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Anaïs Nin à l’Athénée, une femme libre

© Emilie Brouchon

Sous la plume de Wendy Beckett qui met également en scène le spectacle, Anaïs Nin, une de ses vies dresse un joli portrait de cette femme audacieuse, qui fut la première auteure d’écrits érotiques. Centrée sur sa rencontre avec Henry Miller, la pièce met en lumière sa soif de création et d’indépendance avec raffinement.

Nous sommes dans le Paris des années 30. Les Américaines et les Américains qui émigrent sur le Vieux Continent sont souvent des artistes ou des intellectuels qui fuient le puritanisme des États-Unis, voulant tout simplement s’enivrer à leur guise, fumer, donner libre cours à leur érotisme et goûter à tous les paradis artificiels. Anaïs Nin est de ceux-là. Elle est ici interprétée par la brune et fine Célia Catalifo, qui la pare à juste titre d’une sensualité mystérieuse et élégante. Elle est tournée vers la littérature et a déjà écrit plusieurs cahiers de ses Journaux qui seront édités. D’une curiosité insatiable, elle s’est déjà emparée de la discipline qui fait fureur dans ces milieux, à savoir la psychanalyse. Sur le divan d’Otto Rank, qu’interprète Laurent d’Olce en étant sobre et attachant, elle s’interroge sur son désir d’écrire ainsi que sur sa blessure causée par l’abandon du père.

© Émilie Brouchon

Alors qu’elle se livre à une quête d’elle-même, Anaïs Nin rencontre Henry Miller, à ce moment-là fauché mais convaincu de devenir le grand romancier qu’il sera bel et bien. Quoique accompagné de sa femme, la légendaire et blonde June, il tombe rapidement amoureux et la situation évolue à la mesure de ces personnalités hors du commun, puisque June et Anaïs deviennent également amantes. La pièce aborde cette grande liberté sexuelle à travers des scènes à la fois très belles et sans exhibitionnisme. La lingerie haut de gamme et les mouvements soigneusement maîtrisés sont extrêmement sensuels en étant d’une réussite formelle impeccable. Cette caractéristique évoque discrètement le trait de Brassaï, qui photographia beaucoup le trio amoureux.

Dans la petite salle nichée tout en haut de l’Athénée et qui prend des allures d’alcôve, cette pièce intimiste a trouvé son écrin. La mise en scène minutieuse témoigne d’un souci de coller au style de l’époque et y parvient par jolies touches, musique, lumière, accessoires. De même, il faut noter la qualité des costumes, à titre d’exemple la robe dans laquelle apparaît Anaïs évoque d’emblée le fameux velours frappé de Mariano Fortuny. Laurent Maurel, dans le rôle d’Henry Miller, et Mathilde Libbrecht, dans celui de June, évoluent subtilement et bousculent avec intelligence la délicate Anaïs. L’atmosphère des années 30, la liberté et la volupté d’une génération affranchie sont au final fort bien restituées et réjouiront le public de notre temps qui s’intéresse à cet âge d’or des artistes à Paris.

Émilie Darlier-Bournat

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