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The Strokes- De New-York à la Mutualité ou l’impact sociologique du groupe en France(rétrospective)

18 mars 2012
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Début des années 2000

Nostalgiques de l’époque bénie des groupes de rock débridés, les journalistes spécialisés commencent à superviser ce qui se passe du côté de New-York où une petite révolution se prépare. Sevrés de sensations fortes depuis la fin des années 70, quadras et quinquas en santiags ont vu défiler les années et les modes. Parmi elles, le glam, la new-wave, le grunge… Des modes éphémères relayées par l’apogée des groupes britanniques dans les années 90, faisant de Radiohead, Blur et Oasis les maîtres du monde dès l’éjection de Margaret Thatcher. Ensuite ? Une période de léthargie sans identité réelle et l’émergence des diffusions hip-hop sur MTV, un drame perpétuel.

 

 

Découverte et apogée

Pendant que Coldplay sort son stratosphérique « Parachutes » en Angleterre et que les Libertines courent les bars du pays, les Etats-Unis reprennent des couleurs du côté de Détroit où les White Stripes commencent à sévir, sans connaître de succès commercial. La ville de Portland elle, voit ses Dandy Warhols continuer leur petit bonhomme de chemin au profit du Brian Johnston Massacre et sortir l’immense « Urban Tales From… » chez Capitol. Pourtant en ce début de nouveau millénaire, la Big Apple semble plus attractive et pour cause. Du côté du Lower East Side, un groupe nommé The Strokes se produit au Mercury Lounge et attire vite les convoitises. Rebelles à l’eau de rose, ces fils de bonnes familles tombent à pic dans l’idée de redorer le blason d’une tradition perdue depuis deux décennies. Mieux éduqués que les Stooges, plus sages que les Ramones, les Strokes ont aussi le côté dandy du Velvet, période Warhol. Cheveux sales, pompes trouées, jeans serrés, vestes vintage décorées de badges multicolores… En bref, toute la panoplie des têtes-à-claques 2.0, parfaites pour être instrumentalisées et devenir des rock stars. Oui mais voilà, les Strokes ont en plus deux atouts majeurs : un leader désigné en la personne de Julian Casablancas et surtout de bonnes chansons, capables de raviver la flamme rock tant recherchée. Légitimement donc, les médias  s’emparent de la bonne affaire et vantent les mérites du jeune quintette qui clôt ce tapage médiatique par un premier bon album  intitulé « Is This It ? » (sortie en France en Août 2001).


La Mutualité, lieu historique

En France (comme partout), l’arrivée de ces héritiers de Television est vue d’un bon œil et toute la presse spécialisée s’enthousiasme dès l’annonce de leur premier concert parisien. Alors qu’ils peuvent remplir un Zénith, Julian, Nick, Albert, Nikolai et Fabrizio se retrouvent au Théâtre de la Mutualité. Drôle de choix pour le groupe le plus « hype » du moment mais judicieux pour le côté mystique et fermé.

Le jour J, pas de surprises. Inexpérimentés, les Strokes n’y sont pas vraiment et bafouillent un peu leur arsenal devant une fosse où les lecteurs de mini-discs fleurissent en guise d’enregistreurs. Un mal pour un bien pour les pirates qui se vanteront plus tard d’avoir assisté à la première prestation française des new-yorkais. Techniquement limités par la durée de « Is This It ? » (36 minutes), les aristos-rockers jouent trois inédits dont l’excellent Meet Me In The Bathroom, joué en ouverture par un Casablancas statique derrière son micro. Pas de temps à perdre, The Modern Age permet aux premiers hommes volants de surfer au-dessus de nos têtes et de mettre en évidence la masse capillaire d’Albert Hammond Jr.S’en suivent une version calquée du single Someday et une deuxième parenthèse inédite (Between Love & Hate), sobrement présentée comme « la nouvelle », à l’époque. Jusque-là donc, deux bonnes surprises succédées d’un récital rock revival joué pieds au plancher par un collectif qui ne gaspille pas sa salive entre les titres. Moment ultime du concert ? Ce New-York City Cops rageur qui égosille la voix d’un Casablancas en pilote automatique. Au total, cinquante minutes de live et quatorze titres directs, compulsifs et pas frimeurs pour deux sous. Que des tubes à reprendre (Barely Legal, Trying Your Luck) dont l’éponyme Is This It? qui permet au timide Nikolai Fraiture de se mettre en évidence sur la ligne de basse. En conclusion, les dévastateurs Last Nite et Take It or Leave It installent le chaos dans la salle. Take It Or Leave It? A la suggestion, la réponse est sans appel. Malgré un set assez court et un statut de néo-rock stars pas vraiment assumé, on prend volontiers ces Strokes là, calibrés pour devenir grand. L’avenir nous donnera raison.

Un effet sociologique 
Au-delà de l’attente que suscitait ce concert à la Mutualité, il n’en demeure pas moins lambda et anecdotique dans la carrière des new-yorkais, désormais assurés de remplir de gigantesques salles en une poignée de minutes. Néanmoins, ces seules cinquante minutes de live ont à coup sûr eu des répercutions sociologiques importantes chez les jeunes spectateurs présents et crée des vocations.Cool dans l’image, bien dans leur converse, revival dans la musique, les Strokes deviennent des icônes de mode et une source d’inspiration à Paris. L’appui sans faille de la presse hexagonale aidant,  un effet boule de neige se prépare dans la capitale et, à moindre mesure, en province.

 

Le succès des Rock’n’roll Fridays
Chez les ados français, les jeans slim deviennent incontournables et se répandent dans toutes les cours de récréation, au même titre que l’idée de monter un groupe de rock se propage dans tous les lycées. A noël, il est désormais de bon goût de demander une guitare, une basse ou une batterie et d’essayer ses instruments dans la cave du domicile familial. En l’espace de quelques mois, une scène de baby-rockers apparaît et fait le buzz. Parrainés par un mensuel bien connu, les Rock’n’roll Fridays connaissent un franc succès du côté du Gibus, mettant en avant ces apprentis rockers. Stéréotypés dans l’esprit, ils se succèdent et attirent l’attention des nostalgiques qui voient en certains les nouveaux Ramones ou New York Dolls, des propos démesurés et un espoir éteint au fil du temps. Aspect corrélatif, ces jeunes pousses inspirées reprennent des titres des Strokes et des Libertines qui commencent à leur tour à faire parler d’eux Outre-manche, au même titre que les White Stripes aux US. Dix ans plus tard en France, la mode « strokésienne » perdure et les néophytes du début des années 2000 ne sont plus aussi nombreux. Aujourd’hui plus âgés, Shades, Plastiscines ou BB Brunes font perdurer le cycle. De leur côté, les Strokes poursuivent leur route vers la gloire tandis que les groupes en “The” continuent de fleurir et d’envahir les charts.

Olivier Cougot

 

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