Sopico, la tête dans les Nuages
Bientôt dix ans que les fans de la première heure guettaient impatiemment la sortie de son premier vrai album. Après s’être échauffé en proposant plusieurs projets fédérateurs, Sopico met fin à l’attente et transforme l’essai avec Nuages. Retour sur cette sortie tant attendue.
“Ceux qui écoutent du rap, c’est mes potes, ceux qui écoutent du rock c’est mes potes, moi j’suis le câble auxiliaire entre ces deux styles”. Voilà qui résume parfaitement la musique du jeune rappeur du 18e arrondissement de Paris. Certes, le rock qui rencontre le rap, ce n’est pas nouveau. Citons les mythiques Rage Against The Machine et Limp Bizkit, ou plus récemment issu de notre riche vivier hexagonal, le talentueux Kpoint. Pour autant, Sopico se démarque de ses pairs par un son mixant à l’envi les mélodies et l’instrumentalité du rock au flow tranchant du rap, mâtiné d’un spleen caractéristique qui lui donne toute sa singularité. À la fois rappeur, chanteur, musicien, producteur, interprète, acteur, le jeune homme de désormais 25 ans est un touche-à-tout dont l’art, à l’image des nuages, peut revêtir plusieurs formes.
Autodidacte, le jeune rappeur se fait repérer en 2012 en participant à la série de freestyles anonymes “John Doe” de la 75e session. Il intègre alors le Dojo Klan et participe à l’effervescence créatrice de ce collectif qui verra notamment passer, entre autres talents, le très regretté Népal, récemment disparu. Après un passage sur la plateforme Colors qui lui permettra de se faire connaître du grand public avec “Le hasard ou la chance”, Sopico démontre l’étendue de sa palette artistique en proposant plusieurs projets, y compris dans le cinéma, avant de disparaître des projecteurs en 2018, après la sortie de sa mixtape Yë.
Après trois longues années d’attente, heureusement entrecoupées d’un bref EP réussi (on vous en parle juste ici) en début de confinement, Nuages sort enfin. Teasé par la sortie du fracassant “Slide” début septembre 2021, soutenu par un clip vertigineux (Sopico se déplace à la verticale le long de la façade d’un immense building !) et un beat quasi martial, l’album nous offre une plongée introspective dans la vie de l’artiste : “Cet album, c’est une palette d’émotions, avec les sentiments mis en avant, une façon pour moi de définir ma personnalité en 13 morceaux”. Accompagné de sa guitare, “son fusil, son RPG” comme il se plaît à la décrire, le rappeur brouille encore un peu plus la frontière entre les genres et propose un univers un peu différent de ses précédents projets, moins tranchant, lui permettant d’aller conquérir un nouveau public, sans pour autant tourner le dos à ses fans de la première heure. Son récent partenariat avec le label Spookland Records dirigé par Yodelice n’est probablement pas étranger à cette nouvelle ligne artistique. Le rappeur confie d’ailleurs dans une interview avoir énormément évolué au côté de Maxime Nucci (Yodelice donc) et avoir grandement profité de ses conseils.
Un 13 titres avec pour ambition de se dévoiler, voilà le pari que fait Sopico pour son grand retour. L’intro et l’outro de l’album sont certainement les plus personnelles et permettent de mieux découvrir celui qui se fait appeler Sofiane dans la vie civile. “Dans les yeux” est une déclaration d’amour où l’artiste se met à nu. Dans “Wave”, le Parisien oppose dans deux couplets sa vie passée et ses premiers pas dans la musique à sa vie actuelle, manière de découvrir son évolution de manière plus subjective. Le rappeur convie également sa famille sur cet album. En témoignent le morceau “Hier” dans lequel son père guitariste joue du mandole algérien en hommage à ses origines, ou l’interlude “Appel manqué” où l’on peut entendre un message laissé par sa mère. Il propose même une plongée dans le making-of d’un de ses clips avec “Tout va bien (Ou presque)”, où il détaille la vision artistique escomptée pour le clip et les aléas de sa réalisation. En bref, un album géré de main de maître qui permet à l’artiste d’affirmer sa position dans ce rap game où la concurrence se fait de plus en plus féroce, et le succès de plus en plus éphémère.
Pour sûr, Sopico n’est pas prêt de tirer sa révérence, et ce pour le plus grand plaisir de nos tympans !
Tanguy Croq
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