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Alexandre Brasseur : « Ce qui m’intéresse, ce sont les failles»

3 octobre 2014
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ALEXANDRE-BRASSEUR---COPYRIGHT-FRANCOIS-DARMIGNY---10

Georges et Georges

De Eric-Emmanuel Schmitt

Mise en scène par Steve Suissa 

Avec Alexandre Brasseur, Davy Sardou, 
Christelle Reboul, Véronique Boulanger, Zoé Nonn et Thierry Lopez

Du 2 octobre 2014 au 4 janvier 2015

1h30

Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté 75014 Paris 
M°Gaîté 

Alexandre_BRASSEUR_-_Crdit_Franois_DARMIGNY-2Alexandre Brasseur campe avec fougue et humour le rôle du docteur Galopin, un médecin à la science des plus saugrenues, dans Georges et Georges, comédie conjugale écrite par Eric-Emmanuel Schmitt et mise en scène par Steve Suissa au Théâtre Rive Gauche. Pour Artistik Rezo, l’artiste ouvre les coulisses du spectacle et livre son regard sur le métier d’acteur.

Comment avez-vous découvert la pièce Georges et Georges et qu’est-ce qui vous a attiré ?

Je l’ai découverte assez simplement. Je contactais Schmitt pour un projet personnel et j’ai eu Suissa au téléphone qui m’a proposé de lire une pièce. Je lis cette pièce et, je dois dire, je savais pas qu’elle était de Schmitt mais j’ai tout de suite adhéré parce que j’adore ce côté burlesque. La pièce est un peu folle et en même temps il y a une certaine forme de profondeur un peu cachée. Ensuite je me suis aperçu que c’était une pièce de Schmitt et j’étais d’autant plus touché d’avoir cette chance inouïe pour un jeune acteur de pouvoir jouer une pièce d’un auteur aussi important que Schmitt qui est un des auteurs les plus joués dans le monde aujourd’hui. J’étais vraiment très touché d’autant plus que ça se joue dans son théâtre, dans la mise en scène de Suissa avec qui j’avais très envie de travailler. Je trouve que Steve fait des mises en scènes très modernes et que sa direction d’acteurs est vraiment intéressante. Et puis il y avait Davy Sardou …. C’est une pièce chorale en fait. C’est pas un acteur ou deux acteurs qui font un numéro de cabriole, on est six, tout le monde a sa partition à jouer, tout le monde apporte sa pierre à l’édifice et ça je trouve ça très bien. Le fait qu’on soit tous sur un pied d’égalité apporte beaucoup au spectacle.

Vous êtes six acteurs dans la pièce. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

En plus on travaille tous très différemment. Steve a eu pas mal de boulot avec nous pour contenir les énergies différentes, les appréhensions du travail différentes les uns des autres. Mais malgré tout, ce qui nous unit c’est la force du travail bien fait, l’habitude et l’amour du théâtre. Donc on n’est pas une distribution de solitaires, on est vraiment dans l’esprit de GG4GRAND-2troupe. Et quand vous jouez une pièce comme celle-là où les parfums de Feydeau sont omniprésents vous devez pouvoir vous appuyer énormément sur vos partenaires parce moi je parle et qu’à un moment donné la porte doit s’ouvrir au bon moment. Ça s’est fait comme ça, un jeu tout en confiance. Ça a généré énormément de promiscuité. Cette confiance génère beaucoup de bonheur dans les loges…et sur scène aussi.

Comment dirige Steve Suissa ?

Il sait exactement ce qu’il veut et ce qu’il veut pas. En même temps il vient du cinéma, il a été bercé par tout le cinéma américain, les bons films français. Donc il veut un jeu dans la sincérité et il ne nous amène pas vers du sur-jeu. Après il vous laisse libre, c’est à vous de faire le boulot (…) Dès que vous y allez il vous allume donc il faut quand même faire un vrai travail de réflexion sur les failles des personnages, sur l’âme des personnages pour essayer de trouver la sincérité qui les habite. Parce que, comme dit Schmitt, Feydeau c’est rigolo d’accord mais c’est du drame inversé. Et les leviers sont là, dans les drames des personnages. Le comique ne viendra que d’une porte qui s’ouvre au mauvais moment, de deux personnages qui ne sont pas censés se croiser et qui vont se croiser. Mais dans le jeu vous devez être sincère. 

(…) J’aime bien la vision de la vie de Steve, j’aime bien sa vision du jeu. D’ailleurs c’est la première fois qu’un metteur en scène s’acharne autant sur moi à me dépatouiller de mes – j’appelle ça des « béquilles » – sur lesquelles on s’appuie avec le temps. Tout à coup il vous retire vos béquilles, vous vous retrouvez à poil ; ça m’intéresse !

Vous aimez faire rire n’est-ce pas

Oui, c’est agréable. J’ai de la chance de jouer avec des acteurs généreux. C’est vraiment important la générosité, quand on revient au sens étymologique du terme. J’aime bien toucher le côté ludique, le côté enfantin du jeu. Il faut être très vigilant parce qu’il faut pas non plus en faire des caisses. Mais quand vous avez un public qui est avec vous c’est très porteur, c’est très jouissif. Il faut rester très vigilant parce qu’il faut que je reste dans le côté cynique de mon personnage et ne pas le prendre sur le ton de la rigolade. Mais quand vous avez une salle avec vous et qu’elle rigole c’est génial.

Quels aspects de votre personnage vous touchent ?

D’une certaine manière sa fragilité. Je ne peux pas tout dévoiler parce qu’il y a des tas de surprises. Mais il a l’air un peu désabusé. C’est un espèce de cynique un peu décadent et j’aime bien le cynisme chez les gens, parfois même l’auto-dérision. Je trouve que c’est une GG2GRAND-2certaine une forme de maturité de la vie. Galopin a pas mal bourlingué, moi-même j’ai pas mal bourlingué. Je fais beaucoup de choses parfois qu’on ne devrait pas voir et ça apporte beaucoup d’humour et de cynisme chez ce personnage. (…) Il a vraiment des failles sur lesquelles on peut s’appuyer et c’est ce qui fait que tous les soirs j’arrive à trouver les leviers nécessaires pour pouvoir le jouer avec le plus de sincérité possible et le plus de plaisir possible…Il a vraiment des failles ce mec. Mais qui n’en a pas. J’en ai moi aussi, plein. C’est ce qui m’intéresse dans mon travail d’acteur, ce sont les failles…

Vous êtes un acteur polyvalent, vous vous produisez au cinéma, à la télévision et au théâtre.

La liberté c’est super important. On est vraiment encadré de chapelles dans notre métier. Le cinéma, la télévision, le théâtre. A l’intérieur de ça vous avez le cinéma populaire, le cinéma d’art et essai, dans la télévision vous avez TF1, France 2, France 3, Canal + … Personne se mélange ! Le théâtre subventionné, le privé, le cinéma d’art et essai… Personne se mélange ! Moi je trouve que justement ce qui est intéressant c’est de se mélanger et d’aller voir ailleurs ce qui se passe. C’est ce que j’essaye de faire. J’essaye d’aller vers des univers différents, des théâtres différents, vers des diffuseurs différents. J’ai pas de plan de carrière mais quand on me propose un truc là, je dis oui, ou un truc à l’opposé, j’accepte aussi.

Vous créez des passerelles ?

C’est important ! Nous les acteurs nous ne sommes pas des décideurs. Et c’est les décideurs en France qui vous lèvent les ponts. Et moi je pense que justement quand vous parlez aux acteurs du subventionné ils adoreraient aller dans le privé, les acteurs du privé adoreraient aller dans le subventionné, les acteurs de Canal + aimeraient bien quelque fois faire un beau truc sur TF1 et ceux qui bossent sur TF1 aimeraient bien aller sur Canal. Ceux qui font du cinéma aimeraient bien faire de la télévision…Vous voyez ce que je veux dire. Les acteurs aimeraient bien que les passerelles soient plus faciles, plus larges, en tout cas qu’on puisse les traverser. Moi j’ai pas choisi ce métier pour être sclérosé dans un univers mais au contraire pour pouvoir aller et rayonner le plus largement possible dans des univers différents, pour rencontrer des gens différents. J’essaye de ne pas me sentir embrigadé dans un truc et de pouvoir en sortir quand j’en ai envie.

Vous enchaînez sur d’autres projets artistiques ?

Là on joue jusque début janvier, puis on part en tournée avec ce spectacle en janvier 2016 en France, en Belgique et en Suisse. Il y a un gros projet qui va arriver sur TF1, une comédie de mœurs sur les couples,  les femmes, les enfants, avec Claudia Tagbo, Virginie Hocq, Cécile Rebboah, et Arié Elmaleh. Et là j’attaque le tournage du Bureau des Légendes qui est la nouvelle création originale de Canal +  de Eric Rochant avec Mathieu Kassovitz, Léa Drucker, Jean Pierre Darroussin. On part pour 10 fois 52mn. C’est un gros truc qui va arriver à partir du printemps. 

Propos recueillis par Jeanne Rolland

– Voir l’actualité sur Georges et Georges ici

[Visuel : Georges et Georges au Théâtre Rive Gauche © Fabienne Rappeneau; © François Darmigny ]
 

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