Richard Wagner – Marek Janowski
Le Philhar retrouve Wagner, après ici et là, et commence l’année en fêtant le bicentenaire de la naissance du compositeur allemand. Cette fois-ci, c’est un panaché de six opéras différents (dont un seul de la tétralogie), plus le Siegfried-Idyll, le tout sur deux concerts.
C’est devant une salle pleine que s’est ouvert le concert de vendredi soir, le public étant venu pour retrouver également Marek Janowski, directeur musical de cet orchestre entre 1984 et 2000.
L’ouverture du Vaisseau Fantôme, œuvre peu utile au programme, aurait pu nous être épargnée, au profit d’un acte entier d’opéra. Ce fut toutefois une très belle interprétation. Le chef dirige par cœur. Très grande précision d’attaque dans cette œuvre de la tempête. Un souffle unique la traverse et emporte l’auditeur.
Lohengrin, ensuite. L’enchaînement des préludes de l’acte I et de l’acte III fait un peu pot-pourri. Les sonorités du premier prélude sont très belles, étonnamment chaleureuse pour ce prélude connu pour ses teintes pâles. Celui de l’acte III est pris dans un tempo rapide. La dynamique est magistrale, et témoigne de la virtuosité de l’orchestre.
La scène 1, chantée entièrement par le chœur de Radio-France est belle, puis vient la scène 2, le fameux dialogue entre Elsa et Lohengrin, clou du concert. Stephen Gould, en Lohengrin, avait chanté Tristan l’année dernière au TCE. Son timbre est ce soir un peu tendu, mais il fait preuve d’une belle présence dans une acoustique de la salle Pleyel pas toujours favorable aux voix. Annette Dasch chante une Elsa tourmentée. Son timbre est beau, un peu mat, mais la ligne mélodique est toujours parfaitement conduite. Elle investit totalement son rôle dramatiquement (rôle qu’elle connaît par cœur à la différence de son partenaire). Son “Hörtest du nichts ?” est magnifique.
On reste donc sur notre faim à la fin de cette scène d’une vingtaine de minutes, et aurions préféré au moins l’acte entier.
En mêlant extraits chantés, et pages orchestrales connues, on essaie de satisfaire à la fois les auditeurs pour qui Wagner ne se conçoit réellement que dans la durée à l’opéra, et ceux n’appréciant que les ouvertures et préludes célèbres. Ce sont ces derniers qui l’emportent devant la brièveté des passages chantés.
L’ouverture de Tannhäuser suivie du ballet de la version parisienne est rarement donnée en concert. C’est donc une curiosité. L’extrait dépasse ainsi les vingt-cinq minutes. Le son plein de l’orchestre est magnifique. Quelle puissance ! Il atteint ici presque la perfection. Nous n’avons jamais entendu un Tannhäuser donné avec une telle passion enivrante, et une telle précision technique. Le chœur intervient en coulisses, à la fin, derrière des portes fermées. On l’entend donc peu.
Vient ensuite le prélude et la mort d’Isolde. C’est un peu trop après ce que nous venons d’entendre. Le prélude est moins précis dans la superposition des lignes mélodiques, mais la dynamique est haletante et envoûtante. Violetta Urmana (récemment entendue ici et là) en Isolde est en revanche une déception. Sa voix est pleine mais finalement fait preuve de peu d’amplitude dans son phrasé. Cela reste très brut, très projeté. Nous traversons ainsi cette mort d’Isolde avec presque aucune émotion.
Le sur-lendemain devant une salle un peu clairsemée (nous sommes dimanche après-midi) le concert ouvre sur un extrait du troisième acte de Parsifal, l’Enchantement du vendredi saint. Là encore, le brièveté de l’extrait est frustrante. Albert Dohmen en Gurnemanz a un beau timbre mais peu profond. Stephen Gould en Parsifal est meilleur que l’avant-veille en Tristan car il y a plus de retenue dans le rôle. Ses limites semblent donc ici plus naturelles. L’orchestre est toujours aussi bon dans l’Enchantement proprement dit et le thème de hautbois est magnifique.
L’air chanté par Dohmen “Ihn selbst Kreuze” est très beau. On en voudrait encore…
Le Siegfried-Idyll est interprété avec un orchestre de quarante cordes. C’est ce qu’il faut faire dans une salle de cette taille. L’équilibre obtenu est excellent, et cela permet aux cordes les plus beaux phrasés dans des nuances piano. Le tempo initial est rapide (ce qui est le cas dans les versions enregistrées les plus anciennes), et les variations de tempo guidées par Janowski sont toujours pertinentes et parfaitement exécutées.
Enfin, pour clôturer ce second concert de plus courte durée, le Scène de l’immolation chantée par Brünnhilde, autrement dit, les trente dernières minutes du Ring. C’est à nouveau Violetta Urmana qui s’avère beaucoup plus propice à la fièvre de Brunnhilde qu’à la sérénité de la mort d’Isolde. L’orchestre est flamboyant et la chanteuse incarne son rôle avec justesse.
Les musiciens sont très applaudis, et offrent des fleurs au chef qui fut leur directeur musical pendant quinze ans.
Vendredi 4 janvier 2013 à 20h
Le Vaisseau fantôme : Ouverture
Lohengrin : Préludes des actes I et III, scènes 1 et 2 de l’acte III
Tannhäuser : Ouverture et Venusberg
Tristan et Isolde : Prélude et mort d’Isolde
Annette Dasch, soprano
Violeta Urmana, soprano
Stephen Gould, ténor
Chœur de Radio France
Robert Blank, chef de chœur
Orchestre Philharmonique de Radio France
Marek Janowski, direction
Tarifs : 85 // 65 // 45 // 30 // 10 €
Dimanche 6 janvier 2013 à 16h
Parsifal : Enchantement du Vendredi Saint
Siegfried idyll
Crépuscule des Dieux :
Voyage de Siegfried sur le Rhin
Marche funèbre
Scène de l’Immolation
Violeta Urmana, soprano
Stephen Gould, ténor
Albert Dohmen, basse
Orchestre Philharmonique de Radio France
Marek Janowski, direction
Ces concerts seront diffusés en direct sur France Musique dans le cadre de l’UER.
Salle Pleyel
252, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
[Crédit photo : Felix Broede]
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