Le propos de cette chorégraphie on ne peut plus figurative se prétend engagé. Alors oui, l’engagement c’est bien joli sauf que… Quand on décide d’user de l’art pour éclairer, il y a plutôt intérêt à élever le débat par l’artistique au risque de tout mélanger, et de tout perdre. Ici, on voudrait nous faire comprendre que le culte du corps parfait, omniprésent dans nos sociétés occidentalisées, est une plaie des plus nuisibles au bien-être identitaire.
Admettons que le propos de départ, certes largement rebattu, ait encore un intérêt. Il reste qu’il aurait fallu accéder par l’excellence, recourir à quelques ingéniosités et faire montre d’originalité pour permettre à ce constat indiscutable de recouvrer sa nécessité.
La scène, transformée en salle de gymnastique, nous donne a voir les déambulations et articulations hasardeuses de danseurs, dont on se demande s’ils ne se retrouvent pas là par imposture. De bout en bout on attend, ennuyé, que le geste artistique advienne, histoire de donner un sens à toutes ses improvisations en venant les contrebalancer. Il semble qu’au lieu de dénoncer, ou révéler, cette « chorégraphie » tombe dans l’écueil de l’arroseur s’arrosant.
On aurait attendu, que recourant à des danseurs n’ayant pas grand-chose à voir avec Ken ou Barbie, on finisse par nous les grandir en gestes, minimes ou puissants, pour révéler l’aberration de la recherche d’un corps modelé comme référent unique du beau. Au lieu de cela, à force de nous montrer un gros danseur s’essoufflant au « steppe »… A force de nous le révéler rampant complaisant vers un idéal musculaire et s’échouant un peu partout à la manière d’une baleine hébétée, on nous laisse croire que le ridicule c’est d’être un gros plein de soupe, et forcément bête avec ça ! Si l’intégration de clichés pour un temps, peut être une étape nécessaire à l’illustration d’une idée, on s’étonne que 1000 départs de muscles nous assomme carrément, à coup de stéréotypes bas de gamme que l’art ne vient jamais relever. Aussi, on ne s’attardera pas sur l’insertion d’un contenu vidéo facile, dont on comprend qu’il n’est utile que pour oser la pluridisciplinarité, histoire d’inscrire cette chorégraphie dans les normes de ce qui pourrait appartenir à l’un des caractères d’un lit commun à la création contemporaine.
Hela Fattoumi et Eric Lamoureux signent là une création bien ennuyeuse … Au sortir de 1
000 départs de muscles, on ne peut que s’interroger franchement sur la nomination de ces deux là, à Chaillot et plus encore à la tête du Centre Chorégraphique National de Caen ! Avec eux, l’émotion ne parvient pas, et la danse se meurt en devenant le prétexte à un discours somme toute banal.
Christine Sanchez
Une chorégraphie d’Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, produite par le Centre Chorégraphique National de Caen.
Avec Matthieu Bajolet, Hafiz Dahou, Radhouane El Meddeb, Héla Fattoumi, Isabelle Kürzi, Eric Lamoureux, Loren Palmer, Pierre-Emmanuel Sorignet, Eva Vandest, Moustapha Ziane.
Du 2 au 4 avril 2009 à 20h30
Tarif : de 10 à 27,5 euros Location : 01 53 65 30 00 ou www.theatre-chaillot.fr ou www.fnac.com
Théâtre National de Chaillot – Salle Jean Vilar 1, place du trocadéro75116 Paris – Métro Trocadéro