Oasis – Chronique d’une mort annoncée
Incompréhension pour les uns, soulagement pour les autres, la fin d’Oasis crée un réel débat et laisse un goût amer. Auraient-ils dû monter sur scène malgré tout ? Auraient-ils du l’annoncer plus tôt ? Des questions éphémères relayées par une interrogation fondamentale : Peut-on réellement prétendre être surpris par l’issue du groupe de Manchester ? A l’été 2009, Oasis aborde la dernière ligne droite d’une tournée éreintante débutée un an plus tôt. Europe, Asie, Amérique du Nord, Océanie… Le quintette parcourt le monde entier à un rythme effréné et semble plus fort que jamais avec un line-up (encore) modifié après l’arrivée de Chris Sharrock (batterie) en remplacement de Zak Starkey. En bref, une nouvelle épopée à succès pour des quadragénaires désormais bien dans leurs cocons familiaux respectifs. Oui mais voilà, les relations entre Liam et Noel se détériorent au fil des voyages et cette tournée commence à battre de l’aile. Jusque là, rien d’anormal, si ce n’est la répétition de ces éternelles chamailleries (débutées dès 1994 lors de la promotion de « Definitely Maybe » aux US) qui annoncent une rupture inéluctable. La fraternité n’aidant pas à rendre les deux partis objectifs, les deux frères commencent à se tirer des balles à vue via Twitter. Sur scène, ils ne se regardent même plus.
La fin d’un cycle
Au-delà de toute considération chaotique propre à un groupe de rock, le temps à lui seul peut tuer. Habitude, lassitude, divorce. Une équation vérifiée chez de nombreux groupes de rock depuis des décennies. Et puis, les Oasis avaient t-ils encore quelque chose à prouver ? Pouvaient-t-ils encore sortir des titres du calibre de Supersonic, Some Might Say, Champagne Supernova ? Indéniablement, ni l’un ni l’autre. Début 1995, alors que les mancuniens jouent encore dans des salles à taille humaine, le succès de « (What’s The Story) Morning Glory » (sorti au mois d’octobre de la même année) les mène vite au Earl’s court de Londres avant de les propulser au Stade Main Road de Manchester (renommé depuis), et de jouer dans les lieux démesurés de Loch Lomond et Knebworth Park* en Août 96. Difficile donc de prouver quelque chose une fois installés sur le toit du monde.
Tony Blair, symbole du Folklore ambiant
Attendu au tournant dès 1997 pour la sortie de « Be Here Now », Noel Gallagher ne se démonte pas et revendique un song-writing différent où la démesure est reine. Un disque où la gigantesque production et les titres fleuves sont privilégiés au détriment de mélodies formatées. Composé dans un cadre de paillettes où drogues et Rolls avec chauffeur sont de rigueur, ce troisième disque mésestimé est déjà la preuve du folklore ambiant qui entoure les natifs de Manchester. Pendant que Liam alimente la presse people par ses frasques, Noel s’embourgeoise et va rendre visite au premier ministre Tony Blair au 10, Downing Street. Voilà pour le décor d’une success-story atypique qui commence à battre de l’aile en 2000 à la sortie de l’album “Standing On The Shoulder of Giants”. A cette époque, la légitimité du groupe baisse, les ventes chutent, et les incidents diplomatiques reprennent comme à la belle époque. Symbole de l’ambiance délétère, Noel Gallagher met les voiles en mai 2000, remplacé au pied levé par Matt Deighton. Seulement présent pour assurer la tournée des stades britanniques, ledit Noel critique abondamment son frère après un concert catastrophique à Wembley. Une fin annoncée pour le groupe qui se relève une fois de plus en préparant harmonieusement “Heathen Chemistry”, sorti en 2002.
Cette fois, toutes les plumes du groupe sont les bienvenues et donnent au disque un ensemble cohérent, suivi d’une promotion presque sans encombre, un petit miracle de bon présage au moment de retrouver Oasis sur “Don’t Believe The Truth” trois ans plus tard. Cette fois, le cadet de la fratrie confirme ses talents de compositeur, suivi par Gem Archer et Andy Bell, pas en reste de mélodies imposantes. Plus démocratique dans l’ouverture du groupe mais toujours aussi despotique au moment de revendiquer son statut de big boss, Noel s’empare des trois meilleures titres de l’album au chant. Pour la tournée de ce sixième acte, pas de réels problèmes majeurs à signaler si ce n’est le comportement lassant d’un Liam persuadé d’être la réincarnation d’Elvis… Et puis arrive “Dig Out Your Soul” en 2008. Désormais posés en bons pères de famille, chacun des membres d’Oasis apporte sa pierre à l’édifice et enregistre tranquillement aux studios d’Abbey Road en compagnie de Dave Sardy (Marylin Manson) pour un résultat -très- surprenant. DOYS est un bon disque, truffé de bonnes idées dans la réalisation et la production. Néanmoins, pas de Slide Away ou de Live Forever à recenser et c’est peut-être là le grand dam du groupe, incapable de renouveler la fascination d’antan.
Le split final
A la fin de l’été 2008, tout ce petit monde repart sur la route et entame une tournée mondiale à succès après avoir écumé les petites salles pour ajuster une set-list qui n’évoluera presque plus. Attaché à un mur de son dont il a le secret, le gang redevient progressivement la machine de guerre imparable de l’année 96, celle capable de bouger les foules à coups de puissants accords et de refrains décisifs. En mai 2009, il livre une prestation monumentale au stade de River Plate (Argentine) qui arrache quelques larmes à un Noel Gallagher ému par le soutien sans faille du public local. Un instant de communion historique pour le hit-maker quelques semaines avant de connaître une fin elle aussi historique. Extérieurement, le groupe semble être sur le chemin de la rédemption depuis un an et définitivement éternel. Une apparence trompeuse, loin de la réalité. Initialement supportable, la guerre interne qui oppose Liam et Noel commence à prendre de l’ampleur et l’annulation du V Festival pour des causes -aujourd’hui encore- ambigües selle le destin du mythe à quelques encablures de Rock En Seine. On connait la suite…
Critiqués pour leur musique, taxés de plagiats et pointés du doigt à la moindre déclaration, les Oasis ont su régner sur la planète rock pendant dix-huit ans sans se soucier des autres et pour causes. Plus de cinquante millions de disques vendus, des hymnes planétaires, des tournées sold-out à travers le monde et une ligne de conduite toujours égale. Comme les plus grands, les deux teignes de Manchester ont marqué l’histoire de la musique de leurs empreintes. Contrairement à ces légendes déchues, le succès, la drogue et l’argent n’auront pas eu raison d’eux. Restait le temps, punitif. Et la fraternité, fatale.
* Concerts de Loch Lomond et Knebworth Park/ 400 000 personnes sur quatre dates au total
Olivier Cougot
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