Tristan et Isolde, Wagner – Opéra Bastille
Tristan et Isolde Jusqu’au 4 mai 2014 Opéra Bastille |
Reprise de la mise en scène peu convaincante de Peter Sellars mais une superbe interprétation de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris dirigée par Philippe Jordan. Si l’on admire le travail de Peter Sellars, on sera déçu par la mise en scène de Tristan et Isolde reprise à l’Opéra Bastille. On pourrait parler davantage de version de concert, à peu d’exceptions près : à la fin du premier acte, l’arrivée spectaculaire du roi accueillant sa jeune épouse dans les bras de Tristan crée efficacement le suspens, la vigie postée au balcon ou le choeur des marins en coulisses. Dans le deuxième acte, Brangäne chante son magnifique “Prenez garde !” des coulisses en hauteur (derrière les balcons). Toutefois, Peter Sellars propose une lecture sans doute plus actuelle du mythe de Tristan et Isolde, mais aussi dénuée de son caractère tragique, ce qui affaiblit considérablement le drame. Il écrit : “Nous comprenons que le Roi n’est qu’un homme, qu’il a été le premier amant de Tristan”. Tout est dit : la mise en scène se résume donc à une invention lors de l’intervention du Roi Marke et de l’action finale de Melot. D’abord un baiser amoureux se substitue au baiser ordinaire social que donnerait un roi à son vassal. Le mythe de “l’amour interdit” que véhicule Tristan et Isolde, comme tous les amours du Moyen Âge, d’un chevalier pour sa dame, la femme de son seigneur, disparaît. D’autre part, Tristan est ici poignardé dans le dos par Melot sans se battre ! On ne comprend pas davantage comment Kurwenal meurt. Une sorte de suicide stupide au lieu d’un combat vaillant. Le public sourit, le drame échoue. Sinon, le reste du temps scénique (les neuf dixièmes du spectacle) est soumis à la vidéo de Bill Viola, présente d’un bout à l’autre, sur un écran gigantesque au centre du plateau en fond de scène. Les images se substituent à toute action scénique : un écran central auquel on ne peut échapper. Qu’y voit-on ? un homme et une femme qui se dénudent et plongent leur tête dans l’eau, dans un ralenti extrême, procédé éculé par Bill Viola dans ses installations, mais qui ne résiste pas à la composition du temps wagnérien. Certaines de ces images sont très esthétiques (un couple s’aime et se suicide dans la mer déchaînée), et frisent parfois l’abstraction : ce sont les plus réussies. D’autres sont simplement descriptives, comme l’aube de la fin du 2e acte : une aube en pleine nature à travers les arbres, image figée. Le plateau vocal est plus attrayant. Si le timbre de Robert Dean Smith est très beau, son Tristan manque un peu d’éclat. Le chanteur paraît fatigué au troisième acte. Il chantait Siegmund dans la première distribution de la Walkyrie. Violetta Urmana incarne une puissante Isolde. Elle triomphe véritablement à Bastille, un volume de salle qui lui va bien. On l’avait entendue en concert à la Salle Pleyel où son chant paraissait bien moins nuancé. Frantz-Josef Selig en Roi Marke est moins convaincant qu’en Sarastro. Il est un peu perdu sur scène au deuxième acte, et n’a pas l’air de bien comprendre ni de croire ce que la direction scénique lui demande. Les notes les plus graves du rôle sortent peu. Il se rattrape au troisième acte. Jochen Schmeckenbecher en Kurwenal est une belle confirmation d’un chanteur déjà entendu plusieurs fois sur la scène de Bastille. Il investit son rôle avec fougue et passion. Raimund Nolte en Melot est excellent. Janina Baechle est une vraie curiosité à découvrir. La mezzo-soprano incarne une Brangäne touchante et toute en nuances. Son chant de la nuit est sublime. Les petits rôles sont également très bien servis. Enfin, clou de la soirée, l’Orchestre de l’Opéra National de Paris est exceptionnel d’un bout à l’autre et vaut à lui seul le déplacement. [Crédit photos : Opéra national de Paris/Charles Duprat] |
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