Squale : “On n’appréciait pas de devoir céder à la priorité de l’audience”
Rencontre avec Squale, fondateur des médias REVRSE et Ventes Rap, fondés respectivement en 2014 et 2017. Il nous parle aujourd’hui de son activité média et de l’actualité rap en France.
Quel a été ton premier contact avec la sphère des médias rap ?
La première fois que j’ai commencé à travailler pour des médias rap, c’était en 2013 je crois. C’est à l’époque où la clique de Chicago fonctionnait bien et influençait beaucoup de rappeurs en France : XV Barbar, PSO Thug et compagnie. J’ai commencé à travailler pour TupakTV, qui faisait des traductions de clips de Chicago et de tout ce qui y fonctionnait. On prenait les clips et on traduisait sur un logiciel de montage. On faisait des 100k, 200k, 300k vues.
Comment en es-tu venu à créer REVRSE et Ventes Rap ?
En 2014, on voulait créer un portail de traduction, comme un Google Translate, Reverso ou autre. Tu allais sur le portail et tu pouvais soit consulter des traductions de rap US en français, soit des traductions de rap français en anglais. C’était l’idée de base et on a créé Hip-Hop Reverse mais ça n’a jamais été un portail de traduction. Au fur et à mesure de sa création, le projet s’est développé de manière différente, avec des articles. Au final, on a pris une direction plus proche de certains médias “classiques”.
Depuis quand Ventes Rap existe-t-il ?
Depuis 2017 sur Twitter et début 2019 sur Instagram. À l’époque, on avait un concurrent qui publiait des certifications et des chiffres de ventes et c’est devenu plus ou moins indispensable de partager ce genre d’informations, pour que ton média fonctionne bien. On est rentré dans cette logique par la force des choses mais ça surchargeait notre timeline et on n’appréciait pas de devoir céder à la priorité de l’audience, qui noyait les informations prioritaires. Ce qui fait qu’on a créé un compte secondaire, qu’on a appelé Ventes Rap.
Quelles sont tes activités aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis rédacteur, je fais des interviews. Jusque-là, j’en faisais déjà mais soit je restais derrière la caméra, soit je les faisais à l’écrit, je préférais rester un peu anonyme. Depuis cette année, on a créé un format qui m’est dédié et qui s’appelle “Interview Business”. C’est un format dans lequel je rencontre des rappeurs qui ont un certain recul sur leur carrière. Je reviens avec eux sur les éléments marquants et les étapes décisives de leur parcours mais d’un point de vue plus stratégie, marketing, contrats.
Comment se démarquer aujourd’hui, dans le volume important de médias rap ?
Depuis un ou deux ans, il y a un nouveau boom des médias rap, sur les réseaux sociaux exclusivement. Nous, aujourd’hui, on fait partie des plus anciens médias web existants, hors géants, Booska-P, Rapelite, Rapunchline, etc. Les réseaux sociaux, ce sont des audiences qui sont en évolution permanente, tu ne peux jamais définir une manière de te démarquer. Tu es toujours obligé d’adapter ton offre à la demande et de suivre les usages pour comprendre ce qu’ils cherchent. Sur Ventes Rap, on a changé deux fois de templates parce qu’on a remarqué que ceux de l’année précédente ne prenaient déjà plus en matière d’audience.
On parle beaucoup de déclin du format album, quel est ton avis là-dessus ?
Je ne pense pas que ce soit vrai parce que les contrats des artistes sont encore conçus en format album. Si tu signes pour trois albums, que tu sors que des singles, t’es continuellement sous contrat pour la maison de disque. Deuxièmement, le format album a évolué avec les plateformes de streaming mais c’est toujours intéressant pour un artiste d’avoir un album à présenter à son public. Effectivement, commercialement, tu peux bien tourner avec des singles en permanence mais la sortie d’un album, c’est un événement particulier.
On a une scène rap très riche en matière de production, on a chaque année de nouveaux artistes et de plus en plus d’albums. Penses-tu que cette croissance puisse tenir ?
Aujourd’hui, il y a une croissance du nombre de sorties par rapport à il y a une dizaine d’années, mais je ne suis pas certain que cette croissance continue. Il y a eu une baisse des coûts de production musicaux en amateur et un effacement de la frontière entre tête d’affiche et amateur. Le marché est plus gradué qu’auparavant, t’as différentes manières d’exploiter commercialement ta fanbase. Mais je pense qu’il s’auto-régule, la demande crée le marché. Maintenant, c’est sûr, il y a une limite de temps que les gens accordent à la musique et cette limite est incompressible.
Les producteurs sont de plus en plus mis en avant dans la création musicale. Pour toi, est-ce une évolution logique de la médiatisation rap ?
Je pense que c’est bien. Pour moi, ça ne devrait même pas s’arrêter aux producteurs dans le sens où, à mon avis, quand tu es passionné, t’as envie d’aller gratter : qui est le directeur artistique ? Qu’est-ce que ce label ? Je pense à la scène marseillaise, qu’est-ce que 13eme Art ? Pourquoi sont-ils aussi importants dans la scène marseillaise ? Le beatmaker, lui, est inscrit administrativement sur le papier, il est créateur de l’œuvre au même titre que l’interprète. Ça semblait logique que ça commence par là et c’est normal qu’ils puissent accéder à une visibilité accrue.
La question recommandation : qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
J’écoute l’album de S.Pri Noir, que j’ai bien aimé. Le dernier album de Laylow également, Trinity, c’est un album construit sur la base de son univers et c’est un exercice appréciable. En rap US, j’écoute Griselda, un crew de rappeurs un peu old school, qui commence à avoir une petite hype autour d’eux. Ça reste underground mais ça rentre dans la culture mainstream, tout en gardant cet ADN là.
REVRSE à retrouver ici.
Propos recueillis par Loïck Piovesan
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