Mozart – Bruckner – Orchestre Philharmonique de Radio-France
Le Concerto pour hautbois de Mozart est une des pièces les plus célèbres du répertoire pour hautbois ; ce qui n’en fait pas pour autant une œuvre célèbre. Le hautbois, instrument omniprésent de l’orchestre symphonique, est-il un instrument méconnu ? C’est avec une maîtrise exceptionnelle et un plaisir contagieux que François Leleux nous a fait entendre toute la palette expressive de son jeu.
Cette œuvre de jeunesse de Mozart, écrite peu de temps après les concertos pour violon, fut longtemps connue sous la forme d’un concerto pour flûte. Elle fut influencée par la découverte de l’orchestre de l’école de Mannheim. Les trois mouvements sont brefs et de facture très classique.
Le chef dirige par cœur, sans baguette, et semble très retenu — inutile ? — à côté de l’expressivité débordante du soliste. L’orchestre est réduit : deux hautbois et deux cors en plus des cordes.
François Leleux est un phénomène du hautbois. Hautbois solo de l’Opéra à dix-neuf ans, il devient Hautbois solo de l’Orchestre Symphonique de la Radio-Bavaroise, l’un des orchestres les plus réputés d’Allemagne, à vingt-et-un ans. Il est professeur à la Hochschüle de Munich.
Dès son entrée, il communique son enthousiasme dans la tonalité brillante de Do majeur. Il bouge son hautbois de droite à gauche, de haut en bas, et semble parfois presque danser. Les contrastes dynamiques sont magnifiquement exagérés, du pianissimo murmuré du registre aigu, aux notes claironnées du médium et du bas, pavillon à l’horizontal face au public. L’extrême virtuosité de la partition est dominée avec une légèreté, une insouciance, étonnante.
Le mouvement lent est d’une beauté profonde. Le soliste élargit ici sa palette par l’amplitude de ses phrases. Il fait notamment découvrir les graves magnifiques de son instrument, timbres d’une chaleur envoûtante, rarement entendus dans le répertoire orchestral. Quelque soit le registre, François Leleux semble capable d’opposer les dynamiques les plus contrastées.
Le troisième mouvement, attaca, relève du style galant du jeune Mozart. Comme dans les deux premiers mouvements, il s’achève par une cadence dans laquelle le soliste montre l’étendue de sa virtuosité.
Très applaudi, il interprète en bis une transcription de l’air de la reine de la nuit du deuxième acte de la Flûte Enchantée. Telle une trompette de l’apocalypse, le hautbois joue la fureur de la reine avec rage, pour le ravissement du public.
La Sixième symphonie de Bruckner est une des rares que le compositeur autrichien n’ait jamais retouchée. L’orchestre est très important. Les cordes graves sont particulièrement étoffées avec dix contrebasses. La particularité des vents est d’opposer à un petit groupe de bois par deux, un groupe imposant de cuivres par quatre.
L’orchestration s’annonce d’évidence comme non traditionnelle, car si elle l’était, les bois seraient inaudibles. C’est dans un parallèle avec l’orgue, instrument du compositeur, que l’on trouve la solution : si les bois ont une fonction soliste et se rapprochent du positif, les cuivres jouent le plus souvent en tutti, à la façon d’un choral, et peuvent se rapporter aux grandes orgues.
Le chef dirige cette oeuvre par cœur, avec baguette, d’une main de maître, et d’un calme olympien. L’économie des moyens employés est spectaculaire.
Dès le début, Myung-Whun Chung prend un tempo plus rapide que de nombreuses versions enregistrées. Les phrases ont d’abord peu d’amplitude et sont rapidement enchaînées, mais toujours avec une grande précision. Le mouvement donne lieu a une succession de crescendo qui attisent la tension dramatique par le ressassement des motifs. Le point culminant se situe au début de la ré-exposition, celle-ci est interprétée dès-lors avec une emphase toute différente du début de l’oeuvre, et l’on comprend alors les choix du chef. Les cuivres/grandes orgues nous laissent une impression prodigieuse.
L’orchestre fait preuve d’une intensité globale admirable durant tout le deuxième mouvement. Le chef arrive a obtenir de l’échange entre premiers et seconds violons des nuances très fines, très sensibles, notamment lors du deuxième thème.
Le Scherzo, qui n’a rien d’un scherzo traditionnel, est le mouvement le plus bref de la symphonie. Le chef impressionne par sa capacité à anticiper chaque phrase, sa battue semble toujours en avance.
Le quatrième mouvement conclut l’oeuvre, avec un second thème qui n’est pas sans préfigurer Mahler.
C’est sous les applaudissements généreux du public et des musiciens de l’orchestre que le chef Chung est venu saluer.
Laurent Torrès
Concerto pour Hautbois et orchestre en do majeur K. 285d (K. 314)
Wolgang Amadeus Mozart
Symphonie n°6 en la majeur
Anton Bruckner
François Leleux Hautbois
Orchestre Philharmonique de Radio-France
Myun-Whun Chung direction
Vendredi 23 septembre 2011 – 20h
Tarifs : 60, 45, 34, 22 et 10 €
Salle Pleyel
252 rue du Faubourg Saint-honoré
75008 Paris
M° Ternes
[Visuels : Chung Myung-Whun, 2008-09. ©Jean-François Leclercq // François Leleu. Crédit Uwe Arens Sony Classical, 2011]
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