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DJ XJB : “Le but c’est de faire de la musique qui touche l’âme directement”

Camille Venin 19 juin 2020
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© Maximillien Barrucand

Rencontre avec XJB, un DJ et producteur amoureux de la house. Il nous parle ici de son parcours partagé entre l’Europe et le Japon, ainsi que de sa recherche musicale qui tourne autour du pouvoir émotionnel de la musique.

Comment la musique est-elle arrivée dans ta vie ?

Je suis né dans le nord de Londres puis vers mes sept ans, je suis parti en France du côté de Bourg-en-Bresse pendant trois mois avant d’aller vivre à Narbonne. C’est là-bas que j’ai rencontré un groupe d’amis avec qui on partageait la même passion pour la musique. On passait notre temps à en écouter, ce qui nous a aidés à développer notre culture musicale. Puis on a créé un petit collectif, NC qui existe depuis 2014 avec une quinzaine de membres, dont les producteurs et artistes sont Tha Yuws, Harvey J Carver, Maxi million, Double A, Lust Khan, Aristide____ et moi-même. À dix-huit ans, j’avais beaucoup d’énergie et j’étais très engagé dans ma recherche musicale. Je suis donc parti à Tokyo, j’avais un ami photographe, Yuhei Taichi, qui y habitait. Il m’a servi de mentor, de “senpai” comme on dit là-bas. J’étais entouré de gens plus âgés que moi et plus avancés dans leur art. J’ai rencontré beaucoup de monde, je sortais énormément et j’ai commencé à tomber amoureux de la house. Je jouais dans des “listening bars”, comme le Bonobo. Le patron, Koichi Sei, est connu pour avoir fait beaucoup pour le monde de la nuit à Tokyo.

Comment définirais-tu ton univers musical ?

Pour XJB qui est l’un de mes alias, tout a démarré avec la house et la culture club. C’était beaucoup de deep house avec des artistes de la house japonaise comme Soichi Terada, DJ Muro et DJ Nori ou même Mall Grab qui avait sorti Sun Ra, un son deep house lo-fi qui m’avait marqué comme son identitaire de Soul II Deep. On peut retrouver un peu la même vibe avec mon morceau I can’t go home for Christmas. Dans le contexte club, mon univers musical a évolué vers des choses avec du bpm plus élevé. Je voulais voir si on pouvait augmenter le bpm sans pour autant virer vers de la techno plus hard et trash. Dans ce sens, j’ai trouvé que la ghetto house, le footwork et la jungle qui tournent autour de 160 bpm, permettent quand même de retrouver ces accords “deep”. Mon style ne se borne pas tant par un genre ou une époque que par l’émotion transmise par la musique.

© Kyoske Fukuda

Tu es présent sur les scènes anglaise, japonaise et française. Quelles sont les différences et les ressemblances qui t’ont le plus marqué entre ces publics ?

Ce que je trouve vraiment intéressant avec le Japon, c’est que même dans les petits bars, il y a toujours des sound systems de très bonne qualité. Au niveau du public, les jeunes japonais ne sortent pas beaucoup, c’est surtout des personnes qui ont autour de la trentaine ou de la quarantaine que l’on voit sortir. La house fait fureur au Japon. C’est d’ailleurs eux qui ont créé presque tout le matériel DJ qu’on utilise aujourd’hui. Ils en prennent vraiment soin et pouvoir jouer avec des outils d’une telle qualité, c’est assez incroyable. Ce n’est pas le même amour pour le matériel et la même passion pour le détail en Europe. Niveau public, en Europe, beaucoup de personnes vont sortir plus pour sociabiliser que par véritable envie de profiter de la musique. C’est souvent le cas à Paris et à Londres par exemple. À Tokyo, c’est une scène passionnée et bien plus saine aussi.

Où est-ce que tu as préféré te produire et pourquoi ?

Je dirais au Japon parce que j’ai trouvé que le public qui me suivait était très fidèle, les gens étaient toujours de bonne humeur et vraiment passionnés. Il y a aussi la qualité du matériel qui rentre en compte.

Peux-tu nous parler un peu de Soul II Deep que tu as lancé ? 

À la base, c’était un événement qui est devenu un label. C’est surtout une identité de soirée et de style de musique. Il y a plusieurs artistes qui ont joué à mes côtés dans cet esprit, comme Frankie $, Ayana JJ, DJ Muro, Shin Shimokawa, I AM JESSE, Seki Hidekiyo, Koji Nakamura, DIS, Mr Tikini, Alex Ka, Yamagucci, Salmon Puzzle, ANYONE, etc. L’objectif était de faire de la musique qui permette au public d’échapper à leur quotidien, en les touchant émotionnellement. Souvent, les gens n’aiment pas aller en profondeur, toucher ces émotions qui peuvent être parfois dérangeantes. Je trouve que certaines musiques et sonorités nous rapprochent de celles-ci. Le but, c’est de faire de la musique qui touche l’âme directement.  

Tu t’apprêtes à sortir une série de mixes, c’est le moment de nous en dévoiler un peu plus…

Je sors de deux ans de pause. J’avais besoin de prendre du recul car j’ai vécu un épisode traumatique au Japon ; un festival que j’avais organisé s’est mal fini, j’ai perdu beaucoup d’argent à ce moment-là. Le retour en Europe m’a servi de nouveau départ. J’arrive donc avec cette série de mixes qui s’appelle Feels. C’est quelque chose de profond, qui a un impact sur le plan émotionnel. Pour le faire, j’ai proposé aux personnes qui m’ont accompagné ces dernières années de participer, pour tourner la page et passer à un nouveau chapitre. Je leur ai demandé de compiler quelque chose qui leur tenait à cœur. Il n’y a aucune limite de genre ou quoi que ce soit, je veux quelque chose d’honnête. Il va y avoir un à deux mixes par semaine qui vont sortir. J’ai aussi une autre série de mixes,  beaucoup plus cohérente avec ce qu’il se passe en ce moment dans le monde. J’ai remarqué que l’on catégorisait automatiquement la plupart des genres de musique moins connus de “musique du monde”. C’est un concept très colonialiste qui efface toutes les distinctions ; dès qu’une musique vient d’Afrique ou d’Asie, elle est définit comme “musique du monde” alors qu’il existe une multitude de genres et de styles (locaux). J’aimerais donc à travers cette série, pouvoir explorer un genre particulier d’une partie du monde avec chaque mix. Ce projet s’intitulera World Music ?.

Plus d’informations sur le Soundcloud et les pages Facebook et Instagram de XJB.
Vous pouvez aussi retrouver la page Facebook de Soul II Deep ici.

Propos recueillis par Camille Venin 

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