0 Shares 1296 Views

À l’Opéra national du Rhin, “Muse paradox”, “Sérénade” et “Pour le reste”

Stéphanie Nègre 22 janvier 2024
1296 Vues

"Muse paradox" © A Poupeney

Pour composer un programme, Bruno Bouché, directeur du ballet du Rhin, aime choisir un fil conducteur musical. Cette soirée de trois créations s’articule autour de la sérénade, hommage nocturne d’un amoureux à l’être aimé mais aussi ballet célèbre de George Balanchine que toutes les grandes compagnies s’arrachent.

 Qu’est-ce qu’une muse ? Une déesse qui donne – ou retire – son inspiration à un humain ? Un être de chair qui inspire un artiste et sur lequel ce dernier projette ses fantasmes ? Avec Muse paradox, Brett Fukuda interroge cette définition à l’aune de notre époque où une femme a le droit de ne plus se contenter d’inspirer mais d’être une artiste à part entière. Pour cela, elle a choisi de mettre en scène la muse contemporaine et la muse antique, face à trois hommes. Les enchainements se suivent avec une belle inventivité notamment dans les portés où les corps entrelacés font penser à des groupes sculptés animés. Formée à l’école de l’American ballet, Brett Fukuda s’est tout naturellement tournée, pour accompagner sa réflexion, vers la musique composée par Stravinski pour Apollon de Balanchine, chorégraphe important dans son parcours. Muse paradox est une pièce ambitieuse, dommage que quelques faiblesses dans la caractérisation des rôles masculins la rendent difficile à suivre. Elle gagnera à être reprise et murie afin que ses interprètes puissent y donner tout le sens ambitionné.

Muse paradox © A Poupeney

Gil Harush avait depuis longtemps l’envie de réinterpréter le ballet Sérénade de Balanchine. Sa version est une pièce pour dix-sept danseurs à l’esthétique gothique, composée de grands mouvements d’ensemble qui servent d’écrins à des duos. Dans cette métaphore de la société, le chorégraphe franco-israélien excelle avec cette chorégraphie pleine de puissance et d’énergie, marquée par des gestes vifs du haut du corps et des bras.

Sérénade © A Poupeney

La soirée s’achève avec Pour le reste de Bruno Bouché, œuvre sans doute la plus crépusculaire des trois. Ce ballet met en scène plusieurs duos comme autant de moments de la relation amoureuse. Fidèle à la technique classique qu’il met au service de l’expression des sentiments, Bruno Bouché a voulu ici évoquer la solitude. Ainsi, un amoureux ne conservera de sa bien aimée qu’un souvenir fugace aussi léger qu’un voile de mousseline. Lors de la dernière scène, un couple regardera dans la même direction sans être assis l’un contre l’autre. Un projet de vie commun parsemé de moments de solitude, ne serait-ce pas un aspect inéluctable de la vie à deux ? Pour le reste nous pousse à apprivoiser cette solitude inhérente à l’être humain et à la vie en société, transformant un état qui inciterait à la mélancolie en un grand élan d’optimiste vitale.

Pour le reste © A Poupeney

Stéphanie Nègre

Articles liés

“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
Agenda
124 vues

“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune

A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...

“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Agenda
111 vues

“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins

Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...

La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Agenda
110 vues

La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”

Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...