux ne pas se tromper d’adresse.

"Angela Davis, une histoire des Etats-Unis" - Astrid Bayhia © Jérémie Lévy

“Angela Davis, une histoire des Etats-Unis” – Astrid Bayiha © Jérémie Lévy

Une vie de combats

Astrid Bayiha joue, chante et participe au son par des coups frappés sur la Loop Station. Août 1965, ce sont les émeutes de Watts, un quartier majoritairement noir de Los Angeles. Les Etats-Unis s’embrasent. Nous assistons à un lynchage par des policiers. Astrid Bayiha reprend le slogan de la foule : “Burn baby burn !” La projection des actualités permet d’approcher au plus près les tensions raciales. Trente-quatre morts à Watts. Alors qu’Angela Davis est étudiante en France, elle décide de revenir dans son pays pour s’engager contre les discriminations. Elle va mener jusqu’à aujourd’hui une vie de combats : “Ce qui m’importe c’est de transformer le monde.” Face au système, l’arme d’Angela Davis est la pensée même si l’universitaire est licenciée de son poste en Californie – le gouverneur est Ronald Reagan. Le tempo musical se mêle aux chants d’Astrid Bayiha pour évoquer ruptures, déchirures et surtout combativité. La voix rythmée et saccadée puise dans les intonations du blues : “Ça détonne, ça résonne ; On se croirait dans un cyclone ; D’un seul coup les tirs cessent ; Plus qu’une fumée épaisse.” En 1970, un avis de recherche du FBI est placardé dans tout le pays, Angela Davis est accusée à tort de meurtres. En prison, elle est à l’isolement et devient une militante contre les conditions carcérales des autres prisonniers notamment des femmes. Tout le long de la pièce, Angela Davis déconcerte par sa force de caractère : “Ma lutte, c’est ma vie.” Acquittée grâce à une mobilisation internationale, cette femme d’exception continue à abattre nombre d’obstacles. Chaque épreuve est une expérience qu’elle analyse par une démarche de réflexions politiques : “Si on s’unit, on gagne.” Devenue un mythe de son vivant, elle porte haut sa parole contre les mécanismes d’oppression.

"Angela Davis, une histoire des Etats-Unis" - Astrid Bayhia, Théâtre des Halles / Avignon © Fatma Alilate

“Angela Davis, une histoire des Etats-Unis” – Astrid Bayiha, Théâtre des Halles / Avignon © Fatma Alilate

La pièce permet une belle rencontre avec une personnalité hors norme, très courageuse. Angela Davis a fait bouger les lignes, tout obstacle est modifié en point fort. “Féministe, noire, communiste. L’avantage que j’ai c’est que je cumule”, dit-elle avec humour. Les injustices la mobilisent dans une vision globale et décloisonnée.

La puissance des mots est portée par le sens du rythme musical, la voix et la gestuelle déterminée d’Astrid Bayiha. Seule en scène face aux spectateurs, son interprétation relève de la performance. L’ambiance rap au ton direct signée Blade AliMBaye crée une sonorité percutante. En à peine une heure, nous découvrons les étapes de la vie d’Angela Davis et sa décision d’engagement. Son existence est un tourbillon, elle explique ses opinions, ses choix d’actions et sa lecture du monde. La pièce d’une grande vivacité sera à la rentrée en tournée américaine, une récompense bien méritée.

Fatma Alilate

Princeton / Etats-Unis : 20 et 21 septembre 2022

Massachusetts International Festival of the Arts / Etats-Unis : 30 septembre au 4 octobre 2022

www.heliotrope-cie.com

 

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