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Philippe Person et Nigel Hollidge : « On a la gourmandise de découvrir »

4 février 2015
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Argent, dette et music-hall

De Nigel Hollidge, Armel Petitpas et Stefano Amori

Mise en scène de Nigel Hollidge 

Avec Nigel Hollidge, Antonio Interlandi, Armel Petitpas et Daniel Glet ou Vincent Gaillard au piano

Du mardi au samedi à 21h30, dimanche à 19h

Tarifs : 10 à 25 €

Réservation au
01 42 22 66 87

Durée : 1h20

Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris

M° Notre-Dame-des-Champs, Vavin ou Saint-Placide (lignes 4 et 12)

www.lucernaire.fr

Une comédie musicale au Lucernaire ? C’est le pari que veut engager Philippe Person, artiste et directeur du lieu, en souhaitant l’ouvrir à des formes nouvelles et à de nouveaux publics. Une offre de spectacles resserrée, une programmation plus sélective et plus diversifiée, avec un axe permanent sur la musique, autant d’options que la comédie musicale de Nigel Hollidge, sous-titrée Money, money, money ! et présentée dès le 19 février, décline parfaitement. Rencontre au sommet de l’art et de l’argent autour de cette nouvelle production.

nigel_photo_2Nigel Hollidge : Je suis d’origine anglaise et le music-hall a toujours été pour moi quelque chose d’assez naturel au théâtre. Au XIXe siècle, le music-hall était un théâtre frontal très populaire dans lequel les acteurs se produisaient dans toutes sortes de numéros – chant, prestidigitation, acrobatie, ventriloquie – et cela a duré jusque dans les années 50. C’est une forme qui m’a toujours touché et j’avais envie de l’utiliser pour parler d’un sujet d’actualité. J’ai lu beaucoup de livres sur l’économie car je me trouvais assez ignorant et j’ai été frappé par un documentaire qui a fait un buzz sur le net, L’argent dette du Canadien Paul Grignon, dans lequel il vulgarise en dessin animé le parcours de l’argent, de notre dette et des intérêts que produit l’argent emprunté depuis le capitalisme. Cet aspect-là me passionne, alors qu’on a de tous temps condamné l’usure. Ce thème économique devait être traité de manière ludique. On a imaginé un répertoire entier de numéros de cabaret autour de ce thème, que l’on a croisés avec des chansons françaises étonnantes sur la crise des années 30. Voilà comment est née cette histoire musicale de l’argent.

Vous vouliez donc traiter de l’histoire de l’argent de manière historique ?

N.H. : Justement pas seulement. C’est bien beau de parler de l’argent en général, mais quand il s’agit de notre propre rapport à l’argent, c’est une autre histoire ! Et là, on est tombé sur une mine d’or ! Chacun de nous a un rapport différent à l’argent, lié au sexe, à l’autorité, à l’amitié… Dans les coulisses du music-hall, sont donc révélés les petits arrangements que chaque comédien entretient avec le thème de l’argent. Qu’est-on par rapport à l’argent ? C’est un thème qui reste aujourd’hui tabou.

Philippe Person, peut-on parler argent avec le directeur d’un théâtre ?

philippe-person_lucernaire_autourdemontparnasse_04-10-2013_lmalterreP.P. : Si on veut parler argent, la situation du Lucernaire est très compliquée ! En plein cœur de Paris, le Lucernaire, qui accueille 50 compagnies par an, perd 750 000 euros par an. Nous partageons les risques avec les artistes qui viennent jouer. Au-delà du rapport avec l’argent, nous souhaitons ici organiser des lectures publiques, des rencontres avec les artistes, avec seulement une subvention de la Ville de Paris. Sans faire de misérabilisme, cela nous donne en même temps une grande liberté de création car aucune institution ne nous contraint.

Qui finance votre déficit ?

P.P. : Ce sont les Éditions L’Harmattan qui possèdent le lieu. Cette année, en raison de la crise, les spectacles ont moins bien marché, ce qui nous a poussés à nous interroger sur l’avenir. Je souhaite conserver la diversité des propositions, car elles permettent au spectateur de passer d’un Shakespeare à un auteur contemporain que l’on va découvrir ou de croiser les artistes au restaurant. Les spectateurs sont curieux et l’offre du Lucernaire qui est plurielle aiguise leur curiosité. Mais au lieu de proposer 8 spectacles par soir, on va passer à 6 spectacles, avec une durée d’exploitation plus longue. Nous ne vivons que des recettes. On avait aussi envie de proposer du théâtre musical, ce que nous allons inaugurer à 21h30 sans que le bruit dérange les autres productions programmées à un autre horaire. Le spectacle de Nigel colle à toutes nos envies : de la musique, du chant, du théâtre et un thème majeur, l’argent, qui intéresse tout le monde.

N.H. : J’ai envie de souligner la manière dont nous avons été accueillis dans ce lieu. Philippe Person et son équipe aiment les artistes et les défendent. Ce n’est pas, comme dans certains cas, une usine à spectacles. 

Comment aujourd’hui proposer des spectacles dans une économie de crise avec moins d’argent ?

P.P. : Les compagnies ont vraiment moins d’argent. Mais il ne faut pas céder au minimum garanti ou à la simple location de salle. Si l’on accueille moins de spectacles aujourd’hui, c’est pour mieux les accompagner. Nous revoyons la communication, le logo et la plaquette, bref les moyens pour mieux communiquer et attirer le public dans nos salles par un programme plus clair. Le Lucernaire n’est pas un théâtre totalement privé, ni un théâtre totalement subventionné. Il a une identité et une modestie dans l’approche du public, que nous souhaitons conserver. Ni stars, ni frime intellectuelle, simplement le plaisir et la gourmandise de découvrir des auteurs et des acteurs. Je pense que le monde théâtral subit de plein fouet la crise, mais que nous ne pouvons plus tout attendre des subventions. Nous devons inventer de nouveaux modèles pour la création.

Hélène Kuttner

[Crédit photos : Yves Henry et Samuel Picas]

 

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