Trompe-la-mort, une descente dans les enfers du Palais Garnier
Trompe-la-mort De Luca Francesconi Mise en scène de Guy Cassiers Avec Laurent Naouri, Julie Fuchs, Cyrille Dubois, Marc Labonnette, Ildikó Komlósi, Philippe Talbot, Béatrice Uria-Monzon, Chiara Skerath, Chiristian Helmer, Laurent Alvaro, François Piolino et Rodolphe Briand Du 16 mars au 5 avril 2017 Samedi 25 mars à 20h30, jeudi 30 mars à 20h30, dimanche 2 avril à 14h30 et mercredi 5 avril à 19h30 Tarifs : de 10 à 160 euros Réservation en ligne ou par tél. au 08 92 89 90 90 (0,35 euros mn) Durée : 2h Palais Garnier |
Du 16 mars au 5 avril 2017
C’est une création mondiale. Stéphane Lissner, directeur de l’Opéra de Paris, a commandé au compositeur italien Luca Francesconi une oeuvre inspirée par la littérature française. Dans la «Comédie Humaine » de Balzac, il y a un personnage de bagnard qui poursuit sa vengeance sociale sous plusieurs identités, jusqu’au triomphe final et sa pleine réintégration dans une société corrompue. Dans cet opéra, Laurent Naouri triomphe avec le rôle titre, dirigé dans la fosse par Susanna Mälkki et sur scène par Guy Cassiers. Pari gagné ! « Quand la justice ne fait pas son travail, les voleurs s’en chargent »Cette phrase de Balzac sur la corruption de son époque, le dix-neuvième siècle, résonne étrangement aujourd’hui. Trompe-la-mort, allias Jacques Collin, est un évadé du bagne qui prendra l’identité fausse de l’abbé Carlos Herrera, quand il rencontre le jeune et beau Lucien de Rubempré, accablé de dettes, proie idéale à la réalisation de son pacte faustien. « Je suis l’auteur, tu seras le drame » lui confie e personnage diabolique. Lucien, poupée de luxe, aidera l’ex-bagnard à conquérir le tout Paris, l’ange et le diable unis par un désir ambivalent de réussite amoureuse et sociale. Dans l’adaptation du compositeur, nous voyageons à travers les centaines de pages de Balzac sur la tranche des mensonges et des faux semblants, en fréquentant les salons des banquiers haussmanniens, en épiant les commérages des comtesses, en buvant les soupirs des duchesses qui se pâment d’aimer des chérubins. Une composition sur quatre niveaux Le livret de Francesconi renvoie dos à dos le mensonge et la vérité, en structurant la narration sur quatre niveaux : le monde de l’apparence et de la vie sociale, la vie cachée et le monde des manipulations secrètes, le dialogue entre Lucien et son maître diabolique, et le monde souterrain des forces obscures et de l’énergie des bas fonds, dans cette époque où le pouvoir passe du politique aux mains des industriels et des banquiers. La musique, somptueuse, riche, striée de couleurs diverses, assonances, dissonances, emprunts à la frénésie du rock, à la mélancolie de l’accordéon, aux stridentes des cuivres des fanfares, créée un univers complexe et mystérieux entre songe et cauchemar, insufflant à chaque scène, à chaque personnage un timbre différent, une teinte spécifique. A la tête de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, dont on loue l’excellence à tous niveaux, la blonde et fine Susanna Mälkki cisèle avec énergie et précision sa direction musicale, dans le souci de chaque séquence, variant les effets, changements d’atmosphère et de tempi, ne négligeant aucun moment musical comme les roucoulades ridicules des bourgeois ou la pathétique et romantique idylle entre Lucien et Julie, victime sacrificielle de la manipulation du héros. Une scénographie à géométrie variable Le flamand Guy Cassiers, fervent adepte des adaptations romanesques, strie l’espace à la manière d’un gigantesque mille-feuilles, béant comme le gouffre de l’enfer et zébré par des flèches de néon lumineux qui font apparaître des fragments du Palais Garnier des sous sols jusqu’au dôme. Dorures baroques, escaliers monumentaux, balcons en stucs, plafond peint par Chagall, tout y passe et comme dans la « Règle du Jeu » mise en scène de Christiane Jatahy à la Comédie Française, le metteur en scène et son scénographe Tim Van Steebergen utilisent, pour raconter cette narration fragmentée, l’histoire et le décor du lieu lui-même. Les costumes stylisés jouent sur l’alternance du noir et blanc, avec des maquillages outranciers qui donnent aux personnages des allures de marionnettes, prototypes sociaux glissant sur un tapis roulant. Les voix qui nous guident Avouons-le, le spectateur peut être un peu perdu au milieu de tant de complexité sémantique et visuelle, s’il ne possède pas d’emblée les repères littéraires de l’intrigue. Les voix pourtant peuvent nous guider, quand la musique se fait messagère. Laurent Naouri, dont le talent de chanteur et d’acteur font la puissance, déploie un timbre magnifique de baryton presque basse, à travers une incarnation mystérieuse, humaine, pathétique du personnage principal. Avec finesse, loin de la caricature, il dessine très physiquement une figure de monstre misérable, torturé, qui devient chef de la police, diction parfaite, voix d’airain. Béatrice Uria-Monzon est une spectaculaire et juste Comtesse de Sérisy, tout comme Christian Helmer dans le Marquis, Chiara Skerath (Clotilde) et Ildikó Komlósi (Asie). Dans le rôle de Rastignac, on regrettera de moins entendre Philippe Talbot, couvert par les percussions et les cuivres. Mais l’Esther de Julie Fuchs possède un soprano très pur et Cyrille Dubois, ténor subtil, doit encore affirmer son personnage de Lucien, trop effacé dans ce maelström de sons. Une production qui est à découvrir, sans aucun doute. Hélène Kuttner [Crédits Photos : © Kurt Van Der Elst-Opera National de Paris ] |
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