Pétillante Dorothée Gilbert dans Casse-Noisette
En 2007, vous étiez nommée Etoile dans le rôle de Clara que vous interprétiez pour la première fois. Dans quel état d’esprit reprenez-vous le rôle aujourd’hui?
Dorothée Gilbert : Je suis plus confiante. D’une part, parce que lors d’une reprise, on ne repart pas de zéro. On retrouve le rôle pratiquement là où on l’a laissé, ce qui permet de le construire encore davantage et de le nourrir de nos nouvelles expériences dansées. Et puis, maintenant, je sais à quoi m’attendre ! Je connais le ballet, qui n’est pas un des plus faciles de Noureev. Le grand pas de deux du deuxième acte est très académique et, même si j’aime la technique, j’appréhendais ce passage.
Depuis que j’ai été nommée Etoile, je me sens libérée. Je n’ai plus l’impression de devoir prouver que je suis capable. Je suis quelqu’un de plutôt positif et je sais qu’il ne sert à rien de « se mettre la pression » ; cela ne fait pas danser mieux, au contraire. Ce qui compte, c’est d’être en accord avec soi-même, de travailler le plus possible et de se présenter dans les meilleures conditions. À partir du moment où l’on fait confiance à son travail, on peut être serein et se laisser aller sur scène, s’amuser, procurer des émotions au public… Je suis heureuse en scène, on y vit des choses impossibles dans la vie de tous les jours : tuer, mourir, renaître, être méchant, gentil, vieux, jeune… C’est une telle liberté !
Grand Ballet du répertoire, Casse-Noisette est considéré comme un “morceau de bravoure”. Comment y étiez-vous préparée?
Elisabeth Maurin avait appris les variations à l’ensemble des « Clara » réunies. Puis chacune avait été répartie auprès d’un répétiteur. C’est alors Clotilde Vayer qui m’avait fait travailler. Manuel Legris, mon partenaire, était aussi très présent, il me corrigeait et me guidait sur scène. Au début du ballet, Clara est une enfant comme toutes les autres, joyeuse, vive… Elle s’endort et, dans son rêve, s’éveille peu à peu à la féminité. L’interprétation du personnage se fait assez naturellement. Peut-être, parce que je suis restée proche de l’enfance et que je n’ai pas l’impression de me forcer. Finalement, j’ai davantage de difficultés à jouer la femme mûre, calme, posée du dernier pas de deux !
C’est un ballet gai, joyeux, parfait pour les fêtes de Noël, avec l’ensemble de la Compagnie, des décors fabuleux, les flocons, le chant des enfants, des pas de deux majestueux… En revanche, c’est un ballet assez long. Le dernier pas de deux arrive à la toute fin, quand on commence à être bien fatigué. Heureusement, la musique est si sublime et envoûtante qu’elle nous porte, au point d’avoir l’impression de ne plus être physiquement présent, d’être comme en apesanteur.
Casse-Noisette réunit sur scène les élèves de l’école de danse et le ballet de l’Opéra. Vous-même, petit rat, vous avez dansé ce ballet. Quels souvenirs en gardez-vous?
D.G.: A l’Ecole de Danse, j’interprétais un petit garçon. Je me souviens que j’aurais préféré avoir les cheveux lâchés et de jolies robes comme mes camarades… Mais c’était surtout une expérience inoubliable. C’était à Garnier. J’adorais notre loge, celle des choristes, immense… A l’Ecole, à Nanterre, les élèves sont séparés de l’ambiance du théâtre, du Corps de Ballet et des solistes. Là, on allait en coulisses, se cacher dans un petit coin pour voir les Etoiles danser. Je me souviens d’Elisabeth Maurin qui était extraordinaire dans le grand pas de deux. Manuel Legris dansait le rôle de Drosselmeyer. C’est une belle image de cette transmission propre à notre métier. Petite, j’étais sur scène avec de grandes Etoiles puis, j’ai été nommée avec Manuel Legris qui était à mes côtés pendant l’apprentissage du rôle… Aujourd’hui, les élèves sont sur scène autour de moi, même si je ne me rends pas bien compte que je suis à la place de l’Etoile que j’admirais tant, petite. C’est ce qu’il y a de beau dans la danse : tout s’entrecroise, se mêle, l’expérience des aînés nourrit les plus jeunes. On apprend beaucoup, toujours et cela reste un art vivant.
Propos recueillis par Inès Piovesan,
Pour le magazine En Scène ! Le journal de l’Opéra National de Paris
A retrouver sur le site de l’Opéra National de Paris
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