Manon – Nathalie Dessay – Opéra Bastille
Bien étrange mise en scène de Coline Serreau, qui joue du décalage, du mélange des genres, grotesque, burlesque, sérieux et des époques pour apporter une note comique à ce livret fade d’après le chef d’oeuvre de L’abbé Prévost, L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut. Les décors sont superbes, majestueux, inventifs : on adore l’hôtel ! Extraordinaire plaisir de ce décor qui se découvre progressivement. Citons la verrière magnifique et cette végétation luxuriante qui révèlent ce plateau gigantesque de Bastille. Toutefois on a le sentiment qu’il a fallu chercher des trouvailles dans la mise en scène, des effets pour égayer ce livret naïf, procédé qui porte en lui-même ses propres limites quand ce n’est pas justifié.
Coline Serreau cherche à désacraliser cet idéal féminin qui n’existe que dans les romans. Éternelle rupture entre le rêve et la réalité. Avec ironie, une toile d’un paysage idéal, une petite maison retirée descend pendant l’air de Des Grieux, puis un autre d’une publicité de casseroles des années 50 qui ajoute à l’anéantissement total de l’idéal.
Au début, un décor grandiose et sobre installe deux espaces superposés de jeu. Premier clin d’oeil : le repas est livré, sous vide du supermarché par des jeunes ! C’est drôle et subversif ! On mange plus souvent qu’on ne croie du surgelé dans ces auberges… Première connivence avec le spectateur ! Puis les clins d’oeil s’enchaînent, surprennent, puis retombent à plat. Pourquoi ? En voulant jouer des différentes époques côte à côte, grâce aux costumes ? Cela devient explicatif, allusif. On sourit mais on n’est pas pris. D’ailleurs comment imaginer que cet amour de Des Grieux pour Manon puisse exister en dehors même du romanesque ? Un amour de toute une vie, fidèle, même lorsqu’on est trahi, cela n’existe pas. Alors ramener prosaïquement cet amour dans une réalité d’aujourd’hui est nécessairement voué à l’échec.
On attendait Nathalie Dessay avec impatience, toujours excellente comédienne, mais inégale dans sa performance. Sa Manon n’est ni perfide, ni piquante. Elle n’a pas cette délicieuse effronterie qui charment tant les hommes. C’est une Manon amoureuse et séduite par le charme du talentueux Des Grieux, incarné par Guiseppe Filianoti hardi, audacieux et transporté. Sa voix est magnifique, ronde et puissante. Il incarne un jeune premier sincère et entier. Très belle présence de Paul Gay, excellent baryton-basse en père. Saluons le magnifique baryton Franck Ferrari convaincant malgré son accoutrement, très à l’aise qui porte le masque de la duplicité avec joie et entrain.
Marie Torrès
Manon
Opéra comique en cinq actes et six tableaux
Musique de Jules Massenet
D’après le roman de l’abbé Prévost
Evelino Pido, Direction musicale // Coline Serreau, Mise en scène // Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine, Décors // Elsa Pavanel, Costumes // Patrick Marie Aubert, Chef du choeur
Natalie Dessay (10, 14, 18, 22, 25, 28 janv., 2 et 5 févr.)
Manon
Marianne Fiset (10 et 13 févr.) Manon
Giuseppe Filianoti (10, 14, 18, 22, 25, 28 janv., 2 et 5 févr.), Le Chevalier des Grieux
Jean-François Borras (10 et 13 févr.), Le Chevalier des Grieux
Franck Ferrari, Lescaut
Paul Gay, Le Comte des Grieux
Luca Lombardo, Guillot de Morfontaine
André Heyboer, De Brétigny
Olivia Doray, Poussette
Carol Garcia, Javotte
Alisa Kolosova, Rosette
Christian Tréguier, L’Hôtelier
Alexandre Duhamel, Ugo, Rabec, Deux Gardes
Orchestre et chœur de l’Opéra National De Paris
Prix des places : 5€, 15€, 40€, 75€, 105€, 130€, 150€, 170€ et 180€
Réservation en ligne
Durée du spectacle : 3h30 avec 2 entractes
Diffusion en direct le samedi 28 janvier à 19h30 sur France Musique
Opéra Bastille
M° Bastille
[Crédit photos : Charles Duprat]
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