Un superbe Wozzeck déchiré et déchirant à l’ Opéra Bastille !
Des parents happés par le quotidien et par les soucis financiers, laissant leurs enfants livrés à eux-mêmes ; tel est le propos de Christoph Marthaler.
Ces enfants grandissent seuls, sans éducation, parqués dans des aires de jeux comme on peut en voir en ville, en banlieue ou dans les zones commerciales, qui sont tout autant de dépenses de la collectivité pour se déculpabiliser de ne pas s’en occuper.
La mise en scène insiste beaucoup sur ce propos car le décor, apparemment une salle de restaurant de zone industrielle, est entouré de ces trampolines ou toboggans multicolores dans lesquels les enfants évoluent, sautent, le temps de ce drame.
L’enfant de Marie et de Franz Wozzeck n’est qu’une marionnette témoin. Appelé, repoussé, il s’enfuit souvent ou s’endort. Il vole les autres enfants comme on lui vole son enfance et ses parents.
Le couple Wozzeck ne trouve plus le temps de se voir, de se regarder et de s’aimer. Elle lui reproche de ne plus voir son enfant. Il dépose sa solde de militaire sur la table sans prendre le temps d’embrasser du regard cet enfant dont il se soucie néanmoins.
Tous deux se soumettent à leurs supérieurs, Wozzeck doit subvenir aux réalités financières et Marie se laisse séduire par la notoriété du tambour Major. Wozzeck est la proie d’ un Docteur qui grâce à ses expériences compte obtenir une notoriété et devenir immortel, son Capitaine l’humilie et le méprise. Ces deux personnages bouffons sortent tout droit de la Commedia dell’Arte. Wozzeck n’est qu’un Arlequin sans défense et tragique entre leurs mains, devenu garçon de café, servile et témoin victime du drame. L’attrait de l’uniforme séduit aussi Marie qui s’abandonne facilement au Tambour-Major, qui l’achète avec des boucles d’oreille bien clinquantes.
Marthaler a transformé habilement le Tambour-Major en rocker punk qui séduit les filles ; l’ordre militaire est ici fonctionnellement remplacé par l’ordre de la culture de masse, imposant au peuple ses icônes et leur apparence pseudo-subversive. C’est un pendant grotesque et abject de Wozzeck, sublime, sensible, pris d’accès de folie. Waltraud Meier, une Marie qui irradie la scène comme toujours est saisissante de désespoir.
Quelle présence et quelle force se dégagent de cette direction d’acteurs expressionniste dans ce décor actualisé !
Marie Torrès
Wozzeck ( Reprise )
Opéra en trois actes (1925)
Livret du compositeur Alban Berg
d’après le drame Woyzeck de Georg Büchner
en langue allemande
Direction musicale : Hartmut Haenchen
Metteur en scène : Christoph Marthaler
À l ‘ Opéra Bastille
Place de la Bastille
Métro Bastille
6 représentations du 17 sept. au 2 oct. 2009
jeudi 17 septembre 2009 – 19h30
dimanche 20 septembre 2009 – 14h30
mercredi 23 septembre 2009 – 19h30
samedi 26 septembre 2009 – 19h30
mercredi 30 septembre 2009 – 19h30
vendredi 2 octobre 2009 – 19h30
Tarifs : 138€ 116€ 92€ 76€ 54€ 35€ 20€ 9€ 5€
INFORMATIONS/ RESERVATIONS
par téléphone : 08 92 89 90 90 (0,337€ la minute)
téléphone depuis l’étranger : +33 1 72 29 35 35
par Internet : www.operadeparis.fr
aux guichets : au Palais Garnier et à l’Opéra Bastille
tous les jours de 10h30 à 18h30 sauf dimanche et jours fériés
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