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Alexis Michalik : “Ces trois choses en commun sont les plus importantes pour créer”

Rencontre avec Alexis Michalik, comédien, auteur, scénariste, réalisateur et metteur en scène entre autres du Porteur d’Histoire, d’Edmond et du Cercle des Illusionnistes.

Bonjour Alexis, pourriez-vous nous expliquer votre arrivée dans le monde du théâtre ? 

J’ai commencé le théâtre très jeune. J’ai intégré un club théâtre quand j’étais au collège-lycée. C’est là que j’ai compris que c’était ce que je voulais faire. À 18 ans, j’ai trouvé un agent et j’ai passé un premier casting. Je me suis retrouvé dans une pièce dirigée par Irina Brook, Juliette et Roméo. Cette pièce m’a donné en quelque sorte les bases de la mise en scène. Le fait de créer un groupe, d’arriver à trouver un casting, et surtout de sortir des sentiers battus d’un texte, cela m’a donné le virus de la mise en scène. Vers 20 ans j’ai monté ma première pièce avec une bande d’amis du conservatoire du 19ème, c’était une mise en scène assez libre du Mariage de Figaro. En 2005, nous l’avons amenée au Festival OFF d’Avignon. J’ai un peu attrapé le virus de ce festival et j’y suis retourné une quinzaine de fois depuis. Mes premiers spectacles étaient des classiques revisités, comme La Mégère à peu près apprivoisée. Puis j’ai fini par écrire ma première pièce complète, Le Porteur d’Histoire, qu’on a créée à Avignon en 2011. À ce moment-là, il y a eu un petit tournant. Je me suis rendu compte que ce que j’écrivais pouvait intéresser des gens et donc j’ai continué à écrire et à m’investir dans le théâtre. 

 En prenant l’exemple de votre pièce Le Porteur d’Histoire, comment choisissez-vous vos comédiens ? Quelles sont vos méthodes de sélection ? 

Le Porteur d’Histoire c’est un peu particulier, c’est ma première pièce. Je voulais la créer à moitié à la table et à moitié au plateau. Il y a des scènes entières que j’ai écrites et d’autres scènes que j’ai racontées aux comédiens et que nous avons créées au plateau. Je les dirige, je leur dis “Voilà ce qui va se passer” et on essaie de trouver les dialogues ensemble. À la fin, il y a une opération de lissage où je réécris les dialogues. C’est un processus qui oblige à utiliser des acteurs qui peuvent être de bons improvisateurs. Pour le Porteur d’Histoire, j’ai simplement proposé à cinq acteurs que je connaissais par différents biais, dont trois avec qui j’avais déjà travaillé : Régis Vallée, Magali Genoud, Amaury de Crayencour, Eric Herson-Macarel et Evelyne El Garby-Klaï. Evelyne était avec au moi au conservatoire du 19ème. Avec Régis, nous avons fait tous nos spectacles ensemble. Avec Eric, j’avais créé un spectacle à Avignon. Magali et Amaury, je n’avais encore jamais travaillé avec eux. En général pour choisir un comédien, il faut que je l’ai déjà vu jouer ou qu’on m’en ait parlé. Je préfère évidemment travailler avec des comédiens qui ont l’habitude des troupes et des longs spectacles. Généralement, mes spectacles durent longtemps quand nous ne sommes pas en pandémie mondiale. Je cherche avant tout des caractères troupiers, qui savent tenir dans l’univers troupier durant longtemps, avant tout humainement, et qui peuvent mettre leurs egos de côté, au service d’une histoire. 

 Face au Covid, pensez-vous que l’approche de votre métier ou de votre secteur a évolué ? 

Je ne dirais pas qu’elle a évolué. Pour moi, tout a été mis en pause. Il y a une volonté de se dire que c’est une sorte de parenthèse douloureuse à laquelle il faut se résigner et espérer qu’à un moment on sortira de cette pandémie. Ce sera le cas comme à chaque fois, comme historiquement dans les années de peste où ils fermaient les théâtres et où évidemment c’était bien plus meurtrier. Il y a cette espèce de résignation de ma part, car pour moi le théâtre est indissociable du public, d’une salle pleine, donc tant que nous ne pouvons pas avoir ça, ce n’est pas vraiment du théâtre. Si on se dit qu’on s’adapte, qu’on va faire un streaming, ça devient autre chose que du théâtre. Ça devient une captation. Ce ne sont pas les mêmes émotions, le même enjeu, le même éphémère. De mon petit point de vue personnel, j’imagine cela comme une sorte de pause durant laquelle on recharge les batteries, les créateurs vont avoir évidement des sources d’inventivité renouvelées puisque de toute façon le monde est en pause. 

Pouvez-vous nous raconter l’une de vos meilleures anecdotes en tant que metteur en scène ? 

J’ai un million d’anecdotes à raconter mais je pense que ce que je retiens, ce sont vraiment les débuts. Quand on est metteur en scène, ce qui compte au final, ce sont nos qualités de chef d’équipe plus que d’artiste. C’est notre capacité à fédérer un groupe, à trouver le bon casting et à aller au bout d’un projet. Tout ça est parfaitement illustré par le premier Avignon que nous avons fait. Avec le premier spectacle Le Mariage de Figaro, nous avons appris de nos erreurs. Nous avions loué une maison pour huit personnes alors que nous étions treize. La maison était à 40km d’Avignon, nous avions vraiment une bonne route à faire tous les jours pour aller jouer. On avait loué un créneau sans savoir du tout de quoi il s’agissait. La pièce durait 2h30, il y avait dix comédiens, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait poser les affiches sur des cartons, alors que nous avions juste imprimé des affiches bêtement. Nous avons dû aller chercher des cartons au supermarché, c’était un peu la découverte d’un monde. Quand nous avons commencé à jouer, on a paradé, tracté, fait venir des gens. Au bout du 3ème ou 4ème jour, un professionnel est venu nous voir et nous a demandé un dossier de presse. Je ne savais pas ce que c’était et j’ai découvert ce jour-là qu’on pouvait vendre un spectacle et des dates d’un spectacle. Je pensais qu’à Avignon, le but était d’y aller et de se rembourser. C’est ce que nous avons réussi à faire. Et à partir de là, je me suis dit que j’allais écrire plein d’autres spectacles. C’est sur les premières années que nous avons le plus d’anecdotes car nous découvrions les premières galères. C’est là où on voit la différence avec ceux qui vont baisser les bras, ceux qui vont dire que c’est trop compliqué. Car Avignon c’est très dur, il fait chaud et les gens sont en frénésie. 




Comment conjuguez-vous vos métiers de comédien, auteur, metteur en scène, scénariste, réalisateur ? Est-ce bénéfique d’avoir plusieurs casquettes pour exercer chacun d’entre eux ? 

Je tâche de les conjuguer au mieux. J’aime bien ne pas avoir de frustration. Par exemple quand je n’ai pas joué depuis longtemps, ça va finir par me manquer. D’où le retour sur scène pour Une histoire d’amour. J’ai la chance de pouvoir tourner de temps en temps en tant que comédien. Cela me nourrit surtout de deux manières. La première, c’est la manière dont je vais rencontrer des gens quand j’arrive sur un tournage. Je vais rencontrer plein d’acteurs, de techniciens et ça me donnera peut-être des idées pour travailler avec l’un d’entre eux dans le futur. Il y a aussi le fait que je vais assister au travail d’un autre metteur en scène ou d’autres réalisateurs ou réalisatrices. Ça va m’inspirer pour faire des choses moi-même. Ou inversement quand je vois que ça patine un peu ou que ça manque d’ingéniosité, je vais me dire que nous devrions plutôt le faire de telle façon. Dans le cas de metteur en scène, ça permet de nourrir l’approche d’un rôle. On va faire un vrai travail sur la scène. Quand on arrive sur le plateau on se met au service de la mise en scène, comme écrire sa structure. Oui, je pense que tous ces métiers communiquent les uns avec les autres. Évidemment, certaines fois je me rends compte qu’ils vont avoir un impact plus ou moins fort sur le public. Je pense en même temps qu’il y a un ordre d’importance et qu’aujourd’hui mes spectacles vont primer sur le reste. Si j’ai à choisir entre une création et un tournage ou qu’on me propose un rôle, je choisirai la création et j’irai jusqu’au bout de mon projet, car c’est ce que j’ai le plus dans le ventre. 

Quel serait votre projet de rêve ? 

Mon projet de rêve c’était Edmond, que j’ai eu la chance de réaliser. Un autre de mes projets de rêve serait de monter une comédie musicale de Broadway à Paris, adaptée bien sûr. J’en ai plein d’autres ! Je rêve de certains films notamment. Mais laissons un peu de secret. 

Avec votre expérience d’Edmond, quelles sont les différences de mise en scène entre le théâtre et le cinéma ? 

Il y en a un million bien sûr. On ne raconte pas l’histoire de la même manière. Au théâtre, on la monte chronologiquement. Au cinéma, on filme de manière achronologique. Au cinéma on dirige les acteurs de manière naturaliste car il y a des micros pour les capter alors qu’au théâtre il faut parler fort. Au théâtre c’est l’art de la convention. Le public peut croire à des choses qui ne sont pas réalistes. Il peut croire qu’un acteur va être le père d’un autre acteur alors qu’ils ont le même âge, qu’un homme va jouer une femme, que quelqu’un est invisible à partir du moment où il va dire “Je suis invisible”. Au théâtre il n’y a pas besoin d’artifice. Il existe une sorte de pacte magique entre le spectateur et le public. Il n’y a pas non plus besoin de décors hypra-réalistes, nous pouvons suggérer des décors, et c’est encore plus stimulant pour le spectateur qui va faire le travail avec son imaginaire. Alors que le cinéma, c’est le cinéma de la vérité. Nous sommes obligés de montrer le cinéma du réel sinon on n’y croit pas. Ce n’est pas la même façon d’aborder les choses. Mais je peux aussi vous parler de ce qu’il y a en commun entre le cinéma et le théâtre. Quoi qu’on réalise ou qu’on mette en scène, il faut savoir raconter une histoire, il faut savoir fédérer une équipe, il faut savoir diriger des acteurs, et ces trois choses en commun, je pense, sont les plus importantes pour créer. 

 

Propos recueillis par Thaïs Franck

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