Changé quelques jours plus tôt, le programme met côte à côte des œuvres très dissemblables. Ce qui aurait dû être un programme Ravel, se transforme en programme Beethoven – Ravel.
Maria João Pires
, pianiste portugaise que l’on ne présente plus, vient régulièrement jouer à Paris où le public l’accueille toujours chaleureusement. La salle est d’ailleurs pleine. Premier concerto réel de Beethoven dont certains mouvements furent esquissés avant l’âge de vingt ans, il est écrit pour un orchestre réduit, sans timbales. On se demande alors pourquoi proposer un orchestre de trente-huit cordes (vingt violons et quatre contrebasses) lorsqu’à peine plus de la moitié aurait été suffisante. Du parterre, la sonorité semble noyée dans cette épaisseur.
Riccardo Chailly prend un tempo peu enlevé et la soliste, à son entrée, semble vouloir accélérer. N’est-elle pas vraiment à l’aise ? Les traits et trilles sont précipités, et son jeu, notamment de pédales, est nerveux.
La belle cadence d’une écriture fortement contrastée que Beethoven compose quelques années plus tard lui permet de mieux libérer une expression pénétrante jusqu’alors contenue.
Le deuxième mouvement nous donne la possibilité de mieux apprécier les qualités de toucher qui ont fait la réputation de Maria João Pires dans le répertoire mozartien. Si la ligne orchestrale est toujours peu définie, le magnifique phrasé pianissimo de la pianiste est magnifique. La fameuse coda notée con gran espressione dans un silence presque religieux est admirable.
Le troisième mouvement est heureusement enchaîné par la pianiste. C’est un Rondo plus relevé mais toujours sans mordant. Très applaudi, l’ensemble des musiciens donne en bis l’Adagio du Concerto en Fa mineur de Bach.
Les Créatures de Prométhée ont préalablement ouvert le concert. Nous remarquons la présence de dix cordes supplémentaires. Démarrées d’un énergique coup de talon du chef, la sonorité est également un peu perdue.
Daphnis et Chloé est donné en version intégrale, ce qui se fait aujourd’hui de moins en mois rarement, les deux suites étant par ailleurs toujours habituellement jouées. Composé de trois Tableaux, le premier, le plus long, a un caractère fortement morcelé. À l’exception de son Nocturne final, aucune de ses danses n’est reprise dans une des deux Suites. L’orchestre est gigantesque : soixante-dix cordes, bois et cuivres par quatre, huit percussionnistes, plus d’une centaine de choristes. Bien que le chef soit très mobile sur son estrade, on note le peu d’amplitude de l’Introduction et le tempo trop lent de la Danse générale et de la Danse grotesque de Dorcon. La Danse légère et gracieuse de Daphnis ne s’envole pas.
Puis le Nocturne révèle de très belle sonorités. Dans l’Interlude, le choeur a capella est accompagné des instruments à vent dans une tradition qui remonte à Pierre Monteux. Les deux dernières danses du deuxième Tableau sont puissantes et pleines de contrastes.
Enfin, le troisième Tableau correspond à la deuxième Suite si fréquemment jouée (par cet orchestre, onze fois entre 2002 et 2008 sous la baguette d’Eschenbach). Le résultat est époustouflant. Le crescendo final est somptueux et haletant. L’orchestre est magnifique de cohésion.
Bref, ces retrouvailles furent une simple reprise de contact que l’on espère fructueuse à l’avenir.
Ludwig van Beethoven
Les Créatures de Prométhée, ouverture
Concerto pour piano n°2, en si bémol majeur, op.19
Maurice Ravel
Daphnis et Chloé, ballet intégral
Maria João Pires, piano
Chœur de l’Orchestre de Paris
Lionel Sow,
chef de chœur
Orchestre de Paris
Riccardo Chailly, direction
Le concert du 23 janvier sera diffusé en direct sur Arte Live Web et en différé sur Mezzo et Arte Maestro
Tarifs : 85€, 65€, 45€, 30€ et 10€
Prélude au concert le mercredi 22 février à 18h : entrée libre
252, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
[Crédit visuel : Gert Mothes]