La musique contemporaine étant un « marché » fermé entièrement subventionné, les choix de programmation sont le fait de décideurs culturels dont on a parfois du mal à comprendre le mobile, et la légitimité. Les choix du Festival Présences semblent s’être récemment consacrés à des compositeurs susceptibles de faire consensus entre les différentes tendances.
C’est devant une salle à moitié vide (c’est une question de point de vue, la salle est peut-être trop grande, les balcons supérieurs sont d’ailleurs fermés) que l’Orchestre Philharmonique de Radio-France prend place pour le quatrième concert de la manifestation, et deuxième avec orchestre symphonique. Les concerts sont désormais payants, sauf pour les moins de 28 ans. Le public est cependant plus vieillissant qu’à l’époque où le festival se tenait à la Maison de la Radio.
Incipit (Sum n°1), est issue d’un « ensemble de quatre pièces pour orchestre qui rendent chacun hommage à un mouvement de la symphonie en tant que forme (…). Incipit, ainsi, rend hommage au mouvement initial. »
D’une durée d’une dizaine de minutes à peine, cette œuvre se montre de facture très simple. Elle s’organise autour d’un point de fixation, une note répétée quatre fois à la trompette, le do# initial de la Cinquième Symphonie de Mahler, qui revient imperturbablement de façon plus ou moins espacée. On note le goût pour le collage, les glissandos, et pour l’imitation, comme en écho, mais sans observer de lois harmoniques particulières.
À l’exception d’un léger accelerando dans la première moitié, l’œuvre semble se fixer sans véritable progression discursive. Puis, subitement, elle s’arrête.
Certains éléments se répètent, mais toujours en étant quelque peu transformés, ou mêlés à un autre élément.
Les multiples citations, le plus souvent furtives, sont le caractère réel de la pièce, mais également au fondement du style du compositeur, si l’on en croit les deux autres oeuvres inscrites au programme.
Elles posent la question du drame, et de l’humour en musique : « Dans mon cas (…), les références sont si nombreuses, que le discours finit par devenir aussi visuel qu’acoustique. C’est une manipulation de l’auditeur, un jeu avec son vécu. Pour moi, c’est le moyen le plus efficace de créer un sens. »
Le Concerto pour violon et Orchestre Trois caprices de Paganini, est en trois mouvements : vif, lent et vif, chacun construit sur un Caprice.
Les arpèges gettato du premier se déploient par des imitations dans tout l’orchestre, et des juxtapositions d’éléments dérivés, de type « nuées ». Mais on ne ressent aucune nécessité ; c’est ainsi, ça pourrait être autrement.
Le deuxième mouvement est construit autour du Caprice n°6, avec double-cordes et trémolos. On a donc des trémolos, aux bois. Le troisième procède a plus de collages. Chaque variation du 24e Caprice donne lieu à un “sketch” orchestral. On pense à la musique de Singier.
Le public ne rit pas beaucoup, mais applaudit la violoniste Latica Honda-Rosenberg.
Scherzo (Sum n°3) est issue du même cycle que la première oeuvre, et consacrée donc au troisième mouvement de la symphonie classique.
Mouvement également très bref, fait d’une citation de sonate de Schubert au piano, et d’autres ailleurs, de glissandos nombreux, et de motifs répétés en boucle, mécaniquement.
Le Chant du Rossignol de Stravinsky clôt le concert. L’Orchestre Philharmonique de Radio-France programme donc encore un compositeur russe cette saison. C’est l’une des oeuvres les plus modernes du compositeur. Dans la Marche Chinoise qui ouvre l’oeuvre, l’énergie transmise par l’orchestre est fantastique. Le second mouvement, d’une écriture plus décousue, est certainement plus difficile, mais l’orchestre s’en sort bien, dans une acoustique plus sèche que celle à laquelle il est accoutumé.
Les musiciens et le public applaudissent le chef russe
Dima Slobodeniouk.
Oscar Strasnoy, Incipit (Sum n°1), création mondiale
Oscar Strasnoy, Concerto, pour violon et orchestre, création mondiale
Oscar Strasnoy, Scherzo (Sum n°3)
Igor Stravinsky, Le Chant du Rossignol
Latica Honda-Rosenberg,
violon
Orchestre Philharmonique de Radio-France
Dima Slobodeniouk, direction
Samedi 14 janvier 20h
Tarif : 15 €
Gratuit pour les moins de 28 ans
Concert enregistré par France Musique
Place du Châtelet
75001 Paris
[Crédit photo : Guy Vivien]