À Chaillot, un Soulèvement festif et dansant
Avec Soulèvement, Tatiana Julien présente un solo-show explosif en lutteuse chorégraphique. La rébellion se nourrit d’énergie festive, jusqu’à l’extase. À travers quoi elle nous pose certaines questions : quelle(s) énergie(s) pour quelles révoltes ? Seul(s) ou ensemble ? De Mylène Farmer à Albert Camus, de Fortnight à Occupy Wall Street, Tatiana Julien danse sur toutes les ondes…
Sur la piste de danse, entre deux gradins et les spectateurs qui se font face, Tatiana Julien fait exploser sa force, sa fragilité, ses désirs, dans une ambiance ballroom ou house, par le chahut d’une communauté en extase, pendant qu’on voit cette résistante en tous genres s’échauffer. Visiblement, elle prépare un grand coup, pendant qu’un technicien lave le sol. Suite à quoi elle sort et revient, en diva. Long manteau, lunettes de soleil…
Et Mylène Farmer chante au sujet d’une génération Désenchantée, face à des milliers de personnes. Pas de vidéo. Juste le son. La foule scande « Mylène ! Mylène ! » Et la diva laisse libre cours aux désirs et désarrois d’une génération en quête de réenchantement, s’appropriant des gestes puisés dans le jeu vidéo Fortnight – gestes que, selon elle, les adolescents repèrent immédiatement.
C’est dans une combinaison scintillante qu’elle entame ensuite une séance de boxe solitaire de résistance physique, à partir d’improvisations parsemées d’éclats de krump et de hip hop. Où l’on découvre une Tatiana Julien extrêmement physique, emplie d’énergie masculine, défiant à distance les meilleurs athlètes du jump style dans une sorte de guérilla chorégraphique. Dans ce solo, action et réflexion ne font qu’une, fête et rébellion se séduisent mutuellement, dans l’effervescence d’une fête où se crée un espace intime tel qu’il existe aussi bien en plein concert, au milieu de la foule.
À la fin, la chorégraphe-interprète joue avec les codes de la libération sexuelle. Jusqu’où et dans quelles conditions acceptons-nous la nudité spectaculaire ? Est-il encore possible d’approcher une spectatrice ou un spectateur dans son plus simple appareil ? Nue, elle glisse au sol. Mais avant d’aller caresser certains spectateurs, elle se rhabille et nous fait comprendre que nous ne sommes plus en ’68. L’idée de l’extase a quitté le terrain de l’utopie sociétale. Restent les concerts, les matchs de foot et certaines danses qui peuvent aussi exprimer une énergie rebelle…
Sur fond de cette interrogation charnelle, on entend alors Albert Camus au sujet de la révolte comme condition naturelle de l’homme. Gaspard Guilbert a mixé une bande son aussi musicale que textuelle, où on entend André Malraux, l’Abécédaire de Gilles Deleuze (Lettre G – être de gauche), Martin Luther King, Michel Serre, Jack Lang et autres Edgar Morin, où s’invitent des ambiances insurrectionnelles, de mai 1968 à Occupy Wall Street.
Tatiana Julien n’en est pas à son coup d’essai quand il s’agit de questionner les fondements de nos sociétés. En 2012, la fondatrice de la compagnie C’Interscribo créa La mort et l’extase, où elle interrogeait la religion et la morale. Aujourd’hui, elle interroge la révolte et le collectif, n’hésitant pas à troubler le spectateur qui se posera quelques questions sur sa relation aux autres, aux institutions, à la politique et aux artistes. Mais la rébellion est un événement festif et jouissif. Chaillot sera chaud…
Thomas Hahn
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