“42nd Street” : le grand retour d’une comédie musicale éblouissante au Châtelet
On l’attendait et elle est arrivée. La plus explosive des comédies musicales revient au Châtelet dans la mise en scène et la chorégraphie créées par Stephen Mear en 2016 : 47 comédiens danseurs et chanteurs, 16 tableaux et le même nombre de décors avec 300 costumes, soutenus par un orchestre de 19 musiciens dirigés par Gareth Valentine. Amateurs de chefs-d’œuvre pour cette fin d’année, courez-y !
La reprise d’un succès
« The show must go on ! » entend-on de la bouche du metteur en scène Julian Marsh (Alexander Hanson), enjoignant sa troupe, malgré le contexte économique épouvantable des années 1930 aux Etats-Unis après le krach boursier de Wall Street, de produire le plus beau spectacle pour donner du rêve aux gens. 42nd Street est un spectacle en miroir d’une autre crise, celle du COVID en 2020, qui a vu la production prévue annulée et reportée deux ans après. Qu’est-ce qui explique, depuis le film tourné en 1933 et produit par la Warner, le spectacle créé en 1980 par Gower Champion dans une ambiance Ziegfeld Follies, que ce musical continue à fasciner et de faire salle comble ? 42nd Street est un spectacle presqu’entièrement composé de sublimes numéros de claquettes, réglés comme du papier à musique, dansés par des virtuoses du music hall à un rythme d’enfer, en même temps que l’histoire d’une success story qui nous fait rêver.
Cinéma, claquettes, et scènes d’anthologie
Le rideau de scène s’ouvre à peine, comme une focale de caméra, en vision très étroitement panoramique et des dizaines de jambes cisaillent l’espace en frappant des talons le sol tandis que les trompettes se déchaînent. On découvre alors les dizaines de filles et de garçons, vêtus de costumes aux couleurs ravissantes, signés et éclairés par des lumières ciselées (Chris Davey) qui répètent la chorégraphie d’un spectacle au décor somptueux (Peter McKintosh) prévu dans quelques jours. Sous forme d’un backstage qui raconte la préparation en coulisses d’un spectacle, l’histoire va progressivement tisser la toile d’un conte à la fois féérique et réaliste, dont l’héroïne, une jeune comédienne qui rêve d’intégrer une troupe, à force de ténacité et de travail acharné, en affrontant rivalités, coups bas et jalousies, va finalement devenir une star, en remplaçant au pied levé une vedette arrogante et vieillissante qui se blesse la cheville lors de la répétition générale. Peggy Sawyer, la jeune provinciale, apparaît telle une fée qui métamorphosera et sauvera une production magistrale, faisant fondre d’admiration et les danseurs, et le metteur en scène qui lui prédisait une destinée de star.
Un casting britannique en or massif
On l’aura compris, depuis la première scène d’anthologie jusqu’au dernier tableau qui se clôt par le départ du metteur en scène laissant sa jeune star dans un halo de lumière, les séquences s’enchaînent avec le même brio, la même intensité, tant dans les numéros dansés, ensembles de claquettes et danses jazz, les scènes dialoguées, intimes ou burlesques, écrites avec une plume gorgée d’humour caustique. Car la comédie, qui multiplie à tous niveaux l’excellence artistique au plus haut point, constitue aussi un épatant regard sur le show business vu des coulisses où le travail de titan, du matin au soir sans pause, mais aussi l’entraide, la camaraderie, constituaient l’unique condition pour survivre sans laisser les dettes submerger un producteur et un théâtre. Pour camper ces personnages au grand cœur et à l’énergie vibrante, Emily Langham est une éblouissante jeune et talentueuse danseuse et actrice, qui affronte Rachel Stanley, magnifique personnage de star sur le retour, au jeu piquant et à la voix de velours. La Maggie rousse d’Annette McLaughlin est formidable, le jeune premier de Jack North éblouissant de talent, mais il faudrait les citer un par un, ces merveilleux artistes britanniques qui savent tout faire sur scène, danser, chanter et jouer la comédie, avec une perfection qui nous laisse bien éblouis. Il faut en profiter !
Hélène Kuttner
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