Lalatiana – interview
Comment la musique est-elle entrée dans votre vie ?
Le chant occupe une place très importante dans la société malgache. En famille, entre amis, entre étudiants, on se rassemble souvent et facilement autour de la musique, parfois autour d’un feu. Et dans ma famille, tout le monde aime la musique, tout le monde en fait, en autodidacte. Je suivais presque partout mon père, qui était chef de chœur, aussi autodidacte. J’avais 5 ans quand j’ai chanté pour la première fois. Plus tard, en 86, ma toute première composition reçoit le prix découverte RFI. La petite malgache qui arrivait de l’océan indien s’est retrouvée à partager la scène avec des noms mythiques de la musique, comme Alpha Blondy. Depuis ce prix, je joue en solo, sous le nom de Lalatiana.
La musique que vous faites est très métissée.
Au tout début, je faisais de la variété. Puis, j’ai rejoint des groupes de jazz qui faisaient beaucoup de fusion. Puis j’ai continué à faire de la musique en mélangeant tout ce que j’ai ramassé sur mon pacours.
Pouvez-vous justement nous le raconter en quelques mots?
J’ai grandi à Madagascar. Mais les persécutions que j’ai subies lors des troubles politiques de 2002 m’ont forcée à l’exil. Je me suis retrouvée en France, à devoir tout reconstruire par moi-même, à devoir me débrouiller avec mes 10 doigts. Quand ma demande d’asile a été acceptée, j’ai finalement retrouvé une forme de stabilité, notamment grâce à la Cimade.
Comment votre exil a-t-il influencé votre rapport à la musique ?
La musique m’a aidée à tenir, malgré tout ce que j’ai traversé sur mon chemin d’exil. Elle m’a aidée à avancer, sans m’enfoncer. Sans elle, je ne serais pas debout. Et encore aujourd’hui, la musique me nourrit, me fait vivre, humainement – ce que j’écris, ce que je compose, ce que j’écoute, celles et ceux qu’elle me fait rencontrer.
D’un point de vue plus musical, l’exil a ouvert l’horizon de mes influences. C’est peut-être autant le fruit de ma présence à Paris que de l’évolution des techniques de communication, mais depuis que je suis à Paris, je découvre toujours plus de couleurs musicales, d’ici et d’ailleurs.
La musique vous permet-elle aussi de vous rapprocher de l’île que vous avez dû quitter ?
Oui, mais pas seulement. Je me sers de beaucoup de choses pour me rapprocher de mon pays. De la nourriture à la musique, en passant par différents livres qui racontent quelque-chose de mes traditions. Mon pays m’a reniée à un moment de son histoire, mais je n’arrive pas à le renier pour autant. Au contraire. J’essaye de le comprendre, de m’en rapprocher, par tous les moyens, et la musique nous a à nouveau réunis. …
Et cette musique que vous composez, que vous écrivez, d’où s’inspire-t-elle ?
De que je vois, ce que je vis, ce qu’une amie peut vivre, d’une réflexion qui traîne dans un coin de ma tête, et que j’ai besoin d’accoucher sur le papier. D’après ceux qui m’écoutent, il y a de la mélancolie et de la nostalgie dans ce que je chante, plus particulièrement la nostalgie du pays que j’ai quitté. C’est vrai que j’aime parler de la richesse de ce pays, en termes de valeurs humaines, de diversité culturelle ou même naturelle. J’aime aussi parler d’amour, sous toutes ses formes.
Votre prochain concert (ndlr: vendredi 22 novembre, sur la péniche Antipode) se fera dans le cadre du festival Migrant’Scène, consacré à la question des migrations au féminin. Pensez-vous que la musique et l’art sont plus à même de créer du lien autour d’enjeux solidaires ?
La musique est porteuse d’un message. Et elle peut créer des liens solidaires entre des personnes. Si on prend l’exemple de ma musique, elle peut réunir des personnes qui ne partagent pas les mêmes convictions, les mêmes origines, et qui surtout ne parlent pas la langue que je chante. Et pourtant, les gens me comprennent, l’émotion passe. Le langage de la musique est universel. En ce moment par exemple, je chante aussi dans un chœur de conservatoire. Je chante, sans comprendre les partitions ! Mais on n’a pas nécessairement besoin de papier pour faire de la musique. Pour atteindre l’autre, il suffit souvent de jouer ou chanter avec ce qu’il y a au fond de nous.
Lydie Mushamalirwa
@M_lydie
Lalatiana sur scène
Vendredi 22 novembre 2013
Entrée libre
Dans le cadre de Migrant’scène 2013
Festival de La Cimade
Jusqu’au 30 novembre en Ile-de-France
Programmation sur le site
Péniche Antipode
Face au 55 quai de la Seine
75019 Paris
M° Riquet
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