Roméo et Juliette – Théâtre de l’Odéon
Elle s’explique en partie, sans doute, par des questions d’ordre purement matériel : le drame des amants de Vérone comprend une distribution importante, de nombreux figurants, des décors à effet, une fête somptueuse dès le premier acte. Mais on pourrait en dire autant d’autres pièces de Shakespeare. D’autres raisons doivent avoir joué : entre l’auteur et notre regard, le romantisme et l’opéra sont venus se glisser, contribuant peut-être à imposer à notre imaginaire collectif le cliché réducteur et kitsch qui fait de Roméo et Juliette un simple fait divers amoureux mélodramatique, une belle histoire triste et un peu superficielle transfigurée par la grâce d’un verbe magicien.
Olivier Py vient à Shakespeare sans idées préconçues. Et comme il a récemment mis en scène, aux Pays-Bas, le Roméo et Juliette de Gounod dirigé par Marc Minkowski, il est revenu au texte original pour y chercher autre chose, justement, que ce que l’opéra semble en avoir retenu. Une conviction s’est alors imposée à lui : s’ils s’aiment, ces deux amants sublimes, c’est parce que leur amour est impossible. Ce n’est pas malgré le monde, la société, les préjugés, l’hostilité entre leurs deux familles ou leurs propres penchants qu’éclate le coup de foudre – c’est bien plutôt à cause de tous ces obstacles. C’est comme si tout se déchirait, tous les garde-fous, tous les filets composant ce qu’on appelle le monde – et dans la béance de ce déchirement s’ouvre la liberté vertigineuse du monde vrai, celui que les amants délivrent l’un pour l’autre.
C’est cette liberté inaugurale et sauvage, bien plus que la fatalité d’une course à l’abîme, qui a retenu l’attention d’Olivier Py : chaque amant est pour l’autre une porte sur l’infini. « Un éclair avant la mort » (V, 3, 90) : pour rendre sensible la vitesse de ces vies consumées passant de l’enfance au néant en quelques jours, le metteur en scène a fait le pari de la concentration, de la simplicité et de la jeunesse, confiant le couple des amants à Matthieu Dessertine (déjà présent dans Les Enfants de Saturne) et à Camille Cobbi, qu’il a découverte en la faisant travailler au Conservatoire. Pour sa première approche d’un maître qu’il admire entre tous, Olivier Py travaille lui-même à une version ramassée qui réinvente l’énergie percutante et elliptique, le flamboyant état d’urgence de la grande langue shakespearienne.
A lire sur Artistik Rezo :
– la critique de Roméo et Juliette
– les meilleures pièces de théâtre de la rentrée 2011
Roméo et Juliette
Traduction & adaptation : Olivier Py
Avec Olivier Balazuc, Camille Cobbi, Matthieu Dessertine, Mathieu Elfassi (ou Jérôme Quéron), Quentin Faure, Philippe Girard, Frédéric Giroutru, Mireille Herbstmeyer, Benjamin Lavernhe et Barthélémy Meridjen
Décor & costumes : Pierre-André Weitz // assistante aux costumes : Nathalie Bègue // lumière : Olivier Py avec Bertrand Killy // son : Thierry Jousse
Du 21 septembre au 29 octobre 2011
Durée : environ 2h15
Théâtre de l’Odéon
Place de L’Odéon
75006 Paris
[Visuel : photo des 1ères répétitions – crédit : Théâtre de l’Odéon]
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