Mârouf, savetier du Caire – Henri Rabaud – Opéra Comique
L’Opéra Comique a choisi un opéra festif pour clore la saison.
L’histoire tient en deux lignes : un mari battu quitte sa femme calamiteuse, s’enfuit, et échappe à un naufrage. Il est recueilli par un marchand qui se révèle être son ami d’enfance, perdu de vue depuis 20 ans. Celui-ci l’introduit auprès du Vizir qui lui offre sa fille en mariage. Bref tout est possible dans le meilleur des mondes ! Un happy end formidable en ce début de Première Guerre mondiale.
Marouf a fait un tabac lors de sa création en 1914 à l’Opéra Comique, puis à la mort du compositeur est tombé dans l’oubli. L’Orchestre de Radio France dirigé par un Alain Altinoglu, en pleine forme, prend plaisir à jouer cette musique savante truffée d’hommages à l’histoire de la musique. On reconnaît des accents de Debussy de Pélléas et Mélisande ou bien les notes célèbres du Sacre du Printemps de Stravinsky. Des rythmes slaves succèdent à ceux arabisants. C’est un doux mélange, sucré comme le gâteau au miel d’abeilles dont raffole la première femme de Marouf, intelligent et plaisant.
Jérôme Deschamps dans sa mise en scène, s’amuse et plonge le spectateur dans une bande dessinée, drôle, colorée, très dynamique. Toutefois les décors d’Olivia Fercioni de carton pâte sont un peu décevants à l’exception de la fontaine. Tout est simplifié dans des allures rectilignes et longilignes. La tenture transparente derrière laquelle s’abrite la princesse est une bonne idée.
Les costumes multicolores créent une fantaisie comique. Chacun y va de son symbole. Le pâtissier arbore une toque de chantilly plantée de cerises gigantesques, le vizir soupçonneux est coiffé d’une tête de renard, le marinier d’un petit bateau en guise de pompon sur son bonnet. Le choix du corps entièrement vert des gardes et des danseuses reste un mystère mais crée un effet spectaculaire … Mais la robe de la princesse est vraiment réussie. Très spectaculaire, composée de pétales de rose, comme une montgolfière, elle confère à la jeune femme une dimension poétique, mystérieuse et inaccessible pour le pauvre savetier.
On est bien dans le merveilleux des Contes des mille et une nuits. D’autre part, les chorégraphies lascives des danseuses ou les ânes danseurs participent à cette liesse festive.
Le clou du spectacle, c’est Jean-Sébastien Bou. Sa prestation est fabuleuse. Le puissant baryton enchante par sa voix mélodieuse et chaude : il galvanise la salle. Excellent comédien et formidable acrobate, il n’hésite pas à plonger dans un sac avec hardiesse. Il conquiert toute la salle qui l’applaudit à tout rompre. Naturellement, Nathalie Manfino brille tout autant même si son rôle est moins important car elle n’apparaît qu’au second acte. sêtreLa soprano pétille de vie et de joie. Elle incarne une jeune princesse espiègle et délicieuse qui découvre l’amour. Leur duo est magnifique. Tous deux révèlent la noblesse de leur rôle de jeunes premiers dans cette mascarade comique et gaie.
Marie Torrès
Mârouf le Savetier du Caire
Opéra-comique en cinq actes, 1914
Livret de Lucien Népoty
Introduction par Agnès Terrier 40 minutes avant chaque représentation
Direction musicale, Alain Altinoglu
Mise en scène, Jérôme Deschamps
Chorégraphie, Peeping Tom (Franck Chartier)
Décors, Olivia Fercioni
Costumes, Vanessa Sannino
Lumières, Marie-Christine SomaAssistant musical, Adrien Perruchon
Collaboration à la mise en scène, Valérie Nègre, Sophie Bricaire
Chefs de chant, Sylvie Leroy, Mathieu Pordoy
Mârouf, Jean-Sébastien Bou
Princesse Saamcheddine, Nathalie Manfrino
Le Sultan, Nicolas Courjal
Le Vizir, Franck Leguérinel
Ali, Frédéric Goncalvès
Fattoumah, Doris Lamprecht
Le Fellah, premier marchand, Christophe Mortagne
Ahmad, Luc Berthin-Hugault
Second marchand, premier mamelouk, Geoffroy Buffière
Le Kâdi, Olivier Déjean
Chef des marins, ânier, premier muezzin, premier homme de police, Patrick Kabongo Mubenga
Second homme de police, Ronan Debois
Second muezzin, Safir Behloul
Danseurs, Louis Clément Da Costa, Samir M’Kirech, Fanny Gombert, Marjorie Hannoteaux, Lola Kervroedan, Axelle Lagier, Marlène Rabinel, Candide Sauvaux, Asusa Takeuchi, Claire Tran Choeur, accentus Orchestre Philharmonique de Radio France Production, Opéra Comique Partenaire associé, Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française
Chanteurs de l’Académie de l’Opéra Comique
Jusqu’au 3 juin 2013 à 20h
Opéra Comique
1, place Boieldieu
75002 Paris
www.opera-comique.com
[Crédit photos : Pierre Grosbois]
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