Acting, duo de bêtes de scène aux Bouffes Parisiens
Acting De et mis en scène par Xavier Durringer Avec Kad Merad, Patrick Bosso et Niels Arestrup Jusqu’au 28 janvier 2017 Du mardi au samedi à 21h, matinée le dimanche à 15h Tarifs : de 10 à 66 € Réservation en ligne Durée : 1h45 Bouffes Parisiens M° Quatre-Septembre (ligne 3) ou Pyramides |
![]() Face-à-face de deux fauves Il n’y a pas d’espace plus clos que celui d’une cellule de prison, ni meubles plus rudimentaires que ceux qui l’occupent. C’est dans ce décor aux petits oignons signé Éric Durringer – mur de parchemin brun, lits métalliques superposés, table en formica et coin toilette à peine dissimulé – que Gepetto-Kad Merad, minable expert-comptable condamné pour fraude, et Horace-Patrick Bosso, muet comme une carpe mais bon cuisinier, vont accueillir Robert-Niels Arestrup, un metteur en scène condamné à dix-huit ans de détention pour meurtre. Les trois détenus condamnés à une longue cohabitation vont se flairer, se jauger comme chien et chat, Gepetto tentant de montrer patte blanche face au bagout rugissant de Robert, bien décidé à mettre en avant sa supériorité d’artiste. Très vite, la cellule de prison se métamorphose en atelier dramatique. C’est que Gepetto, paumé, modeste et sentimental, se rêve acteur. Pendant que Robert disserte sur l’ego des stars de cinéma ou la cupidité des producteurs, Gepetto songe aux “people” vus à la télévision, se projette dans Plus belle la vie en cultivant le fantasme sexuel du magnétique George Clooney dans une pub pour du café. Kad Merad se fond dans son personnage d’échalas un peu niais avec une grâce et une innocence particulièrement réussies. Se saisissant du texte très drôle et très tendre à la fois de Xavier Durringer, qui fourmille d’anecdotes cruelles et grivoises sur le monde du spectacle, le comédien parvient à en faire son miel, surfant sur le ridicule achevé de certaines de ses répliques et tenant tête royalement à Niels Arestrup, son professeur de théâtre et de vie. Niels Arestrup, fauve impérial dans une cage étroite, n’a plus qu’à lâcher la bride de son ressentiment contre les producteurs sans courage, les acteurs sans mémoire et sans talent, la télévision sans culture et se donner entièrement à son compagnon de cellule pour lui enseigner l’art de l’acteur. Entre découragement et crises de larmes, crises de rires et insomnies, le dialogue entre les deux hommes enchaîne principes et exercices à la rigueur essentielle : mémoire sensorielle, diction, jeux de rôles, puis Shakespeare, Tchekhov, Orson Welles, Stanislavski. Pour aboutir à la scène centrale du personnage d’Hamlet “To be or not to be”. Question essentielle qui place ainsi la nécessité de jouer au cœur même de la vie et qui semble habiter Niels Arestrup avec une densité viscérale tout au long du spectacle. Le jeu n’est plus à ce stade que de la survie exposée à un feu d’émotions. Kad Merad, nu sous une couronne de laurier dans le rôle d’Hamlet, semble poursuivre cette flamme en marchant d’un pas aérien sur les traces de Shakespeare. Hélène Kuttner [Photos © Les Bouffes Parisiens] |
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