Un retour d’Ulysse fabuleux au TCE avec Rolando Villazón
Le Retour d’Ulysse dans sa patrie De Claudio Monteverdi, livret de Giacomo Badoaro Mise en scène de Mariame Clément Avec Rolando Villazón, Magdalena Kozená, Katherine Watson, Kresimir Spicer, Anne-Catherine Gillet, Isabelle Druet, Marteen Engeltjes, Ugo Guagliardo, Lothar Odinius, Jean Teitgen, Mathias Vidal, Emiliano Gonzales Toro, Jörg Schneider, Élodie Méchain, le Concert d’Astrée Les 28 février, 3, 6, 9 et 13 mars Tarifs : de 35 à 145 € Réservation en ligne Durée : 3h (un entracte) Théâtre des Champs-Élysées M° Alma-Marceau ou Franklin D. Roosevelt (lignes 1 et 9) |
Du 28 février au 13 mars 2017
Quand l’opéra vénitien est représenté avec la vitalité et la truculence qui siéent au baroque, alors le théâtre donne à cette musique le meilleur de ce que peut produire un opéra, une fête donnée par des chanteurs et des musiciens pleinement investis pour ravir le spectateur. Trois femmes, Emmanuelle Haïm à la baguette, Mariame Clément à la mise en scène, Julia Hansen à la scénographie, font un triomphe actuellement au TCE avec cette œuvre sublime de Claudio Monteverdi. Un opéra fondateurC’est l’un des tout premiers opéras de l’histoire de la musique. Daté de 1640, après Orfeo qui vient aussi de faire salle comble à l’Opéra Comique avec Marianne Crebassa dans une mise en scène de Thomas Jolly, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie est le deuxième opéra du compositeur. On y voit Pénélope éplorée, épouse aimante, noyée de solitude, entourée de ses prétendants aux intentions malfaisantes qui cherchent à manigancer un nouveau mariage, tandis que dans l’Olympe les Dieux se disputent leur pouvoir, qui de Jupiter ou de Neptune assènera la plus grosse leçon à l’orgueilleux Ulysse en bloquant son bateau sur les rives d’Ithaque. Le sang a suffisamment coulé et leur héros n’a qu’à bien se tenir. Mais c’est sans compter avec la malicieuse Minerve qui aide Ulysse à se déguiser en vieillard pour réapparaître dans son palais en liquidant tous ses rivaux. Inventivité de la mise en scène Dans un castelet en hauteur, figurant un bistrot de marins enfumé et chaleureux, siègent les Dieux qui jouent aux cartes en buvant des bières. Ils échangent des rires et des pintes, se tapent sur l’épaule, et leur dégaine barbue et chevelue ressemble plus à celle du Capitaine Haddock de Tintin ou à des soixante-huitards attardés qu’aux lisses portraits des représentations classiques. Le tonitruant Neptune (Jean Teitgen) rivalise d’autorité avec Jupiter (Lothar Odinius) tandis que sur terre, dans un palais aux murs vétustes, dans la chambre matrimoniale, la belle Pénélope (Magdalena Kozená) épuise son désespoir sous la couette du grand lit nuptial. Intermèdes cocasses au goût de farce grivoise, Mélantho (Isabelle Druet) et Eurymaque (Emiliano Gonzales Toro) roucoulent sous les câlins et les gazouillis amoureux auxquels seuls ces gens simples peuvent s’adonner en toute liberté. Puzzle de références et d’images Si la musique peut exprimer l’intensité des émotions amoureuses portée à son incandescence, Monteverdi, avant Mozart, en est le représentant le plus éloquent. Pour chaque personnage, il compose une partition sensible ou burlesque, déchirante ou truculente, en peintre véritable qui juxtapose avec minutie et génie des harmonies et tessitures différentes, composant pour chacun un véritable voyage mental. Les lamentos de Pénélope appellent les larmes, les duos de retrouvailles entre Ulysse et son fils Télémaque (Mathias Vidal) ou avec Pénélope se révèlent vibrants d’humanité. Mais aussi le burlesque aux teintes sonores très modernes, incarné dans le personnage d’Iro le “bouffeur” (Jörg Schneider) est tout bonnement réjouissant. Pour donner corps et vie à cette musique, Emmanuelle Haïm impulse à ses musiciens du Concert d’Astrée une vigueur spectaculaire et Mariame Clément, avec sa scénographe Julia Hansen, multiplie les références au cinéma (Tarantino) et à la BD, en osant transformer les plaines de Grèce en verts pâturages d’une Suisse aux sommets enneigés ou en plaçant un distributeur Coca-Cola dans le palais antique. Des solistes qui jouent le jeu Dans le rôle d’Ulysse, la star franco-mexicaine Rolando Villazón imprime sa virilité et son énergie latine, crâne rasé, en jupe longue de coton blanc et en pull de marin. Masculin et féminin. Entre ridicule et bravoure, orgueil guerrier et sincérité conjugale, le personnage d’Ulysse échappe ici aux clichés qui font du héros un surhomme sans affect. L’épaisseur émotionnelle et la densité physique du héros en font un homme d’aujourd’hui, mandaté pour venger son pays, mais devenu l’otage de puissances politiques qui lui font peu à peu oublier ses proches. Grâce à Minerve, la déesse de l’intelligence et de la guerre, il retrouvera Pénélope dont la rousse Magdalena Kozená incarne la sensuelle et sensible solitude. La soprano Anne-Catherine Gillet, qui chante Minerve, chevelure platine et look de petit lutin futé, perchée sur un canapé ascensionnel en argent scintillant, se révèle ici assez exceptionnelle, tant elle parvient à allier une ligne de chant éblouissante, une diction parfaite et un jeu scénique fait de grâce et de cabotinage, bref, la malice et l’intelligence à l’état pur. Mais il faudrait citer tous les artistes de cette production, le contre-ténor Maarten Engeltjes, la basse Callum Thorpe, le berger généreux de Kresimir Spicer, qui nous ravissent le cœur et l’esprit. Hélène Kuttner [Photos © Vincent Pontet] |
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