Marina Ruiz : “J’ai donné mon corps et mon âme à la vocalité lyrique”
Marina Ruiz, diplômée du CNSM, nous raconte son parcours qui lui a permis d’accéder au métier de ses rêves : chanteuse lyrique !
Quel a été votre parcours musical ?
Ma mère me dit que j’ai chanté dès le berceau, je vocalisais sur mon prénom très tôt, beaucoup trop tôt tous les matins… Mon père est trompettiste et j’ai pris des cours de chant tardivement, vers 17 ans. Mon père voulait que je fasse de l’opéra alors que j’étais déterminée à faire de la variété… On faisait toutes les semaines le voyage Castelnaudary – Peyriac-Minervois, soit une bonne heure de route, et c’est ma professeure de chant de l’époque qui m’a convaincue de faire de l’opéra. Ensuite, j’ai eu beaucoup de chance, je suis passée par le CRR de Lyon, avec Jean-Christophe Henry, absolument fabuleux pour révéler les voix et un répertoire sur mesure. Je suis rentrée deux ans plus tard au CNSM, le Conservatoire National Supérieur de Musique. À la suite de mes études, je me suis formée avec Regina Werner, une mage de la voix, et puis cerise sur le gâteau, Helene Golgevit qui fait vraiment naître l’artiste au plus profond de la voix. Je suis très fière de ce parcours qui ne cesse de me surprendre et d’évoluer. Il faut en profiter.
Il y a plusieurs grandes écoles pour apprendre le métier de chanteuse lyrique. Pourquoi le choix du CNSM ?
J’étais verte quand je suis rentrée au CNSM : très naïve et ne sachant rien de ce qui allait se passer. Ce qui était bon ou mauvais. J’ai eu la chance d’avoir eu deux bons mentors avant le CNSM, ils m’ont convaincue de viser très haut et d’improviser par la suite… Le CNSM est merveilleux pour s’y faire des amis et rencontrer des artistes absolument formidables. On y apprend plein de choses, c’est un lieu de formation par excellence. Riche à n’en plus finir où l’on apprend beaucoup sur ses ressources et sa propre force. Le métier étant une réalité difficile, c’est un des meilleurs établissements pour s’y préparer.
Quelles sont les disciplines enseignées au CNSM ?
Le travail y est colossal car il y a beaucoup de disciplines et il y en a de nouvelles chaque année. Il y a quatre langues à travailler : le russe, l’anglais, l’italien et l’allemand, qui sont adaptées pour les chanteurs. Il y a de la danse, du piano, du chant, bien sûr, du théâtre, des cours de répertoire lied, opéra. On a aussi la possibilité de former des duos en musique de chambre, en répertoire baroque… Nous avons également un travail avec le chef de chant pour répéter les airs, la mise en scène, l’analyse, le solfège et une foule d’autres travaux…
Que s’est-il passé pour vous après avoir été diplômée du CNSM ? Quels ont été vos projets ?
Après le CNSM, sans mentir, ça a été le désert les premiers mois. Mais loin de me laisser abattre, je suis partie en Allemagne pour combler des difficultés qui m’entravaient dans mon parcours. Regina Werner a été ma première bouée et très vite j’ai tenté toutes les auditions qui se présentaient à moi. Certaines ont marché et d’autres non, puis les opportunités se sont multipliées. J’ai pu chanter par exemple à la Philharmonie de Paris dans 200 Motels de Frank Zappa ou le Miserere de Thierry Pécou à Hambourg, une création des plus belles. J’ai fait beaucoup de créations avec l’IRCAM, l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique, cela m’a énormément apporté. J’ai également intégré la fabuleuse compagnie, Kaïnos à Lyon, et l’orchestre du Palais Royal à Paris qui m’a donné beaucoup de confiance et qui m’a fait rencontrer Benjamin Prins. C’est un metteur en scène époustouflant avec qui j’espère retravailler. Je chante aussi avec l’ensemble Maja aux côtés de merveilleux artistes.
Serait-il possible de nous décrire une semaine type ?
Je travaille tous les jours entre ma chauffe quotidienne et mes airs d’auditions. Je fais beaucoup de yoga pour éduquer le corps à rester souple, calme et actif. Cette semaine, par exemple, j’ai des répétitions tous les jours, je pars mardi et mercredi à Bordeaux travailler avec une nouvelle compagnie. Jeudi, je donne des cours de chant et vendredi je fais à nouveau un service de répétitions pour se préparer à une résidence de travail en Auvergne où nous allons monter une création. C’est une composition fraîchement créée qui sera jouée pour la première fois en janvier 2021. Le samedi, je jongle entre des cours de chant et une répétition pour une opérette que nous donnerons dès que ce sera possible à l’Auguste Théâtre de Paris.
Vous devez continuer à vous entraîner encore aujourd’hui. Prenez-vous toujours des cours ?
Un musicien, ne s’arrête jamais de travailler. Et quand il ne pratique pas, il y pense.
Oui, je travaille chaque jour, car la technique doit être un acquis, un pur réflexe comme pour marcher, on doit cesser de réfléchir à ce qu’on fait pour être dans un discours progressif naturel, viscéral. C’est un travail de longue haleine qui doit se faire pour chaque musique. Et oui, j’ai besoin d’une oreille extérieure, je vois tous les mois une cheffe de chant et une professeure de chant. C’est une question d’hygiène et de processus que j’ai bien l’intention de continuer tant que je serai en âge de chanter (jusqu’à longtemps, donc).
Ce métier mène-t-il à beaucoup voyager, en particulier si l’on suit une production en tournée ?
Oui, nous voyageons beaucoup et prévoyons rarement en avance… notre métier demande beaucoup de disponibilité pour voyager, se réunir pour répéter et enfin faire les concerts. À l’étranger parfois, mais aussi beaucoup sur le territoire.
Y a-t-il un compositeur que vous aimez particulièrement chanter ?
Je suis une grande partisane de tout ce qui implique de jouer, alors de Mozart en passant par Puccini, Purcell, Strauss, Massenet, Haendel, Offenbach… je suis servie ! Avec l’opéra et la musique de façon générale, nous sommes servis : il y a toujours un texte et des émotions à faire passer.
Vous vous considérez comme chanteuse ou chanteuse lyrique ? Quelle est la différence entre les deux métiers ?
Oui je suis chanteuse lyrique. Cela implique que je chante évidemment de la musique dite “classique”, mais nous vivons dans une époque bel et bien actuelle. La musique étant un art vivant, cela implique qu’elle évolue également, donc oui, cela emmène à chanter du contemporain, des créations. Comme nos confrères de la variété, un chanteur peut également créer sa musique et son univers, son propre spectacle. Personnellement, je suis plus une interprète impliquant ma réflexion et mon ressenti sur une musique donnée que compositrice, du moins pour l’instant. Cependant, il m’est arrivé de créer mon propre spectacle. La vie réservant son lot de surprises, j’ai suffisamment de projets qui me demandent de l’investissement alors j’y reviendrai plus tard.
Est-ce qu’il vous arrive de faire des concerts de variété ?
Plus maintenant, j’ai donné mon corps et mon âme à un autre type de vocalité qui convient à mon instrument.
Quelles ont été pour vous les conséquences de la crise sanitaire ?
Comme pour beaucoup d’autres, j’ai vu mon agenda devenir subitement blanc et j’ai eu beaucoup de temps sans pouvoir en profiter comme je le voulais. Lorsque nous sommes dans un moment libre de notre agenda, généralement on se réfugie chez nos proches, nos amis, alors que là ce n’était pas possible. Néanmoins, j’en ai profité pour monter beaucoup de répertoires, entretenir un rythme de travail personnel que les voyages et répétitions peuvent parfois freiner… Mais miracle, ou fruit du travail, quand les nuages se dissipent il y a toujours un peu d’herbe qui repousse. Le soleil revient vite, et j’espère que ça durera.
Quels sont vos projets en ce moment, pour l’après-confinement ?
Concernant mes projets, je travaille pour une opérette de Maurice Yvain. Nous la jouerons à l’Auguste Théâtre (Paris XIe) dès que cela sera possible. Je serai également dans la création Opus Lunae en janvier, l’opérette Les travaux d’Hercule de Terrasse au Grand-Lemps en avril et mai. Cet été, je travaillerai avec l’Ensemble Maja et il y a encore d’autres surprises en suspension que j’espère voir être confirmées.
Quelle serait votre ambition ? Imaginez-vous votre carrière d’une manière particulière ?
Je souhaite chanter encore et toujours, de mieux en mieux et sereine. Rien n’est acquis et tout est possible ! Il faut continuer de trouver sa voie et de chercher des projets et des partenariats nourrissants. Les concours sont un bon moyen de se présenter et une occasion de chanter alors, pourquoi refuser ? Je crève d’envie de chanter encore sur des grandes scènes… Nous verrons bien où le vent nous mène.
Propos recueillis par Elodie Pochat
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