Abou Lagraa fait danser Le Cantique des Cantiques
Le Cantique des Cantiques D’Abou Lagraa et Mikaël Serre Avec Pascal Beugré-Tellier, Ludovic Collura, Saül Dovin, Diane Fardoun, Nawal Lagraa-Aït Benalla, Charlotte Siepiora (danseurs), Gaïa Saitta, Maya Vignando (comédiennes) Du 30 novembre au 3 décembre 2016 Tarifs : 8€-35€ Réservation en ligne ou par tél. au 01 53 65 30 00 Durée : 1h15 Déconseillé aux moins de 13 ans Chaillot |
Du 30 novembre au 3 décembre 2016 Chef-d’œuvre de sensualité, vibrant hommage à l’amour, le grand chant poétique de l’Ancien Testament fait irruption sur le plateau de Chaillot, Théâtre National de la Danse. Six danseurs et deux comédiennes se jettent dans les bras des vers et des passions, comme si leurs vies en dépendaient. Parce qu’il est beau de parler d’ouverture et de tolérance. Mais mieux vaut en faire un combat. L’événement littéraire eut lieu en 2001. Sous la direction d’Olivier Cadiot et Michel Berder, des écrivains de renom assumèrent une nouvelle traduction de la Bible, dans un langage volontairement contemporain, direct et parfois cru, pour remonter à l’esprit des sources et d’une époque où on écrivait sur parchemins et s’exprimait sans parcimonie. Particulièrement représentatif de cet esprit, et pour cause: Le Cantique des Cantiques, traduit par Cadiot et Berder eux-mêmes, sous le titre de Poème des Poèmes. Filles de Jérusalem/je suis noire et magnifique/… /Mais ne me voyez pas si noire… Ce récit d’un amour douloureux, au seuil d’une rencontre charnelle avec une femme à la peau noire, irrigué de métaphores érotiques, texte mythique et fondateur, a depuis, grâce à sa saisissante clarté et modernité, trouvé le chemin des scènes, surtout en théâtre et aussi dans une mise en musique d’Alain Bashung. Mais c’est Abou Lagraa, chorégraphe préoccupé par le dialogue entre les cultures et les religions, qui a pris à la lettre la dimension charnelle pour la traduire en spectacle de danse. La danse est cet art qui sait parler d’amour et de sexe en suggérant le passage à l’acte, où ce qui est immanent est en même temps réel grâce à la force du geste et du mouvement qui dépasse la pure présence des corps. Avec Le Cantique des Cantiques, Lagraa met sur le feu des passions inavouables, où désir et violence se déchaînent. Mais l’adaptation ne se limite pas à un spectacle chorégraphique qui serait inspiré du poème. Lagraa, qui a récemment travaillé avec des B-Boys algériens, crée ici la rencontre entre six danseurs et deux comédiennes et a construit le spectacle avec le metteur en scène de théâtre Mikaël Serre. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=Iu1vv7IZ0h8[/embedyt] Tes deux seins /seraient deux faons jumeaux d’une gazelle… Le Cantique des Cantiques devient la danse de toutes les danses, un traité de la passion et des pulsions, où les danseurs incarnent la violence d’un état tiraillé entre aspiration sensuelle à l’élévation et fatalité de la descente vers les ténèbres. Et plus les danseurs paraissent légers, et plus ils se trouvent pris par des tourbillons qui les aspirent vers le sol. Lagraa est un homme d’ouverture humaine et culturelle. « Son » Cantique émet un message, d’abord subtil et finalement très explicite, contre le fondamentalisme, qu’il soit musulman, chrétien ou politique. Y contribuent les images vidéo, et surtout les constellations amoureuses créées pour le spectacle. Emmène-moi, allez courrons / Gâteau / Des forces / Encore des pommes… Ici ce sont, contrairement à ce que laisse supposer le texte biblique (mais est-il si univoque?), deux femmes qui s’aiment. Le chorégraphe choisit le même franc-parler que le binôme d’auteurs. Ils ont fait le premier pas, pour passer des métaphores à des allusions plus concrètes. Lagraa concrétise, sur tous les fronts. Au final, défilent sur l’écran non pas les crédits (on n’est pas au cinéma), mais les beaux principes de la Charte des Droits de l’Homme de L’Union Européenne. Mais que peuvent les belles paroles, si les humains se radicalisent, se referment et se méfient les uns des autres, s’ils passent à la haine et à la violence? Ce spectacle, fait par un chorégraphe rhônealpin aux parents algériens et un metteur en scène franco-germanique, est porté par des danseurs et des comédiennes qui se jettent dans les bras de la passion, à corps perdus et comme dévorés par un rêve d’amour absolu. C’est comme ça qu’on danse quand on n’a plus rien à perdre… Thomas Hahn [Crédit Photos : © Dan Aucante] |
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