Robert Carsen reprend ses savoureux Contes d’Hoffmann
Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach Avec Nadine Koutcher, Kate Aldrich, Ermonela Jaho, Stéphanie d’Oustrac, Doris Soffel, Ramón Vargas ou Stefano Secco, Roberto Tagliavini, Rodolphe Briand, Paul Gay, François Lis, Cyrille Lovighi, Laurent Laberdesque et Yann Beuron En alternance à 19h30 ou 14h30 les dimanches Tarifs : de 5 à 210 € Réservation en ligne Opéra Bastille M° Bastille |
Jusqu’au 27 novembre 2016
Du Don Giovanni de Mozart ou du Faust de Gounod, Jacques Offenbach a tiré le meilleur de ces illustres pairs en musique pour composer son ultime opéra (1880), un flamboyant mélange entre l’opérette, l’opéra romantique et l’opéra italien. Sans Jonas Kaufmann qui s’est excusé de sa défection auprès du public français en raison d’un souci aux cordes vocales, ni Sabine Devieilhe dans l’attente d’un heureux événement, cette production signée par le metteur en scène Robert Carsen poursuit brillamment sa route avec notamment trois jeunes sopranos éblouissantes, Nadine Koutcher, Ermonela Jaho et Stéphanie d’Oustrac. Entre Faust et Don JuanL’errance du poète allemand Hoffmann s’inscrit en droite ligne entre son héros Don Juan et le Dr Faust en quête de jeunesse éternelle. Tous deux à la recherche d’un idéal féminin dont ils épuisent les doubles et les avatars. Hoffmann ressemblerait plutôt à un antihéros du XIXe siècle, à mi-chemin entre le buveur de bière allemand et le Werther romantique introverti et noyé de poésie mélancolique. Sa quête féminine s’attache tout d’abord à une cantatrice, Stella, qui triomphe dans le rôle de Donna Anna dans Don Giovanni, puis à Olympia, réincarnation mécanique d’une jeune morte, à Antonia, lumineuse musicienne sur le point de mourir, et Giulietta, courtisane manipulée. Robert Carsen place subtilement la scène de théâtre dans un autre théâtre, au fil d’une mise en abyme élégante des différents décors et situations racontés et rêvés par le poète Hoffmann, narrateur et héros de ses contes, aussi cocasses que burlesques. Un débonnaire Hoffmann Le Mexicain Ramón Vargas, qui connaît le rôle parfaitement, endosse celui du poète venu conter à une foule en liesse ses fantaisies fantastiques. Physique rondouillard, jovialité naturelle, le chanteur déploie une belle énergie et une voix de ténor en pleine santé, sans pour autant posséder le charisme nécessaire au séduisant héros. Dans ce décor en miroir de la salle signé Michael Levine, subtilement découpé par les lumières de Jean Kalman, l’homme fait le lutin ou le clown sur un comptoir, tandis que Nicklausse, son fidèle compagnon, qu’incarne la mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac avec une grâce et une fraîcheur musicale et dramatique tout à fait réjouissantes, le met en garde contre le Diable. C’est Roberto Tagliavini, physique de Mefisto longiligne et voix de basse profonde, qui campe les quatre personnages de malin, tandis que l’on bascule déjà dans l’antre d’Olympia. Sublimes et malheureuses figures de femmes Manipulées, soumises et révoltées tout à la fois, les amoureuses fantasmées d’Hoffmann-Offenbach se révèlent toutes en proie à la manipulation et à la domination d’un homme, père ou patron, diable ou malin. Olympia, jeune morte ressuscitée par la grâce d’une médecine moderne, va s’animer comme un pantin pour complaire au jeune poète au terme d’un arrangement financier. Cette scène, où la toute jeune Nadine Koutcher, plantureuse soprano aux aigus flamboyants, précis et acérés comme des orties pour des vocalises de choc, s’anime et se jette sur Hoffmann pour le culbuter sur une motte de foin, reste mémorable et désopilante. Moins cocasse, sinon totalement dramatique et déchirante, l’Antonia d’Ermonela Jaho, au timbre si pur et à la ligne mélodique si profondément bouleversante, demeure totalement sublime dans son engagement dramatique et musical. La direction nuancée et respectueuse de Philippe Jordan Sous la baguette du patron de l’orchestre de l’Opéra de Paris Philippe Jordan, qui donne de la partition d’Offenbach toute la richesse des influences mélodiques, légères ou graves, l’Américaine Kate Aldrich joue les vamps dans des fauteuils d’orchestre mouvants comme des vagues, incarnant une Giulietta évaporée et manipulatrice. Les costumes de Michael Levine offrent des satins moirés aux jeux de lumière et de miroirs en jouant sur la confusion entre le réel et le théâtre, rouge contre noir, blanc contre blond. L’opéra, un pied dans la tradition romantique, l’autre dans la débauche électrique naissante, explore ce frottement douloureux entre deux époques en valsant avec les mythes féminins. Hélène Kuttner [Crédits photos © Julien Benhamou-Opéra National de Paris] |
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