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Setchea : une écriture dans son univers | Le prologue (1/3)

Farida Mostafa 30 janvier 2024
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© Kirill Babich

La journée commence à 8h du matin, là où les corps se réveillent petit à petit et les pinsons des arbres gazouillent sur ma fenêtre. Je prends mon café, bien intense, aux arômes sauvages de cuir et d’épices. Je déroule mon tapis de Yoga. 30 minutes de paix, 30 minutes de cadence. Une intention m’est claire : à partir de ce jour, je suis une observatrice, une porte-parole. Le monologue n’est pas le mien, donc je m’éclipse de la scène. Il est 9h45, rendez-vous aux Buttes Chaumont pour la randonnée matinale. 15 minutes d’haleine rassurante et rassurée d’un futur si brillant de cet artiste émergent.

Benjamin Setchea Gbaguidi. Un nom qui se prononce prometteur par son arrestation immédiate de l’attention et la manière dont il résonne en singularité et en force. Auteur, rappeur, poète et compositeur, Setchea vient de battre son premier record et de produire entièrement son premier album. Un moment considéré comme une étape cruciale pour tout artiste, Setchea le vit de la même manière, et plus encore.

Notre histoire a commencé comme toutes les autres : en partageant un désir d’écouter et d’être entendu. Un désir d’être vu et de dépasser les associations superficielles faites aux individus et surtout les artistes, êtres à fleur de peau. Vengeance et Miséricorde dépeint la narration d’un homme qui se bat, qui se revendique, qui rêve, qui aime, et qui fait l’expérience de la vie sous la forme la plus sensible et authentique possible. Nous commençons à la lisière de là où tout commence : le début.

Comment te sens-tu vis-à-vis de Ben et Setchea ?

Schizophrénique. Même si Setchea est mon prénom, la plupart des gens qui m’appellent comme ceci m’ont rencontré après mon “coming-out” créatif, donc ça me touche beaucoup. En même temps, j’assume Ben, ce n’est pas comme si je le rejetais.

Quelle est la signification de Setchea ?

Setchea veut dire celui qui n’est pas n’importe qui, ou venu malgré tout. Évidemment, on se crée tous·te·s un personnage pour monter sur scène, mais ma démarche personnelle consiste à être dans l’authenticité la plus réelle possible. C’est bien dans cette société d’avoir des choses où tu peux t’attacher, et te sentir un peu unique. Il y a quelque chose d’assez puissant.

S’agissait-il d’une exploration personnelle ?

Je rappe depuis que j’ai 11 ans et mon nom d’artiste était Been (a été, en anglais). Après je m’appelais Monsieur G, qui était juste une blague pour moi parce que personne ne sait prononcer mon nom de famille (Gbaguidi). Toute ma vie, j’ai dû dire “on ne prononce pas le G”. C’était une appropriation de moi qui suis fier de ma personne. À 24 ou 25 ans, la musique a commencé à s’imposer et j’ai su ce que je voulais faire. Setchea est arrivé avec aucune question posée.

Quelle est la raison derrière ton attrait pour le rap ? Comment en es-tu venu à découvrir ce style musical ?

C’est mon histoire préférée de ma vie. J’avais peut-être 10 ans, et mon père, mélomane, avait cette armoire dans une pièce qu’on appelait le débarras. C’était la caverne d’Ali Baba. Un jour, je suis tombé sur deux albums : MC Hammer, et MC Solaar. MC Hammer était fun, puis j’écoute MC Solaar, Qui Sème Le Vent Récolte le Tempo. Je n’avais jamais entendu du rap de ma vie, et je me dis c’est qui ce mec, qui parle avec autant de style, qui est un poète, et qui dit ce qu’il veut, ce qu’il pense, et c’est magnifique ! Á partir de là s’est créé une tradition, où on allait une fois par semaine à la Fnac, et j’achetais un ou deux CD. C’est devenu ma religion. C’est la seule chose qui m’intéressait dans la vie. J’ai pris une décision nette. Du jour au lendemain, j’ai arrêté les Lego, je suis passé au rap. Ensuite, en 5e, cours de français, première fois que je prends la poésie au sérieux.

As-tu rédigé le poème toi-même ? 

Baudelaire, extrait des Fleurs du Mal. Je passe en premier et je me rends compte que je m’amuse à le réciter. Je sors du cours, j’écris mon premier poème, et je n’ai jamais arrêté d’écrire depuis. Ça fait 20 ans.

Quels sont les parallèles que tu appréhendes entre la poésie et le rap ? 

Le rap est une de mes formes, mais mon art est l’écriture. La poésie est beaucoup plus détachée de la musique. Il y a une musicalité, mais ce n’est pas forcément lié à la musique. Alors que le rap, surtout que je suis producteur et que maintenant, j’écris mes textes après avoir composé la musique, ce n’est pas la même démarche. J’ai un écriture de prose aussi, que j’écris sans brouillon, spontanément.

Dans la chanson Dentelle, tu affirmes : “Mes textes, je les écris sans thèmes”. 

C’est le rap. Mais dans mon engagement, j’ai envie d’avoir une cohésion dans ce que je raconte. Comme je dis, “mes textes je les écris sans thèmes”, mais en même temps je dis “mes peines j’en fait des anthems”. Il y a toujours un thème récurrent dans Vengeance et Miséricorde qui était de mettre en mots mes états d’âmes, mes émotions, mon histoire. Il n’a pas de thème parce que je ne me suis pas cantonné, surtout que c’est un obstacle à l’écriture. C’est ça qui crée la page blanche. Quand j’ai une intention trop précise, je bloque. Quand j’écris, je médite. Je crée un mood, je mets des bougies, je regarde la baie vitrée, je mets un film, et je laisse une idée venir. Je construis la première phrase, et sur cette première phrase s’écrit tout un texte. C’est toujours ça.

La suite vient dans quelque jours…

Interview réalisée par Farida Mostafa


Retrouvez la suite de l’interview :

Setchea : Un univers dans son projet | L’entracte (2/3)
Setchea : Un projet dans sa vision | L’épilogue (3/3)

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