Mignon – Opéra Comique
L’argument de Mignon, qui tient de la quête initiatique, raconte l’histoire d’une jeune personne, surnommée Mignon, enlevée dans l’enfance à sa famille. Amnésique, timide, elle entre au service d’un jeune bourgeois de Munich Wilhelm Meister, après que celui-ci l’eut soustraite à l’exploitation d’une troupe de bohémiens. A la recherche d’elle-même, amoureuse de son sauveur qui n’a d’yeux que pour la ravissante Philine, une comédienne, Mignon échappe à la mort lors de l’incendie du théâtre dans lequel se produit sa rivale. Sauvée une seconde fois par le beau Wilhelm Meister, finalement épris de Mignon, les jeunes gens se réfugient en Italie dans un château en bordure du Lac de Garde. La magie du théâtre aidant, Mignon recouvre la mémoire et comprend que ce château est celui de son enfance !
Sous le Second Empire, le public se presse dans ces hauts lieux de sociabilité que sont les théâtres lyriques. Le goût de l’époque est au romantisme, rien est plus à la mode que de transposer les chefs d’œuvre de la littérature. Barbier et Carré, les librettistes de Mignon, l’ont bien compris, qui écriront les livrets de Faust et de Roméo et Juliette pour Gounod ou le Hamlet de Thomas… Ce livret-ci justemment est adapté des Années d’apprentissage de Wilhelm Meister de Johann Wolfgang von Goethe. Musicien consensuel, certainement plus représentatif de son temps que le jeune Berlioz, Ambroise Thomas nous sert ici une partition sans grande originalité, avec ce qu’il faut de romantisme et de lyrisme pour faire de cet opéra une réussite en son temps et un plaisir fugace à réécouter aujourd’hui dans le lieu même de sa création.
Dès l’ouverture, la note est donnée. François-Xavier Roth, à la direction musicale, mène avec plaisir les musiciens de l’orchestre, pour la première fois depuis le XIXème siècle dos à la scène et face au public. Tout y est juste et millimétré, la mise en scène de Jean-Louis Benoit est un régal de sensibilité et d’humour mêlés. Les décors sobres laissent la part belle dans le second tableau du deuxième acte à l’incendie qui ravage le théâtre dans lequel se produit Philine ; qui n’est pas sans faire écho à celui qui ravagea l’Opéra Comique en 1887, lors de la représentation de ce même opéra !
Les interprètes sont tous à la hauteur de leur rôle, l’accent d’Ismael Jordi dans les récitatifs, n’en déplaise aux récalcitrants, assure la part d’exotisme qui sied à cet opéra.Surtout lorsque de sa voix de ténor, il sert avec tant d’élégance le Rondeau de la scène IV de l’acte I : « Oui je veux de part le monde Promener librement Mon humeur vagabonde… ». Si les « prouesses pyrotechniques » de la partition reviennent à Malia Bendi-Merad, dans le rôle de Philine avec l’air de Titania notamment, on ne peut s’empêcher d’apprécier la douceur et l’émotion qui se dégagent de Marie Lenormand lorsqu’elle nous fait entendre avec toute la délicatesse de son timbre mezzo le si bel air de Mignon « Connais-tu le pays où fleurit l’oranger… ».
Au final, un opéra au charme suranné qui réserve d’excellents moments, mais des longueurs aussi, qu’il faut voir pour ce qu’il est : le témoignage d’une époque, d’un goût officiel et bourgeois qui fit recette en son temps et qu’il est bon d’entendre à nouveau dans le lieu même de sa création !
Karine Marquet
Mignon
Opéra en trois actes d’Ambroise Thomas
Direction musicale : François-Xavier Roth
Mise en scène : Jean-Louis Benoit
Décors : Laurent Peduzzi // Costumes : Thibaut Welchlin // Lumières : Dominique Bruguière // Chorégraphie : Lionel Hoche
Avec :
Mignon – Marie Lenormand
Wilhelm Meister – Ismael Jordi
Philine – Malia Bendi-Merad
Lothario – Nicolas Cavallier
Frédéric – Blandine Staskiewicz
Laërte – Christophe Mortagne
Jarno – Frédéric Goncalves
Un serveur – Laurent Delvert
Danseuses : Marie-Laure Caradec, Vinciane Gombrowicz, Aurélie Genoud, Caroline Savi
Accentus
Orchestre Philharmonique de Radio France
Production : Opéra Comique
Coproducteur associé : Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française
Introduction à l’œuvre 30 mn avant chaque représentation
Les 10, 12, 14 et 16 avril 2010 à 20h
Le 18 avril 2010 à 15h
Tarif A : 108, 87, 65, 40, 15 et 6 €
Opéra Comique
1, place Boieldieu
75002 Paris
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