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Randy : “Mon cerveau avait une idée, je fonçais dedans”

Lison THIBAUD 12 mars 2021
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Rencontre avec un jeune rappeur rennais, dont l’énergie et l’univers ne demandent qu’à être découverts. Les mille et une inspirations de cette jeune tête pensante vous mèneront au joyeux croisement de la vivacité instrumentale et de la justesse des punchlines. La recette idéale pour un rappeur dont les influences n’en sont que plus justifiées.

Ton premier son, Joy O’Clock, est sorti il y a maintenant trois ans. Comment situerais-tu ton évolution depuis ?

Il faut savoir que quand Joy O’Clock est sorti, rapper était vraiment quelque chose de récréatif pour moi. C’est toujours quelque chose de récréatif mais je pense que je suis désormais beaucoup plus sérieux dans ma démarche, j’essaie vraiment de transmettre ma vision du monde et de la vie à tout le monde, de la meilleur façon possible. C’est pour cela que je travaille avec des gens que j’adore et qui comprennent mon délire, et c’est ce qui fait que mon œuvre est plus représentative de moi-même, ce qui la rend à la fois plus atypique et plus cool. J’ai toujours trouvé que le rap avait une dimension sportive où plus tu rappes, plus tu deviendras chaud, et j’ai fait que rapper donc je suis devenu plus chaud. (Rires)

Depuis le confinement de mars dernier tu as sorti beaucoup plus de sons, trouves-tu que ce confinement a été bénéfique pour tes créations ? Comment as-tu réussi à palier le manque d’inspiration ou l’ennui ?

Je ne sais plus où j’avais vu ça mais il y a une citation qui dit : “La restriction dédouble la créativité”, et c’est exactement ce qui m’est arrivé. Je n’ai jamais été aussi créatif que pendant le confinement. Il n’y avait plus la vie sociale, alors je me suis tourné vers d’autres moyens de création, j’ai fait des doublages, des mini-vidéos, j’ai dessiné, j’ai fait des prods, je me suis mis plus sérieusement au beatmaking… Ça a vraiment décuplé ma créativité. Comme j’avais le temps et que j’arrivais à gérer avec les cours, j’en ai profité pour m’y mettre à fond, et c’est ce qui fait que j’ai sorti autant de choses. Mon cerveau avait une idée, je fonçais dedans. Ma créativité pendant le confinement c’était mon meilleur pote, il n’y avait jamais un moment où je n’avais pas d’idée. Je voulais toujours faire quelque chose, c’est ce qui a fait que j’ai pu m’améliorer dans le son et en sortir autant.

Dans tes sons, tu cites beaucoup de références aux mangas ou à Matrix. Comment décrirais-tu ces influences ? Comment te font-elles avancer ?

Maintenant que j’ai 18 ans, je suis beaucoup plus orienté Seinen. Ça parle de sujets assez sérieux, ça peut parler de tout, de la guerre comme de choses encore plus sombres et plus complexes. Mais il y a aussi les Shōnen, et les Shōnen… Ah ! Je pense que les Shōnen c’est quelque chose qui exalte : le fait d’aller à fond, d’aller toujours plus loin, la motivation de vivre. Les Shōnen, c’est l’exaltation de la vie. Je crois qu’en lisant tous ces mangas petit et même encore maintenant, j’en tire une énergie, une sorte de force motrice qui me fait avancer et j’adore. Dans les Shōnen il y a aussi beaucoup d’action, il y a des attaques qui sont effectuées par les personnages principaux ou secondaires et ce sont des superbes images pour ma musique. Ça donne de la plus-value à mon texte, des images vives. Il faut savoir que les héros dans les Shōnen ont toujours un objectif, un rêve. Ça fait donc une métaphore toute trouvée : mon rêve à moi par exemple, c’est d’être un grand rappeur alors je vais m’entraîner, écrire, travailler mes textes, ma voix, mes punchlines, comme Luffy travaillerait ses poings. Matrix j’adore parce que ça mêle le divertissement de haute qualité à une réflexion assez profonde. Il y a tellement de niveaux de lecture dans Matrix. C’est aussi un film qui m’a poussé à aller regarder des choses qui au premier abord ne m’attiraient pas, et ça a été un bon point d’entrée pour rendre la philosophie intéressante à mes yeux, c’est pour ça que je le cite tout le temps. Je le cite aussi parce que je trouve que la métaphore de la matrice marche bien, parce qu’être le seul “réveillé” qui défonce des agents comme Neo, ça marche hyper bien. Ça montre que tu es à contre-courant, unique, que tu fais ton truc à toi.

Tes deux derniers clips sont beaucoup plus minutieux. Que représentent-ils pour toi et comment fais-tu pour les intégrer pleinement aux sons ?

Je tiens d’abord à remercier 11.43 Prod, un collectif de clip makers composé notamment de Bartleby, Kurancanto et Losboi, ainsi que Noé qui s’occupe du montage. Ce sont eux qui m’aident à faire ces clips. Bullet et Tempête De Snow, je les ai clipés en mode “vas-y filme moi en train de rapper, on rajoutera des effets stylés”, il n’y avait pas vraiment de direction que j’avais envie de prendre. C’est quelque chose sur lequel je réfléchis davantage maintenant que j’ai sorti mon premier projet, que j’ai fait mes premières erreurs. Je vais vraiment pouvoir aller à fond dans mes idées et donner une identité particulière à ma musique. Les trois premiers clips que j’ai faits pour l’instant sont assez basiques, c’était vraiment pour être vu sur YouTube et proposer du contenu. Mais ça va être beaucoup plus orienté artistiquement désormais, beaucoup plus minutieux. Attendez-vous, non pas à mieux parce que je ne sais pas si ça va être mieux, mais à quelque chose de beaucoup plus travaillé à l’avenir.

Tes sons commencent souvent en anglais, as-tu l’intention d’en faire un entier en anglais un jour ? Si oui, quels sont les artistes américains qui t’influencent le plus ?

J’ai déjà fait un son entièrement en anglais mais je ne sais pas s’il va sortir. Pour parler des influences ça va de Kendrick Lamar, qui m’a beaucoup influencé et dont j’adore le travail, à DaBaby pour les visuels. Je trouve qu’il a un univers qui correspond vraiment à ce que j’essaie d’atteindre, ce côté un peu cartoon, jovial, insouciant, humoristique sans pour autant devenir un clown. Il a également le Wu-Tang Clan, Tupac pour la vibe et la création d’une atmosphère, l’émotion dans l’interprétation, Notorious B.I.G. pour la technique, il y a Nas aussi. Puis il y a les grands classiques : Jay-Z pour le côté un peu mafieux stylé, ego trip poussé à la mort, OutKast pour le côté totalement unique. Joey Badass aussi parce qu’il ramène un peu ce délire 90s au goût du jour. Tyler The Creator, juste pour la variété de ce qu’il fait, cette idée de se produire tout seul… Il y en a trop ! 50 Cent pour ses toplines incroyables, Dr. Dre pour son travail de minutie, Eminem pour sa folie, notamment sur ses trois premiers albums (The Slim Shady EP, The Marshall Mathers LP, The Eminem Show). Travis Scott bien évidemment, ce côté fantaisiste psychédélique j’adore. Je vais m’arrêter là mais il y en a encore plein. Je pense que tout ce que j’écoute m’influence, ça se ressent dans ma musique et ça se ressentira toujours dans ma musique. Le but c’est de prendre toutes mes influences et de réussir à créer mon univers : l’innovation par l’inspiration !

Dernière question : tu es assez actif sur les réseaux sociaux et toujours en préparation de nouveaux projets, alors quelle est la suite ? Un EP, un album ?

Je pense que j’ai sorti mon premier projet un peu trop vite, j’aurais dû attendre d’avoir une “identité musicale” plus prononcée pour que le projet soit plus unique, qu’il propose vraiment quelque chose d’intéressant. Donc ce qui va se passer là, c’est que je vais travailler à fond et sortir des singles beaucoup plus proches de ce que je veux faire en matière de musique. J’ai toujours un projet en tête et si tout se passe bien, peut-être la WARM UP TAPE Vol.2 mais je n’ai pas de date pour l’instant. Je travaille aussi les prods, comme ça je vais pouvoir commencer à me produire moi-même, faire mes propres instrus. Et surtout, je travaille avec des gens que je kiffe donc la suite c’est de continuer à faire du bon son et voir où ça nous mène.

 

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Propos recueillis par Lison Thibaud

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