Rusalka à l’Opéra Bastille : sublime sirène
Rusalka D’Anton Dvorak Mise en scène de Avec Jusqu’au 26 avril 2015 Mardi 7, vendredi 10, lundi 13, jeudi 16, samedi 18, jeudi 23 avril à 19h30 et dimanche 26 avril à 14h30 Tarifs : de 5 à 150 € Réservation en ligne Durée : 3h20 Opéra Bastille M° Bastille |
Jusqu’au 26 avril 2015
Robert Carsen met en scène le sublime opéra de Dvorak dans une scénographie féérique avec des chanteurs embarqués pleinement dans cette aventure où une sirène doit perdre la voix pour devenir humaine et aimer un humain. Fatal dilemme où la musique, encore une fois victorieuse sur la vie et sur la mort, transgresse les frontières du réel. L’univers séparé en deux Dans le monde des sirènes conçu par Robert Carsen et son décorateur et costumier Michael Levine, l’eau est partout présente sous forme de vagues projetées en volutes bleues au-dessus d’un bassin rectangulaire baigné d’une lumière turquoise. Sur les hauts murs sont suspendus chaises et lits, qui sont reproduits plus haut selon la symétrie parfaite d’un miroir. Ainsi sont déclinés le monde souterrain et aquatique des Ondines et celui des terriens, au-dessus, où les Princes attendent leurs princesses. Pour l’heure, trois nymphes s’ébattent au bord de l’eau, voix cristallines et rires d’enfants, sous le contrôle de l’Eprit du Lac, Ondin, qui veille sur ses Ondines. Une mise en scène formidablement inventive Tout dans la mise en scène et la scénographie de Robert Carsen est réussi. L’effet de miroir perpétuel, qui démultiplie à l’infini les deux mondes, marin et terrien, et qui poursuit cette inversion par une métaphore psychanalytique du dédoublement des personnages au deuxième acte, lorsque Rusalka se retrouve projetée dans le château du Prince, grâce au sortilège de la sorcière Jezibaba. Ruzalka, amoureuse mais rendue muette, assiste comme un fantôme à la préparation de ses noces tandis que le Prince, épris mais déconcerté par sa froideur et son silence, se tourne vers une Princesse étrangère hautaine et méchante. Le dédoublement de tous les personnages, à part Rusalka dont le double inversé se trouve être l’autre princesse, la multiplication des convives, chanteurs et danseurs (chorégraphie de Philippe Giraudeau) qui s’agitent et semblent flotter parmi les draps blancs des lits et les roses rouges, évoque à la perfection l’antagonisme des deux univers et l’atroce douleur de l’héroïne condamnée à aimer en silence et donc se couper du monde.
Le livret, écrit par Jaroslav Kvapil, s’inspire en même temps d’Ondine de La Motte-Fouqué et de La Petite sirène d’Andersen, qu’il colore de légendes de sirènes slaves qui ressemblent à la médiévale Mélusine. Musicalement, c’est l’opéra le plus connu de Dvorak (1841-1904) et on y trouve des richesses orchestrales remarquables, bercées par l’influence de Lizt et de Brahms, dont la délicatesse et l’aspect mystérieux annoncent déjà Pelléas et Mélisande de Debussy. Voix chaude, timbre doux et velouté, la Rusalka de Svetlana Aksenova enchante littéralement. Cette longue et jeune soprano russe, déjà bardée de prix, allie une maîtrise vocale sans faille, sans jamais forcer sa technique dans les aigus, et un naturel dramatique et une sensibilité remarquables. Autour d’elle, le casting est parfait. Larissa Diadkova excelle dans le rôle terrible de la sorcière, démoniaque et vorace dans ses habits luxueux, Dimitry Ivaschenko est un Roi Ondin magnifique et intransigeant, voix de basse magnifique, et le jeune Pavel Cernoch assume avec brio le rôle du Prince, présence élégante et sobre. Ajoutons que l’Orchestre de l’Opéra de Paris est dirigé par le jeune chef tchèque Jakub Hrusa avec une grâce et une précision formidables. Voilà une production qui ne peut que nous combler et qui met le rêve à portée de spectateurs simplement humains. Hélène Kuttner [Photos © Leiber] |
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