Chateau Brutal The band – interview de Romain Lesaffre
Romain Lesaffre, rocker aux allures de viking des années 70 est très bavard, très drôle et pratique l’auto-dérision avec brio. Pour apprécier l’interview, je conseille au lecteur de s’installer confortablement dans la boucherie de son quartier ou alors de se caler dans son canapé face à un film avec des femmes aux gros seins dedans et des hommes baraqués, juste histoire de se mettre dans l’ambiance de l’album « Ham Slicer » ou dans celle des concerts de Château Brutal. Âmes sensibles ou sans humour s’abstenir !
Entre Château Brutal & Château Brutal The band, qui de vous deux inspire l’autre ?
Ca doit être ma mère je crois. Plus sérieusement, dans Château Brutal The band, il y un barbu en plus, ce qui change tout. Je cherchais un mec qui avait une gueule de rocker et j’ai trouvé un boucher. Enfin c’est plutôt lui qui m’a trouvé d’ailleurs !
En fait, Château Brutal et Château Brutal The band ont commencé en même temps. A l’époque j’étais tout seul, je faisais de l’électro. Et puis ce barbu s’est ramené et m’a proposé de faire un groupe à deux. Je lui ai dit « tiens t’as raison, ça fera plus de bière à boire ! ».
Après avoir tourné des boutons et joué sur des claviers pendant un an, on s’est dit que c’était un truc de branchés et qu’on avait d’autres perspectives. Alors on a juste pris une guitare et une batterie, parce qu’on voulait davantage se fendre la gueule. L’extraordinaire morceau My Dick qui ouvre l’album, était un morceau d’électro à la base et on en a fait du rock.
Du coup, pour éviter la confusion entre l’homme et the band, si le groupe devait changer de nom là maintenant tout de suite right now ?
Tout de suite là maintenant ? le groupe ? à quoi on avait pensé comme connerie… « Two guys one cup » !
Château Brutal The band en résumé, c’est quoi ?
Un jour j’allais acheter mes clopes dans un PMU et puis Dédé qui était au bar à 8h30 du matin dit au patron « Balance-moi un Château Brutal ! ». Il faut savoir que c’est un vin qui pique, bien dégueulasse. Je me suis dit ça c’est bon, je le prends, je le mets dans ma poche parce que ça servira toujours ! Don’t act. Et c’est la vraie histoire.
Sinon, ça fait 4 ans que le groupe existe. Comme on n’a pas beaucoup de temps, on a pensé qu’il fallait être efficaces. En fait, on assume totalement « le pas beaucoup de temps » plutôt que de se dire que ce serait mieux qu’on en ait plus, si tu vois ce que je veux dire. Donc le truc c’est 1,2,3,4 et on envoie la purée, très simple ! On balance un riff, on met un truc par dessus, on écrit des paroles ridicules et hop c’est parti. Ne surtout pas privilégier l’intellect ! Le rock qu’on joue c’est du rock qui vient des tripes mais attention ce n’est pas non plus du rock de base. Les tripes c’est d’ailleurs quelque chose qu’on retrouve à travers nos clips (ndlr : voir le clip Meet my Meat). On s’amuse mais c’est tout de même très cohérent !
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Quel rôle jouez-vous Marcus et toi au sein du groupe ?
Marcus joue de la guitare et construit ses pédales lui-même pour avoir son propre son et aussi parce que ça le fait marrer. Son ampli c’est un ampli customisé aussi, ses guitares ce sont des guitares à 20 balles qu’il retape. Ensuite, il met ses micros et ce qu’il veut dessus. Ca lui passe ses nuits comme ça.
Et donc moi je fais de la batterie. Je chantais plus avant, maintenant c’est plutôt Marcus qui chante plus, et je viens brailler derrière. On a une voix grave et une voix aiguë. Enfin… on a une voix surtout et on s’ex-pri-me avec un micro ! Pour nous la voix c’est un instrument comme une guitare ou une batterie. On en a totalement rien à faire de raconter des histoires. Les significations des paroles dans le rock’n’roll, c’est pas le propos. On s’en tape.
Comment définirais-tu le style musical de Château Brutal The band ?
Du rock dans ta gueule ! Aujourd’hui, le rock ne veut plus dire grand chose. Calogero c’est du rock, ACDC c’est du rock. Où est le rock là dedans ? Pour nous c’est vraiment un riff à fond de balle. C’est du gros son. Il faut que ça crache !
Le dernier album « Ham Slicer » sort quand et comment se le procurer ?
Officiellement il est déjà disponible sur Band Camp. Sinon on le vendra dès mardi prochain, le 3 juillet 2012. L’album vinyle sera surtout disponible aux concerts et on va aussi le laisser chez 2-3 disquaires. En fait, comme tout le monde s’en branle, on a choisi de le vendre aux concerts pour ceux qui apprécient vraiment, avec un code de téléchargement sur la pochette, pour le télécharger directement sur notre site. Comme ça tu auras à la fois ton vinyle et en même temps les pistes à charger dans ton téléphone pour les faire découvrir à tes amis ! Genre, écoute c’est génial, c’est Château Brutal j’adore ! On a aussi réalisé des CD mais surtout pour la promo.
L’intérêt du vinyle c’est qu’il revient en force, les magasins de vinyles ré-ouvrent. Ceux qui aiment vraiment la musique vont acheter le vinyle à la fois pour l’objet mais aussi pour l’écouter différemment sur une platine, c’est à dire avec le son qui a les couilles qui vont avec !
Et puis avec le vinyle, il y a un vrai travail sur la galette, sur le grain du papier, c’est plus artisanal. On est aussi sensibles à cela.
Alors l’album ne raconte donc pas d’histoire, wesh bien ou bien ?
Wesh que dalle ! On prend les premiers thèmes qui nous viennent à l’esprit. La viande par exemple et puis y’a toujours du cul, du cul, du cul ! Parce que ça nous fait plus marrer de chanter ça que n’importe quoi d’autre. Voilà un thème vraiment profond qui nous préoccupe énormément et qui intéresse tout le monde. Donc on tape assez large.
Prenons l’exemple de Meet my Meat. Cette histoire est rigolote. On voulait faire un clip depuis un certain temps et Marcus tombe sur la boucherie de son village natal, dans l’Aine. Il va voir le boucher en lui demandant s’il y a moyen de tourner un clip dans son commerce. Banco ! le boucher lui répond tu viens quand tu veux. Après ça, on a réussi à avoir Chanmax, qui est le réalisateur des Airnadette, en lui disant « viens dans le Nord, on va boire des bières, on va bien se marrer ». Et donc on a calé la date avec lui, un vendredi, et là on a réalisé qu’en fait on n’avait aucun morceau pour aller avec ce clip ! On a donc composé un titre exprès, le dimanche précédent entre 21h et 23h, et c’est celui qui s’appelle Meet my Meat. C’était donc dans la boîte pour faire le clip. Voilà, efficace ! Donc forcément on s’est dit « rencontre ma viande », ça c’est un sujet vraiment intéressant !
Si l’album devait être la bande originale d’un film, ce serait lequel ?
Ce serait La Princesse et la pute, par exemple, c’est ce qui me vient en premier. Est-ce que tu connais ce merveilleux film ? Ou ce serait un vieux Russ Meyer, UltraVixens (1979) au hasard. C’est un mec dans les années 70 qui s’est mis à faire des films complètement loufoques avec des histoires sans queue ni tête. Ce sont souvent des histoires sur des femmes tueuses d’hommes qui les coursent en voiture. Il s’en foutait, ce qui l’intéressait c’était de faire des castings avec des nanas aux poitrines pas possibles. Ce sont des histoires abracadabrantes avec des filles qui ont des décolletés de la mort. Comme personne ne voulait de ses films, il produisait tout lui-même et il est devenu culte. Son film le plus connu c’est Faster, Pussycat! Kill! Kill! (1965) avec Tura Satana qui était à l’époque la maîtresse d’Elvis Presley. Voilà, ce serait donc bien comme univers de notre dernier album.
C’est quoi toutes ces allusions sexuelles dégueulasses sur l’album ? (ndlr My Dick, Meet my Meat, Fountain Woman)
C’est juste de la provoc ! On pourrait écrire sur les truites ou les bananes, c’est vrai, j’en conviens. Mais c’est comme avec les riffs, c’est pan dans la gueule ! Ce sont vraiment des blagues. Un jour on s’est dit, tiens on va faire une chanson sur les femmes fontaines. Voilà c’est du rock, c’est vraiment un truc d’ado. Il y a aussi des allusions sexuelles chez d’autres artistes comme I Want Your Sex de George Michael. Mais finalement il y a assez peu de morceaux sur les douches dorées ou les femmes fontaines, j’en conviens aussi.
D’ailleurs, concernant les titres, une question m’interroge : ça passe mieux d’être grossier dans la langue de Shakespeare ?
C’est plus marrant surtout ! Faire du rock en français quoiqu’il advienne c’est compliqué. Parfois ça nous arrive de faire des versions en français, en live, mais ça devient totalement ridicule, c’est consternant. En fait, voilà comment tu passes de groupe de potaches à groupe de rock. Si tu traduis la plupart des chansons anglaises que tu adores ça ne marche pas et ça ne sert à rien. On s’en fout du sens des paroles,
Le Ham Slicer et le Ham Blender sont vraiment différents musicalement parlant. Pourquoi avoir eu envie de sortir un album de pas remixes (Ham Slicer) et un album de remixes (Ham Blender) ?
C’est hyper simple. On est deux dans le groupe et du coup ça laisse de la place pour les potes, on aime bien jouer avec eux. On invite régulièrement en live des amis sur scène ou même des gens qu’on ne connaît pas. Tiens, toi, dans le public tu es batteur, monte sur scène, prend la batterie, allez salut je me casse ! Ou alors on va inviter un pote qui sera là un soir pour jouer de l’harmonica. Ou encore si tu es DJ et que tu joues juste après nous, viens donc faire du scratch.
A force de procéder comme ça et venant de l’électro, on était déjà tentés de faire des remixes de nos morceaux. On a alors demandé aux copains, soit de les remixer, soit de les réinterpréter. Par exemple My Dick est fait totalement à la bouche, c’est drôle pour un titre qui s’appelle My Dick, non ? On a demandé à un ami s’il pouvait nous le refaire, et il s’est mis à superposer sa voix ce qui donne un côté totalement débile à ce morceau. Quand tu écoutes les paroles et la façon dont c’est chanté, tout de suite ça prend une dimension totalement philosophique, extrêmement impressionnante ! Et ça nous amuse aussi de pouvoir réentendre ces morceaux différemment.
C’est donc assez intéressant d’avoir un contenu très éclectique. On joue du rock mais ce n’est pas pour cela qu’on écoute que du rock. On écoute tous les deux énormément de musique. Cependant sur scène, c’est la musique rock qui est la plus évidente à jouer. Commencer à faire des choses délicates et compagnie, ce n’est pas pour nous. En concert, dans les moments un peu plus doux, tout le monde parle, tout le monde s’en branle et part boire des bières. Si tu mets pas la claque dans la gueule, en gros, on t’écoute pas.
Le premier album qui était « This fish has only one leg » c’est un demi-album avec 6 titres studio –rock- et tout le reste est composé de remixes assez improbables. On a toujours fait ça juste parce que ça nous plaît. Certains diront que c’est une mode de faire des remixes de ses morceaux ; c’est surtout qu’aujourd’hui c’est faisable, alors autant le faire. D’ailleurs l’album Ham Blender existe uniquement en téléchargement gratuit sur Band Camp.
Pour accompagner la sortie de l’album, une série de concerts est programmée. Le prochain est prévu le 3 juillet à l’International, Paris 11e. Quel message souhaites-tu transmettre au public qui viendra vous écouter ?
Il va bien se faire mettre ! Voilà ! c’est important. Plutôt que dire public vous êtes géniaux, on vous adore, c’est super, autant qu’il soit averti. Souvent quand le public ne se bouge pas assez, je l’allume et s’il se bouge bien, je l’allume aussi ! Ca fait partie du truc. Tu montes sur scène pour aller cracher un maximum de violence, toutes proportions gardées évidemment, alors autant aller jusqu’au bout.
Il paraît qu’il se passe des trucs dingues quand Château Brutal The band est sur scène. Tu as des secrets à confier ?
Ce qui est bien avec Château Brutal c’est qu’un bon concert, ça se mérite. Je plaisante bien sûr. C’est typiquement le genre de concert où plus le public se bouge, plus t’envoie la purée. Plus c’est le bordel dans le public, plus c’est le bordel sur scène et ainsi de suite. Il peut donc arriver n’importe quoi…
Vous jouez avec de vrais instruments qui font du bruit et que l’on peut aussi qualifier d’OVI (Objets Volants Identifiés). Légende ou vérité vraie ?
Totalement vrai. En général, Marcus fait des cours de vol de guitare, pour vérifier si les instruments volent bien. C’est hyper important ça aussi. On peut donc parfois balancer les objets à droite à gauche, parce que ça fait du spectacle en plus.
Il y fournissage de Maroilles et de bière à l’entrée des salles où Château Brutal The band se produit ?
Non. Mais ça pourrait… Fournissage toi-même !
Justement Château Brutal The band est réputé dans l’art du lâcher de bière sur le dancefloor (je préfère prévenir ceux qui ne vous ont pas encore vu jouer). Tu confirmes ?
C’est exact. Quand tu viens à un concert, tu sais à quoi tu t’exposes… ou pas, et c’est la surprise. Parfois ça n’arrive pas du tout, il ne se passe pas grand chose et parfois oui. C’est assez variable, que ce soit pour le lâcher de bière ou autre. D’ailleurs, la dernière fois, on a carrément abandonné tout le matos, des potes sont montés sur scène et ont commencé à jouer à notre place. Bon, du coup, on est revenus. On s’est retrouvés à jouer à six sur scène. Comme nos morceaux sont plutôt simples, ce qui nous intéresse finalement c’est l’énergie et surtout d’avoir un concert différent à chaque fois. De toute façon, si c’est à chaque fois pareil, ce n’est pas drôle.
Finalement c’est presque dangereux de venir vous écouter ?
Mais oui et c’est ça qui est bon ! Et étant donné qu’on joue dans des salles de vingt personnes, tu es forcément toujours près de la scène. Il n’y a donc pas de bonne place pour ne pas recevoir trop de trucs dans la gueule.
Il y aura des remixes du Ham Blender le 3 juillet ?
Sur scène non. Au début on faisait ça avec des machines mais c’était trop ennuyeux. Quand tu vas voir un DJ, tu as intérêt à avoir un super light show et à avoir du très bon son sinon tu es vite lassé de voir un mec qui tourne juste des boutons…. Quand tu es dans un optique clubbing, c’est cool, quand tu es dans une optique concert, c’est difficile pour un type seul sur scène de porter un public. Quand je vais voir un concert, j’ai envie qu’il se passe des trucs, que les mecs s’éclatent et que ça se voit.
Si Airnadette c’est du rock dans ta soeur, Château Brutal The band, c’est quoi ? quelle est sa devise ?
La devise c’est qu’on s’en branle ! à partir du moment où on s’est rendu compte qu’on ne bossait pas assez pour ne pas faire d’erreurs, on s’est dit, finalement on n’en a rien à branler. Et personne n’a porté plainte ! On est totalement décomplexés par rapport à ça, le fait de bien jouer, de s’appliquer. On préfère s’appliquer à faire du show plutôt que de s’appliquer à bien jouer. Il y en a qui arrivent à faire les deux mais nous pour l’instant, ce n’est pas notre propos.
J’avais prévu 20 questions mais je n’en ai posé que 19… tu me suggères la dernière ?
Quelle est ta marque de truite préférée ? Mais elle est très con ta question !
Ham Slicer & Ham Blender, à écouter tranquillement avec du gros son dans tes baffles, dans ton salon ou ta salle de bain. Ce sont tes voisins qui vont être contents ! et avec un peu de chance, ils seront tellement heureux d’avoir découvert un nouveau groupe qu’ils voudront t’accompagner à l’International le 3 juillet. Préviens-les quand même avant, on ne sait jamais, ils pourraient avoir l’electro-ch’rock de leur vie !
Alexandra Ferrero
Château Brutal The band, en concert à L’International
Château Brutal : batterie et voix
Cusmar B : guitare et voix
Le 3 juillet 2012 à 20h
Entrée libre
5-7, rue Moret
75011 Paris
M° Parmentier ou Menilmontant
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