« Actrice » de Rambert, la vie sans fin
La dernière pièce de Pascal Rambert se déroule autour du lit où se meurt une actrice au sommet de la gloire. Dans cette zone ultime, l’auteur laisse s’engouffrer poétiquement la famille, les amis, l’art, la cruauté, la beauté et la foi en la vie.
Alors qu’initialement la pièce a été écrite pour le Théâtre d’Art de Moscou, Actrice se structure en une délicate poupée russe. En effet, Pascal Rambert met en scène une actrice, ici Marina Hands, qui joue une actrice. Elle est dans un lit d’hôpital, mourante, et ses proches lui rendent visite. Ses amis comédiens ainsi que son beau-frère qui écrit, son mentor qui lui a appris à jouer la comédie et son mari qui « dit les poèmes comme personne » sont des artistes qui, autour de son lit, interrogent leur propre travail au théâtre. Ils vont même jusqu’à jouer une petite pièce où se distribuent les rôles de la joie, la mort, la danse… Par le biais de leurs jeux et de leurs discussions, Pascal Rambert théorise et soulève des questions sur le théâtre contemporain tout en nous en livrant une partition censée converger avec le propos de ses personnages-comédiens. Et c’est chose admirablement faite : « Le théâtre est le lieu de la représentation de la vérité de la condition humaine…. Le théâtre fait se tenir debout l’homme par la parole… » Ces affirmations maintes fois répétées au cours de la pièce trouvent belle et bien de quoi être superbement attestées.
Car certes, le lit à roulettes est un lit d’hôpital et la mort s’approche à petits pas. Mais comme jamais nul ne l’a vu dans un hôpital, le plateau est ici surchargé de fleurs dans une lumière qui traverse les tonalités du crépuscule blafard jusqu’à l’éblouissement du zénith. Partout, jusqu’au fond de scène, se dressent des vases blancs d’où débordent un feu d’artifice de couleurs, glaïeuls, tulipes, roses, dahlias, lys…. Des fleurs, des fleurs, partout des fleurs. Et chacun des visiteurs qui se succèdent arrive encore avec un bouquet de fleurs. L’auteur qui est aussi le metteur en scène de la pièce, fait souvent appel à des noms de fleurs dans ses textes, les nommant parfois en de longues listes qui sont des mélopées. Mais cette fois, même s’il fait citer par un comédien les jonquilles et les pivoines, il a choisi de les montrer, les exposer, les étaler tel un jardin d’éden sans limites. La magnificence naturelle est ainsi offerte, exauçant le principe de la vie en dépit de la mort. Les mots de Pascal Rambert se répandent tantôt en un flot tantôt en saccades, toujours intenses, colorés, violents et d’une beauté qui, par-delà l’émotion qui prend à la gorge, est une victoire sur la mort.
Pascal Rambert, joué mondialement et habitué des croisements de monologues, a écrit Actrice pour une quinzaine de comédiens qui composent une magnifique troupe parmi lesquels certains sont Chinois et d’autres Finlandais. Ils côtoient hautement Audrey Bonnet, familière de cet auteur et renouvelant sa présence royale. A travers une quasi-épopée poétique et métaphysique mais aussi comique, Pascal Rambert adresse une véritable louange à l’art du théâtre, dont on se dit qu’il a encore de beaux jours devant lui. Dans le lit d’agonie, c’est l’actrice Marina Hands qui incarne la comédienne malade. Fragile et puissante, pâle et irradiante, elle secoue jusqu’aux larmes le public et tend à la vie un miroir coupant et scintillant.
Emilie Darlier-Bournat
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