Orphée et Eurydice – Pina Bausch – Opéra Garnier
A l’Opéra Garnier, du 4 au 16 février 2012, reprise du chef d’œuvre de Pina Bausch, Orphée et Eurydice où le danseur étoile Stéphane Bullion excelle.
« On ne danse pas Le lac des cygnes à vingt ans comme à trente-cinq, parce qu’entre temps on aura dansé Orphée et Eurydice ». Ces paroles* du danseur étoile Stéphane Bullion, peuvent faire office de mémoire à l’œuvre léguée par la chorégraphe Pina Bausch (1940-2009).
Entrée au répertoire du ballet de l’Opéra National de Paris en 2005, c’est la troisième fois que le public parisien peut découvrir cette chorégraphie dotée d’un sens du tragique inouïe. L’artiste allemande s’est inspirée du chef-d’œuvre de Christoph Willibald Gluck pour concevoir en 1975 un opéra-ballet où le chant et la danse se reflètent dans un même miroir.
La dernière apparition de Pina Bausch à l’écran est aujourd’hui figée à tout jamais dans le documentaire Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch, que nous ne saurions que trop conseiller au côté du documentaire Pina de Wim Wenders. Déjà, les notions de mémoire et de transmission étaient présentes à travers la reprise de son œuvre Kontakthof et de l’usage de la 3D. Ces documents filmés, aussi important qu’ils soient, ne remplaceront pourtant jamais une de ses expériences scéniques.
L’amour est aveugle
Cette reprise d’Orphée et Eurydiceen est le meilleur exemple. Il y réside une force émotionnelle à part, dont les mérites reviennent cette fois-ci au danseur étoile Stéphane Bullion et à son double, la mezzo-soprano Maria Riccarda Wesseling. Lui est d’une maigreur à faire pâlir, incarnant un Orphée saisissant et désemparé par la perte de son Eurydice. Elle, son ombre et ange gardien dotée d’une voix profonde, fragile et retenue. Ces deux artistes ne font qu’un durant toute la durée du ballet au côté de l’Eurydice de Marie-Agnès Gillot, aussi grande et imposante que son apparition au premier acte sur une chaise géante, en icône de la Madone.
Si l’amour est aveugle, il est aussi grand et inaccessible que ces mêmes chaises que l’on retrouve tout au long du ballet dans un décor froid et lugubre. Cet arbre mort et ces quelques traces de poussière, sont ici pour nous rappeler notre brève existence tout comme le montre ces traces de craie dessinées par les Furies des Enfers. De ces êtres souterrains, on remarque surtout la première danseuse Alice Renavand grâce à sa légèreté et son visage pure. Sa présence vient de même réchauffer nos cœurs au côté de l’Amour radieuse de Muriel Zusperreguy.
Chaque geste apparaît ici comme un dépècement du corps dont les enfers prennent des allures d’abattoir féroce. Cette triste douleur subit par Orphée et Eurydice n’est pourtant pas vaine puisqu’elle reflète aussi leur âme et leur amour. C’est ce sentiment que le chef d’orchestre Thomas Hengelbrock exprime dans sa direction avec son ensemble Balthasar Neumann. Le chœur, assis dans la fosse au côté des musiciens, soutient la puissance et la rigueur de la langue allemande choisie pour cette version.
Cette reprise est enfin le symbole d’une mémoire intacte. Depuis sa création en 1975, Orphée et Eurydice apparaît comme une œuvre contemporaine, mais surtout universelle comme l’est depuis toujours le sentiment amoureux. Un devoir de transmission pour le Ballet de l’Opéra de Paris qui continuera son chemin en juillet prochain où l’œuvre sera présentée à New York lors de la clôture de sa tournée internationale.
Edouard Brane (Twitter)
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* « Passeur d’âme » – Entretien avec Dominique Mercy et Stéphane Bullion – En Scène, journal de l’Opéra National de Paris – Février/ Avril 2012
[Crédit photo: Agathe Poupeney / Opéra National de Paris]
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