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Sixto Rodriguez : l’artiste maudit devenu star

Erwan Bochet 6 janvier 2022
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Alors que l’album de Rodriguez “Coming From Reality” fêtait cette année ses 50 ans, une rétrospective sur cet artiste au parcours tumultueux s’impose.

Alors qu’il joue un soir au The Sewer (l’égout en français), Rodriguez se fait repérer par deux producteurs : Mike Theodore et Dennis Coffey.
Séduit par des paroles qu’il juge encore plus belles et touchantes que celles d’un Bob Dylan, Coffey lui offre la possibilité de signer un premier album sur le label Sussex Records récemment crée par Clarence Avant.
Sorti en 1970, Cold Fact est un album d’une incroyable diversité musicale, à mi-chemin entre la soul et la folk, à la fois moderne et respectueux de l’héritage de sa ville, berceau de la Motown. L’alchimie est parfaite est l’album à tout pour marcher mais va s’avérer être un flop total, passant totalement inaperçu, peut-être trop avant-gardiste pour l’époque.

Néanmoins, le producteur Steve Rowland lui propose un contrat pour un nouvel album. Rodriguez se rend alors en Angleterre pour enregistrer l’album Coming from Reality, qui paraît en 1971. L’album est un pur chef d’œuvre, mais une fois n’est pas coutume, est également un échec commercial. Le label Sussex étant en difficulté financière va rompre son contrat avec l’artiste. Rodriguez décide alors de tourner le dos à la musique et va ainsi enchaîner de nombreux emplois afin de nourrir sa famille, tombant ainsi totalement dans l’oubli aux États-Unis. 

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais ses albums vont rencontrer un franc succès en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ayant connaissance de ce succès lointain, il part en tournée en Australie en 1979 et un album live sort alors pour l’occasion. Intitulé Alive, le nom fait référence à la prétendue mort de l’artiste en raison de son absence durant huit ans.

Mais c’est en Afrique du Sud ou l’album Cold Fact, importé par un inconnu, va être pirater et diffuser à plusieurs milliers d’exemplaires. Les paroles engagées et provocatrices trouvent une voie auprès des classes moyennes blanches, dans cette Afrique du Sud en pleine révolte. Le régime, sous la présidence de Pieter Willem Botha, censurera très vite l’album. Cependant, des radios pirates diffuseront ses titres malgré l’interdiction, et certaines de ses chansons deviendront des hymnes de l’opposition à l’Apartheid.

Rodriguez ignorant alors totalement ce succès à plusieurs milliers de kilomètres de là où il vit, ne touchera pas un dollar sur la vente de ses albums, son identité étant alors totalement inconnue en Amérique du Sud.

Mais un disquaire du Cap et un journaliste sud-africain vont alors se lancer à sa recherche, remontant petit à petit la piste qui mène à cet artiste dont ils ne savent rien. Et c’est grâce à l’essor d’Internet qu’ils vont le retrouver, et le faire venir pour la première fois en Afrique du Sud. Nous sommes en mars 1998, et à 56 ans, Rodriguez connaît enfin la joie d’être acclamé sur scène par plusieurs milliers de fans en transe. L’artiste va dès lors enchaîner les tourner à travers le pays de Mandela.

En 2012 sort le documentaire Sugar Man de Malik Bendjelloul retraçant l’histoire hors du commun de Sixto Rodriguez, oscarisé en 2013. Grâce à ce documentaire, il devient, un peu plus de trente ans après la sortie de ses deux albums, un artiste mondialement connu. Il profite de cette notoriété pour se produire dans différents pays lors de concert qui seront vivement critiqués. En effet, à demi-aveugle, tenant à peine debout, épuiser par une vie à travailler sur des chantiers dans une situation précaire et alcoolique, le natif de Détroit n’est plus que l’ombre de lui-même. Il met dès lors logiquement fin à sa carrière.

Rodriguez, c’est l’histoire pleine de mélancolie, de regrets et de fatalité d’un artiste de génie ayant eu un rendez-vous manqué avec le monde de la musique, mais également une résurrection, qui aura marqué toute une génération de jeunes rêvant d’un monde meilleur.

Erwan Bochet

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