Sortis de nulle part, César, Cléopâtre, Ptolémée et toute leur troupe débarquent sans prévenir dans un musée imaginaire où va se jouer leur conflit générationnel. L’idée n’est pas mauvaise et rappelle La nuit au musée avec Ben Stiller.
Mais nous sommes loin des Etats-Unis et c’est bien dans l’Égypte ancienne (et contemporaine) que se situe l’intrigue. Pourtant, on ne peut dissocier l’univers cinématographique de cette mise en scène. Le principe mis en place par Laurent Pelly n’est pas sans évoquer celui de Sofia Coppola lorsqu’elle réalise Marie-Antoinette. Les deux artistes reprennent à leur compte des faits majeurs de l’histoire pour mieux les ancrer dans la réalité actuelle. Chez Coppola, c’est à travers des baskets « Converses » tandis que l’on trouve chez Laurent Pelly divers détails comme des caisses de transport, un extincteur ou encore des néons blancs et un monte-charge : normal, nous sommes dans un musée.
Le duo Pelly-Dessay
Laurent Pelly et la soprano Natalie Dessay se connaissent depuis longtemps. Ils ont l’habitude de créer des séquences absurdes comme lorsque la soprano chante en repassant des chemises, dans une brouette ou ici sur un diable de manutention. Leur complicité est telle que la chanteuse a même acceptée pour Giulio Cesare de venir chanter pratiquement nue, si séduisante dans une toge en soie fine conçue comme tous les costumes par Pelly himself. Pour une femme de sa stature et à la renommée internationale, c’est un beau défi que l’on salue et qui fera plaisir aux spectateurs qui pourront découvrir cette production au cinéma.
7 février 2010
Cette date marquera un tournant pour la France. Pour la première fois, une production de l’Opéra National de Paris sera diffusée en direct dans les salles UGC. C’est un petit pas pour les puristes, un grand pas pour le public. Il s’agit en effet d’une aubaine sans précédant pour découvrir l’art lyrique.
En effet, les œuvres de Haendel proviennent d’un répertoire difficile à adapter sur scène puisqu’elles durent longtemps et comportent nombre d’air avec reprise dite « Aria da capo ». Ce qui est un atout pour un chef d’orchestre et un chanteur grâce à ses ornementations choisies et chose plus difficile pour un metteur en scène
Le parti pris de Laurent Pelly est pour sa part différent… mais tout aussi assumé. Seul problème, un manque de grâce et de volupté qui caractérise pourtant tant l’œuvre de Haendel se fait ressentir à l’exception de certains passages (les plus dramatiques) où la magie prend grâce à un beau jeu de lumière signé Joël Adam. C’est le cas lors des airs de Sexto, lors du retour de César au dernier acte et lors du fameux « Piangero la sorte mia » de Cleopatre.
Chaud et froid
Vocalement parlant, les femmes s’en sortent mieux que les hommes. Celle qui émeut particulièrement est la jeune mezzo-soprano Isabel Leonard dans le rôle de Sextus, métamorphosée en Alix, héros de la bande-dessinée de Jacques Martin et au look de l’actrice Carey Mulligan. Le Cesare de Lawrence Zazzo est quant à lui trop variable et passe constamment de l’aigu au grave, ce qui lui porte préjudice bien qu’il étonne par sa présence physique. La scène où il « danse » autours de divers tableaux d’époques en est un bon exemple. Le passage très XVIIIème siècle où Natalie Dessay intègre le cadre d’un tableau qui devient vivant devant le public est aussi très « pellynien », donc bonne trouvaille. La soprano change enfin de registre et parvient à ne pas trop en faire et à émouvoir bien qu’un détail chiffonne…
Que cela soit dans La Somnambule de Bellini l’année dernière, lors de la première de ce Giulio Cesare et trois jours plus tard, Natalie Dessay a été obligé de reprendre un air dû à une extinction de voix. On connaît la difficulté d’un tel rôle et on peut comprendre ces fautes malheureuses. A ce propos, il était étonnant d’entendre des voix dans les couloirs de l’Opéra Garnier affirmer que ce genre de faute était volontaire… Il reste que sa reprise lors de l’air « Da tempeste il legno infranto » est maîtrisé et que le dynamisme qui lui est propre demeure sans faille. Les aficionados d’Emmanuel Haïm et de son ensemble du Concert d’Astrée qui aime tant les ornementations enlevées seront quant à eux au même diapason tout comme l’ensemble de la salle qui n’y trouvera enfin aucune querelle.
Edouard Brane