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Mathilde Fernandez : “j’envisage l’expression artistique sous toutes ses formes et dans la totalité”

5 mai 2020
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© Raphael Lugassy

Mathilde Fernandez est issue du milieu des arts visuels. Curieuse et ouverte à toutes formes artistiques, elle enrichit son univers baroque par des collaborations avec divers artistes et sort son premier EP en décembre 2015. Rencontre d’une artiste qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

On commence par le plus triste, tu avais des liens avec Christophe, que représentait-il pour toi ?

J’ai rencontré Christophe peu après la sortie d’Hyperstition en 2018, nous avions tout un tas de gouts musicaux en commun, des trucs plus indus, techno… il aimait l’univers qui se dégageait de mon travail. De mon côté j’étais complètement fan en particulier de ses époques plus expérimentales comme “Paradis retrouvé”, “La Route de Salina” ou même plus récemment “Les Vestiges du chaos”.

Christophe représente pour moi l’éternelle jeunesse, la curiosité, un instinct rapide mêlé à une grande précision, toujours à l’affut du moindre son, du moindre objet, toujours prêt à capturer la beauté et à la passer à la moulinette !

Tu as une musique riche en sonorités, on te définit par tes envolées lyriques et tes sonorités électroniques, quelles sont tes références musicales ?

Il y a pas mal de choses différentes, j’ai découvert assez tôt Kate Bush, Klaus Nomi et Nina Hagen qui ont un peu “forgé” ma base, surtout pour la voix. J’ai beaucoup écouté les Beatles ou Gainsbourg, puis à l’adolescence j’étais une grande fan de Rammstein, Marilyn Manson, Nightwish… J’ai toujours écouté de tout, de la musique traditionnelle grecque, à Sylvie Vartan en passant par 3 Steps Ahead, et la musique de film de Nino Rota ou Angelo Badalamenti.

Tu as fait un tour aux beaux arts, à quel moment de ta vie as-tu décidé d’assumer ton choix de devenir une artiste ?

J’ai eu mon master à la Villa Arson à Nice et j’ai passé un an à la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève. À la sortie de l’école je bossais sur des productions d’arts vivants puis rapidement, j’ai tout lâché pour ne faire plus que de la musique. On pourrait dire que c’est à ce moment là. Bien qu’on ne devient pas artiste, c’est une nature, pas un métier.

Il y a un vrai personnage “Mathilde Fernandez ” qui cultive un certain mystère. Créer un personnage est une manière de te protéger ?

Je n’ai pas la sensation de devoir protéger quoi que ce soit, il y a certaines choses qui, à mon sens, ne méritent pas d’être montrées ou communiquées, qui ne sont pas raccord avec ma musique ni son univers. Il faut savoir conserver une forme de cohérence.

Ton EP « Final Vegas » cultive une métaphore autour des USA, qu’est ce que représente l’Amérique pour toi ? La conquête du monde musical ?

Depuis l’écriture de ces chansons, je crois que l’Amérique a pas mal changé…
Lorsque j’ai écrit “Live à Las Vegas” sorti en 2015, il y avait un fantasme volontairement naïf de la conquête du monde du show-business, le côté Hollywood, Vegas, paillettes etc…
Aujourd’hui les Etats Unis de Trump représentent une vrai menace dans l’équillibre mondial, des problèmes sociétaux monstrueux, ça craint total. Le fait d’avoir changé la couleur du drapeau en rouge sur la pochette de la réédition n’est pas là pour rien. Je crois qu’il n’y a plus aucune conquête à faire la-bas, un délire complètement has been.

Le fait de sortir une réédition de cet EP sur le label Bordel Records, et de remettre en lumière cet album, est-ce une démarche qui te tenait à coeur ?

Oui, je voulais au départ proposer une simple édition vinyle de “Live à Las Vegas” pour mon public qui me le demandait, puis j’ai rencontré Bordel Records qui m’a proposé un projet de réédition et re-masterisation de cet EP qui maintenant porte le nom de “Final Vegas”.

Peux-tu nous en dire plus à propos de ton duo avec Paul Seul, votre EP “Vierge” sort en septembre, comment s’est passé votre rencontre ? Est-ce une idée que vous aviez depuis longtemps ? 

Fan de Casual Gabberz et en particulier de Paul Seul, je l’ai contacté durant l’été 2018 pour lui proposer un remix de mon morceau “Oubliette”. Deux jours plus tard j’avais le remix dans ma boite mail et on s’est dit qu’il fallait continuer à bosser ensemble. Très vite nous avons eu envie de monter un nouveau projet à deux. Paul et moi avons toujours travaillé sur des projets collaboratifs, de mon côté avec “La Tendre Emeute”, “La Femme” ou d’autres encore, pour qui je chante sur certains morceaux.
Paul évidemment avec Casual Gabberz mais aussi avec Safia Bahmed Schwartz. Notre collaboration s’est imposée comme une évidence, le destin nous a envoyé l’un vers l’autre et c’est dans cet esprit qu’à démarré “Ascendant vierge”.

 

Quand on regarde ta carrière, on observe beaucoup de collaborations avec des artistes de différents milieux, c’est important pour toi de t’ouvrir à d’autres formes artistiques ?

Initialement je suis plutôt issue du milieu de la performance, des arts vivants. Notre travail avec Cécile a démarré sur de la direction créative pour les visuels d’Hyperstition mais nous avons continué en allant plus loin. Dans une forme entre performance, installation et commissariat d’exposition comme pour le projet ENSEMBLE que nous avons présenté fin 2019 au Palais de Tokyo.

Les catégories m’ennuient, on en fait vite le tour. J’envisage l’expression artistique sous toutes ses formes et dans la totalité, au moins là il y aura toujours quelque chose de nouveau à explorer, à pousser.

Ta performance en collaboration avec Cecile Di Giovanni dénonce les travers de la société et fait écho à l’actualité, peux-t-on te considérer comme engagé ?

On ne dénonce pas vraiment, on pose ça là. On se nourrit de l’actualité, de nos inquiétudes face à l’avenir et il y en a beaucoup ! Le projet Ensemble traitait de la peur de la disparition, de l’angoisse de devenir adulte ou de vieillir en 2020, de comment survivre maintenant, ensemble. Nous avons envisagé ces soirées comme des veillées auxquelles les gens venaient assister. Lorsque nous avons proposé ces performances avec les artistes invités, nous étions à Paris en pleine grève contre la réforme des retraites, dans une ville bloquée. Il régnait déjà une ambiance assez lourde.
Je ne sais pas si je peux me définir comme une artiste “engagée” mais plutôt comme “concernée” car lorsque l’on s’engage c’est que l’on agit.

Pour finir, pourrais-tu nous donner ton coup de cœur musical, un album ou un artiste qui t’as marqué récemment ?

En ce moment j’écoute beaucoup Alice Coltrane, qui après la mort de son mari John Coltrane est partie vivre en Inde et s’est convertie à l’hindouisme. Je recommande vivement ses albums Divine Songs, Glorious Chants, Infinite Chants, Eternity et The ecstatic music of Alice Coltrane Turiya Sangitananda.

Propos recueilli par Victor LE JAMTEL

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