Valery Gergiev – London Symphony Orchestra
Valery Gergiev, chef titulaire du LSO depuis 2007, se montre à la fois inspiré et engagé dans la défense de son programme.Brahms par le LSO aurait pu être à lui seul un programme alléchant.
La troisième symphonie, samedi soir, ouvre le concert dans une salle qui n’est pas pleine. Gergiev dirige tout avec partition. Sa gestuelle peu académique, poignet tremblotant, cure-dent à la main droite, et coudes relevés en arrière en aile de pigeon, opère efficacement avec l’orchestre.
Les vents sont très puissants. Ils dominent les cordes de façon implacable (ce qui ne s’entend jamais dans les orchestres parisiens). Leur sonorité est perçante. Cela donne un poids dramatique évident lors de la ré-exposition et la coda du premier mouvement ; mais les premiers violons sont tout de même étrangement peu sonores.
Le deuxième mouvement, d’une densité polyphonique rare, est traversé par une dynamique beaucoup plus réussie que le premier. L’entrée progressive des cordes est magnifique. Les sonorités pianissimo sont très belles.
Le célèbre troisième mouvement semble se dérouler de lui-même dans une évidence sereine. Quant au quatrième, les tutti y sont admirables et massifs ; ils se déploient dans une amplitude magnifique.
Le premier cor solo est, comme il se doit, vivement applaudi par le public parisien.
Les symphonies de Szymanovski étant plus courtes que celles de Brahms, le programme se charge peut-être inutilement des Variations sur un thème de Haydn.
Parfaitement exécutées, elles témoignent également du très haut niveau des bois et des cuivres de l’orchestre londonien dès l’exposition du thème. L’entrée des cordes à la première variation est intense et ne se relâche pas jusqu’à la quatrième variation. Belle maîtrise technique de l’ensemble des pupitres de l’orchestre.
Ecrite pour un très gros effectif, vents par quatre, six cors, et un grand choeur, la troisième symphonie de Szymanowski est plus proche de la cantate que de la forme classique. Elle fut écrite en pleine période moderne, pendant la première guerre mondiale. A la fois proche du Scriabine de Prométhée et du Ravel de Daphnis, l’écriture est foisonnante.
Szymanowski est évidemment la curiosité de cette série de concerts. Peu jouées, mais beaucoup à Paris récemment, et de plus en plus enregistrées, les oeuvres du compositeur polonais s’imposent dans la musique d’Europe centrale de la première moitié du XXe siècle, aux côtés de Bartok ou Janacek.
L’acoustique enveloppante de Pleyel n’est pas non plus idéale. Parfaite pour le grand orchestre, elle ne l’est jamais lorsque le choeur est aussi important.
Les variations de tempi sont incessantes, les textures sont denses, et parfois difficilement perceptibles : les tutti nombreux saturent l’espace sonore, les instruments se couvrant tous les uns les autres. La belle voix du ténor Toby Spence est rarement audible. Cela semble toutefois bien plus le fait de l’écriture orchestral du compositeur polonais que de l’interprétation du LSO. La palette est tellement riche que l’auditeur en est rapidement saoul de luxure et d’envoûtements…
Le public, enthousiasmé, fait un triomphe à l’oeuvre.
Le lendemain, le concert ouvre par la quatrième symphonie de Szymanovski, qui est en réalité un concerto pour piano. Denis Matsuev, pianiste russe d’une stature imposante, a notamment remporté le concours tchaïkovski de Moscou. Sa puissance évidente n’est pas inutile dans une oeuvre où les tutti sont abondants.
Ecrite dans les années trente, l’oeuvre est plus calme que la précédente, avec un effectif par deux. Plus modale aussi. Lors de la cadence en fin de première partie, le pianiste russe, lisant sa partition, démontre l’étendue de sa technique et de sa présence impressionnante.
Lors du Final explosif, le pianiste se lève d’un bond sur le dernier accord, sous les applaudissements de la salle Pleyel.
Chose rare, après un premier concerto joué par un soliste de stature international, et un long changement de plateau, un autre concerto par un autre soliste de la même stature.
Très belle sonorité initiale du second concerto pour violon de Szymanovski. La facture est plus classique, et moins moderne que le premier. Leonidas Kavakos joue, par coeur, une très belle mélodie sur la corde grave de son violon. La sonorité est cristalline. Le crescendo du premier mouvement est magnifique. Le soliste grec tourne le dos au public lorsqu’il ne joue pas. Moins d’extase mystique et plus de lyrisme font de cette oeuvre une respiration dans le programme.
La quatrième symphonie de Brahms nous confirme que c’est avec ce genre d’oeuvre qu’il est possible d’évaluer la qualité d’un orchestre. Les cuivres sont toujours aussi exceptionnels. Le tempo ne se relâche jamais. L’intensité dramatique lors de la coda du premier mouvement est phénoménale. L’orchestre semble beaucoup plus équilibré que la veille dans la troisième. La ligne est toujours parfaitement conduite dans les deuxièmes et troisièmes mouvements. Le chef est toujours aux aguets et tient son orchestre entre ses mains. C’est une grande réussite de l’ensemble des musiciens.
Samedi 15 décembre 2012 à 20h
Johannes Brahms
Symphonie n° 3
Variations sur un thème de Haydn
Karol Szymanowski
Symphonie n° 3 « Chant de la nuit »
Toby Spence, ténor
London Symphony Orchestra
London Symphony Chorus
Valery Gergiev, direction
Dimanche 16 décembre 2012 à 16h
Karol Szymanowski
Symphonie n° 4
Concerto pour violon n° 2
Johannes Brahms
Symphonie n°4
Leonidas Kavakos, violon
Denis Matsuev, piano
London Symphony Orchestra
Valery Gergiev, direction
Salle Pleyel
252 rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
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