Andréya Ouamba ou l’art de chorégraphier la rébellion
J’ai arrêté de croire au futur… D’Andréya Ouamba Avec Clarisse Sagna, Du 14 au 18 octobre 2015 Tarifs : de 10 à 26 € Durée : 1h15 Théâtre des Abbesses M° Abbesses |
Du 14 au 18 octobre 2015 J’ai arrêté de croire au futur…, pièce de danse sous haute tension, arrive au Théâtre des Abbesses. Andréya Ouamba, Dakarois d’origine sénégalaise, y met en scène la jeunesse en révolte, face à un dictateur prêt à écraser son peuple. Mais ce Père Ubu africain tient un discours si poétique qu’il faut en admirer la pureté illusoire autant que la puissance combative des danseurs. La création chorégraphique africaine est forcément politique et donc singulièrement agitée. Qui saurait nommer un chorégraphe travaillant entre Johannesburg, Dakar et Nairobi qui ne tire pas son énergie des questions autour de la mort, de la guerre ou des conditions de (sur)vie et du vivre-ensemble… ? J’ai arrêté de croire au futur… d’Andréya Ouamba ne fait pas exception. Le geste chorégraphique d’Andréya Ouamba est traversé par des attitudes proches de la danse krump, avec ses éruptions violentes de crispations gestuelles. On ne saurait mieux signifier l’aveuglement d’un dictateur face au vent de révolte qui balaye les rues. Les élans chorégraphiques des cinq danseurs et la musique obsédante d’Aymeric Avice tiennent la salle en haleine, de bout en bout. Ouamba et ses interprètes ont inventé des actions qui font ressembler les corps aux ressorts d’une montre. Le suspense peut atteindre l’insupportable, alors que la partition gestuelle évite toute représentation de violences physiques. Kinshasa sous haute tension Le discours coule. Le pays aussi ? Grâce à la danse, les temps pourront changer, il suffit d’y croire. L’énergie de la danse et des sons s’impose. Ouamba, Congolais travaillant à Dakar, dessine sur le plateau une analyse des rapports de force proche de l’actualité à Kinshasa, truffée de parallèles avec les relations entre Josef Kabila et les citoyens en RDC. On ne peut qu’y voir les prémices de quelques raisons de recommencer à croire au futur. Cette pièce se lit comme des portraits de cinq jeunes, face à la dictature d’une sorte de Père Ubu avec son cynisme, son autosuffisance, son calcul politique, avec son ridicule et son pathos. Le monstre est incarné par le comédien Sylvain Wakeu Fogaing : “Je ramasse les ordures humaines sur le chemin que je trace. On m’accuse parfois quand l’armée fait son devoir et rien que son devoir de tirer sur le peuple qui marche. De torturer les vendeurs d’illusions qui commercialisent la rébellion sociale. De condamner à perpétuité les opposants au progrès du pays. C’est mal juger l’homme-président qui vous aime plus que lui-même.” Face à l’agilité d’une guérilla urbaine et chorégraphique, Sylvain Wakeu Fogaing met tout son poids dans la balance. L’ubuesque dictateur est seul à croire au futur, à vouloir y faire croire : “La vie est rose, vous pouvez me croire. L’espoir n’est plus un rêve. Le messie est avec vous.“ Son discours-fleuve outrancier paraît si véridique qu’on pourrait le croire authentique. Mais il est, dans toute son universalité, dans sa poésie paradoxale, l’œuvre du comédien-auteur. Thomas Hahn [Photos © Patrick Berger / DR] |
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