Affabulazione de Pasolini : sexe, religion et politique
Affabulazione De Pier Paolo Pasolini Mise en scène de Stanislas Nordey Avec Marie Cariès, Raoul Fernandez, Thomas Gonzales, Olivier Mellano, Anaïs Muller, Véronique Nordey, Thierry Paret et Stanislas Nordey Jusqu’au 6 juin 2015 Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30 Tarifs : de 9 à 29 € Réservation au Durée : 2h20 Théâtre de la Colline M° Gambetta |
Jusqu’au 6 juin 2015
Au Théâtre de la Colline, Stanislas Nordey retrouve son auteur favori, Pier Paolo Pasolini, pour la cinquième fois déjà. Entre rêve et réalité, logique et absurde, il porte comme un flambeau cette prose qui hurle, prie et vocifère cette invective d’un père envers son fils trop blond. Œdipe inversé Dans la tragédie de Sophocle, Œdipe se crève les yeux après avoir tué son père et épousé sa mère. Sigmund Freud s’est saisi de ce mythe immémorial pour en constituer l’une des bases de la psychanalyse. Dans Affabulazione, Pasolini renverse le mythe d’Œdipe, sur lequel il a réalisé un film, et publie en 1969 un texte qui ne ressemble à rien de connu, une exploration rêvée d’un père, industriel milanais, des relations pour le moins terribles et ambivalentes qu’il entretient avec son fils. Surgit aussi son épouse, réservée et sentimentalement latine, qui tente avec diplomatie de calmer la hargne de son mari contre son fils innocent. Innocence contre fascisme et capitalisme Car il s’agit bien de la perte de cette innocence dont souffre atrocement ce père, que Pasolini évoque en écho au sien propre, fasciste et autoritaire, et au fantasme paternel dans lequel, dans sa maturité, il va se retrouver. Ce père donc se rêve en infanticide d’un fils trop innocent, blond comme un ange, parce qu’il vole à son père sa vie, sa jeunesse, sa beauté, sa séduction naturelle envers les jolies filles. Mais ce fils, aussi, n’a pas encore accompli, selon Pasolini, toutes les horreurs des hommes qui jalonnent le XXe siècle : guerres mondiales, fascisme et industrialisation capitaliste qui enrichissent la bourgeoisie, autant de bêtes noires qui peuplent l’œuvre de l’auteur écorché et qui se retrouvent, en germe, dans la figure paternelle de ce patron italien et catholique qui sombre dans la dépression, la prière et l’obsession du sexe. Nordey christique Stanislas Nordey s’empare de ce texte avec incandescence, corps longiligne et à moitié dénudé, à l’image du Christ qui apparaît sur les immenses tableaux des grands maîtres italiens qui constituent en toile de fond le décor. Obéissant aux préceptes de Pasolini et au “théâtre de parole”, il déclame un discours non logique, un cauchemar agissant, une diatribe sans début ni fin sur la religion, le sexe, la politique, le désir, les hommes. Il le fait comme un athlète grec effectuant un marathon, exsangue, épuisant cette parole et, il faut le dire, nous laissant un peu K.-O. Avec moins de tension et de force, plus de nuances, il toucherait davantage. Raoul Fernandez (Sophocle), Thomas Gonzales (le fils), Marie Cariès (la mère) et Véronique Nordey, formidable dans le rôle d’une voyante, parviennent à nous émouvoir même si le texte, trop long, mériterait des coupes. Restent la violence et l’âpreté d’un auteur regretté et vivace. Hélène Kuttner [Visuels © Elisabeth Carecchio] |
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