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A portée de crachat au Rond-Point

17 mars 2014
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aportee

A portée de crachat de Taher Najib

Mise en scène de Laurent Fréchuret

Avec Mounir Margoum

Jusqu’au 12 avril à 18h30
Relâche les lundis

Tarifs : de 11 à 30 €

Durée : 1h15

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt 
75008 Paris
M° Franklin Roosevelt

www.theatredurondpoint.fr

Jusqu’au 12 avril 2014

Sous la plume douce-amère de Taher Najib, le spectateur suit les déplacements d’un comédien palestinien qui se heurte à son problème d’identité. On tangue avec lui entre langues et territoires, sans houle ni haine mais avec une ironie attachante.

De Ramallah à Paris ou Tel-Aviv, le personnage trimballe non sans humour son impossible nationalité, qui se calque sur le paradoxe de son métier, puisqu’il est comédien. Qui est-il ? Israélien ou Palestinien ? L’acteur Mounir Margoum incarne ici l’acteur de la pièce. Il ouvre son périple sur les rues de Ramallah dont les habitants crachent à longueur de journée, adossés contre les murs. Cette description de l’art du crachat mêle l’ennui des longues soirées à la rage contenue et le fatalisme à la nervosité, ce sans appui outrancier, dans une veine légère et pleine d’humanité.  Ramallah est une zone géographique sans espace politique définie, elle est celle des conflits latents et parfois terriblement réels, mais le danger, à force de l’habiter, finit par s’y écouler dans la monotonie. Comme celle des crachats. Vient cependant le moment où l’acteur, même si son métier est une évasion par le jeu et l’imagination, éprouve le besoin de voyager physiquement. Direction Paris. Là, il va se griser des courses à vélo avec sa petite amie et s’étourdir de liberté. Puis il finit par vouloir rentrer chez lui comme prévu, amoureux ou pas, pour reprendre son métier d’acteur et rester fidèle à son sort fixé par ses racines. Il prend donc un billet d’avion mais tout se complique quand il s’agit de passer la douane. Pour les fonctionnaires qui veulent un tampon noir sur blanc sur un passeport, le dilemme ouvre la porte à des suspicions, surtout lorsqu’il s’agit de prendre l’avion un 10 septembre. Il lui est reproché d’avoir deux nationalités, lui ne peut que constater qu’il n’en a pas une seule. La situation fait sourire, la vérification des papiers prend du temps, le voyageur est refoulé et doit revenir le lendemain. Enfin il finira par prendre l’avion mais il retrouvera les mêmes tracas à Tel-Aviv, car il est évidemment suspecté d’être terroriste en tant qu’arabe bien qu’étant Israélien. Au terme de ses tribulations mouvementées, il pourra rentrer chez lui, dans sa maison, désabusé mais constant, prêt à retourner travailler au théâtre et se jouant sans fin des insaisissables identités.  

Une fable sans mordant

Primée en Israël, jouée aux Etats-Unis, cette pièce est la première de l’auteur Taher Najib né en 1970. Ecrite en hébreu, elle a été traduite dans cette version scénique par Jacqueline Carnaud. Son parti pris est de se placer au-delà du politique, mettant en ligne de mire l’humain en tant qu’être humain et non le jouet de revendications d’Etats. Le désir de vivre prédomine joyeusement malgré la menace des bombes à Ramallah, le goût des mots et la saveur de l’air y sont vivaces et tendres, malgré les nombreux enjeux mortifères. La mise ne scène de Laurent Fréchuret est fluide et harmonieuse, cassant le quatrième mur par une sympathique incursion du comédien parmi le public. On y entend aussi à travers quelques mots la beauté des langues de l’hébreu et de l’arabe. Laurent Fréchuret était déjà au Rond-Point l’an dernier pour la pièce Sainte dans l’incendie, dont il était l’auteur et le metteur en scène. Avec un texte d’une poésie à la puissance de la lumière, il avait bouleversé. Avec ce monologue, il ne dispose pas d’un matériau de même densité. Il lui donne généreusement, ainsi qu’au comédien, une touche tendre, mais l’ensemble ne secoue pas en profondeur, à l’abri de la rudesse du contexte et des plongées dans l’intime, hors des dangers et des sommets, ne fonçant ni dans l’absurde ni dans la comédie, se tenant sagement sur une voie qui fonctionne, mais tiède. De plus, le choix de mettre en scène un personnage qui est un comédien, outre l’évidence de la proximité avec le paradoxe de l’Arabe Israélien, n’est hélas pas creusé par l’auteur. Il se contente de nous faire connaître la profession du personnage comme une case sur un formulaire officiel tel le passeport, sans traiter le sujet. La qualité de cette pièce est d’être rassembleuse, ce qui, à défaut d’avoir une dimension forte et pointue, est une incontestable vertu.

Emilie Darlier

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